Les gouvernements successifs et plus encore les collectivités locales ont pris conscience au fil des années des sérieuses conséquences politiques et sociales de l’instauration dans toutes les agglomérations françaises de plus de 150.000 habitants de Zones à faibles émissions (ZFE) excluant progressivement les véhicules les plus anciens considérés comme les plus polluants. L’intention unanime derrière la création des ZFE en 2019, votée avec enthousiasme par le Parlement à la demande du gouvernement d’Edouard Philippe, n’était pas et n’est pas contestable. Il s’agissait dans la grande vague alors des engagements écologiques de la macronie de réduire la pollution atmosphérique dans les villes de plus de 150.000 habitants et notamment les émissions de particules fines et de dioxyde d’azote.
Mais l’efficacité de la mesure est assez limitée voire même contestable, comme le montrent plusieurs d’expérimentations, et surtout elle revient à exclure des agglomérations les populations « périphériques » défavorisées. Une étude récente montre même que les ZFE restreignent l’accès à l’emploi des plus modestes. Elles reviennent de fait à instaurer une ségrégation sociale et géographique et à assigner à résidence la France périphérique… celle des gilets jaunes. La parfaite illustration de l’opposition entre fin du mois et fin du monde.
Zones à fortes exclusion
Pas étonnant si elles sont violemment contestées par toutes les organisations d’automobilistes, par la plupart des partis politiques et ont été affublées depuis longtemps du surnom de Zones à forte exclusion…
Et pour en revenir aux émissions polluantes, rappelons que les confinements de l’année 2020 ont pu permettre de mesurer en grandeur réelle, pas seulement à partir de modèles théoriques, l’impact de la circulation automobile sur la pollution atmosphérique. Il est évidemment important et indéniable mais cela n’a pas empêché des alertes aux particules fines dans la région Ile-de-France pendant les périodes de confinement, y compris pendant la plus radicale du mois de mars 2020 marquée par un effondrement de la circulation automobile. Cela a démontré, ce que la plupart des experts qui ne sont pas militants savent depuis longtemps, que la circulation automobile n’est qu’un élément de la pollution atmosphérique et que les particules fines se déplacent sur des centaines voire des milliers de kilomètres.
Pas de sanctions en 2025, de la « pédagogie »…
Pour en revenir aux ZFE, le gouvernement et plus encore les collectivités locales n’ont cessé au fil du temps de retarder, aménager, suspendre les mesures à l’exception évidemment de Anne Hidalgo, la Maire de Paris. Elles devaient entrer en vigueur en 2020… Elles commenceront timidement à l’être en 2025 et encore. Il n’y aura pas de sanctions, uniquement de la « pédagogie »… Et comme les élections municipales sont en 2026, on peut même pronostiquer sans trop de risques de se tromper que la pédagogie se poursuivra en 2026.
En tout cas, l’an prochain quatre ZFE sur les quarante-deux instaurées sur le territoire national interdiront leur accès aux véhicules Crit’Air 3. C’est à- dire schématiquement les voitures diesel immatriculées avant 2011 et les modèles essences immatriculés avant 2006. Il s’agit des métropoles de Lyon, de Montpellier, de Grenoble et du Grand Paris. Cette mesure est rendue obligatoire par la loi pour la capitale et Lyon et est le fait d’un choix des municipalités pour les villes de Grenoble et Montpellier.
Une multitude de dérogations et d’aménagements… d’une rare complexité
Cela signifie en théorie que dès le 1er janvier prochain la circulation entre 8 heures et 20 heures des véhicules dits Crit’Air’ 3 sera interdite dans ses agglomérations du lundi au vendredi. Les véhicules exclus représentent près d’un quart du parc en circulation…Selon une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme (APUR), près d’un automobiliste sur quatre (23%) ayant une voiture particulière immatriculée dans le périmètre de la ZFE de la Métropole de Grand Paris a une vignette Crit’Air 3 ou plus.
Maintenant, nous sommes en France et les réglementations et processus administratifs ne sont jamais simples et font toujours l’objet de dérogations et d’aménagements… d’une complexité inouïe. Ainsi, toutes les voitures Crit’Air 3 ne seront pas interdites dans le Grand Paris et sous certaines conditions pourront circuler dans cette ZFE.
Il y aura des dérogations pour les véhicules des personnes en situation de handicap et ceux des foyers très précaires. Les voitures considérées comme polluantes pourront aussi demander un pass ZFE. Il s’agit d’une dérogation individuelle qui permettra de circuler dans la zone délimitée par l’A86 dans une certaine limite de temps. C’est-à-dire 24 jours à la carte par an avec un véhicule Crit’Air 3 dans la ZFE parisienne. Il faudra demander l’autorisation sur une plateforme en ligne qui ouvrira le 1er janvier 2025. Après comment seront contrôlés les dossiers et le fonctionnement du pass ZFE, on peut s’attendre à quelques surprises et casse-tête administratifs. Comme par exemple, le fait qu’il soit payant… mais pas pour tout le monde.
Lyon a déjà expérimenté un pass similaire dénommé le « dispositif petit rouleur ». Il est plus généreux et autorise 52 trajets par an pour les propriétaires de véhicules Crit’Air 3, 4 ou 5 dans la ZFE lyonnaise. Il y a aussi des systèmes de dérogations à Toulouse et à Rouen (pour les véhicules Crit’Air 4 et 5) qui permettent aux véhicules bannis de circuler dans les villes quelques jours par an.