La voiture, véhicule refuge

13 mai 2020

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Route wikimedia commons
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La voiture, véhicule refuge

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Les transports en commun étant potentiellement des vecteurs de transmission du coronavirus, les Français privilégient encore plus le transport individuel et avant tout la voiture. C'est ce que montre un nouveau sondage réalisé il y a quelques jours. Pas moins de 77% des personnes interrogées comptent prendre une voiture pour leurs déplacements dans les prochaines semaines et les prochains mois.

N’en déplaise à Anne Hidalgo, la maire de Paris, et aux autres adversaires de la voiture individuelle, l’épidémie de coronavirus l’a rendu plus indispensable encore. Les promoteurs des mobilités collectives, qui considèrent que la propriété privée des véhicules est une aberration écologique et économique, vont connaître un difficile retour à la réalité. Au lieu de se débarrasser de voitures coûteuses, polluantes et encombrantes et de privilégier les transports publics, le covoiturage, la location et le partage, le réflexe de préservation avec l’épidémie conduit à moins se déplacer, mais quand il le faut à privilégier un cocon protecteur bien à soi.

La France des métropoles ne doit pas commettre deux fois la même erreur et accabler à nouveau les automobilistes. La stigmatisation de la voiture a donné naissance, pour partie au moins, au mouvement des gilets jaunes. Il ne faudrait pas à nouveau ignorer  la population qui vit dans les petites villes, les zones périurbaines et les campagnes et ne peut pas se passer d’une voiture pour vivre. Il y a un peu moins de deux ans, la limitation de vitesse à 80 kilomètres heures sur les routes secondaires et l’augmentation de la taxe carbone sur les carburants avaient été compris comme une ponction fiscale supplémentaire et une stigmatisation infligées à la France périphérique par la France des métropoles. Chasser les véhicules des agglomérations sous des prétextes douteux, notamment en affirmant que la pollution transporte le virus, est socialement, économiquement et politiquement dangereux.

77% des Français comptent privilégier la voiture

Car les premières conséquences incontestables de l’épidémie sont que les transports en communs sont devenus un repoussoir, étant des vecteurs importants de transmission du virus, et que les grandes villes sont aujourd’hui beaucoup moins attractives, le mot est faible. Tout cela va se traduire logiquement par moins de déplacements et un usage plus important des moyens de transports individuels et plus particulièrement de l’automobile. Cette dernière est non seulement perçue comme sécurisante, mais aussi comme le moyen de retrouver une liberté de mouvement brutalement supprimée par le confinement.

Un sondage réalisé il y a quelques jours pour la start-up Virtuo, spécialisée dans la location de voitures, auprès de 1.435 personnes de 18 à 65 ans, le démontre amplement. Ainsi, 77% des Français comptent privilégier la voiture pour leurs déplacements dans les prochaines semaines et les prochains mois, notamment à l’occasion de leurs vacances. Cela représente, par rapport au monde d’avant le Covid-19, un bond de 22 points (76,5% contre 54%), compensant presque exactement les reculs du train et de l’avion (23% contre 45,5% avant). Toujours selon l’étude, 39% des personnes interrogées souhaitent en priorité rendre visite à leur famille et 60% souhaitent s’évader quelques jours.

Pour les 40% qui ne souhaitent pas prendre de congés prochainement, 29% vont rester en télétravail dans un premier temps. Ils sont toutefois plus d’un tiers à souhaiter retrouver un rythme normal et, pour leurs déplacements domicile-travail, 56% vont privilégier la voiture. Sans surprise, les transports en commun connaissent un effondrement  puisque seuls 16% d’intentions d’utilisation s’expriment contre 29% avant le confinement. Seul le vélo enregistre une progression de 3,5 points (8,5% contre 5%) et plutôt avec une machine personnelle qu’une location.

Le coronavirus changera beaucoup de choses dans l’utilisation des transports, au moins dans les prochains mois. Telles sont aussi les conclusions d’une autre étude menée aux Etats-Unis le mois dernier par IBM auprès de 14.000 personnes. Selon cette dernière, les transports publics mais aussi les taxis et les vtc devraient perdre une partie importante de leurs passagers du fait de la baisse de l’utilisation des transports et d’un recours plus important aux véhicules individuels que ce soit la voiture, la moto, les scooters, les vélos et les trottinettes. L’étude souligne aussi le fait que  les déplacements vers le centre des métropoles devraient sensiblement se réduire.

Sur les 14.000 personnes sondées par IBM, plus de 17% ont déclaré avoir l’intention d’utiliser plus souvent leur voiture. Pour ceux qui prenaient régulièrement les transports en commun avant l’épidémie -le bus, le métro et le train- 20% à l’intention de ne plus du tout les utiliser et 28% de les prendre moins fréquemment. Une différence considérable.

Une bulle protectrice et une liberté à laquelle il est difficile de renoncer

Comme le soulignait avec ironie Le Point il y a quelques semaines, «en dépit des désagréments qui ont été dressés pour restreindre son usage –trafic sciemment sclérosé, coût des carburants, prix du stationnement, etc.–, les usagers signent massivement pour l’usage de la voiture dont la bulle protectrice prend une signification nouvelle en période de pandémie.»

La voiture est perçue par une bonne partie des automobilistes, plus encore aujourd’hui, comme une protection contre les agressions extérieures. Cela explique d’ailleurs, l’attachement parfois irrationnel qu’elle suscite. Elle est également et de façon plus objective un moyen de se protéger contre la pollution et la propagation des virus, filtrés, en partie, par les systèmes de climatisation. La voiture est un refuge et une liberté à laquelle il est difficile de renoncer.

C’est ce qui ressortait d’un autre sondage, réalisé il y a deux mois par l’Association 40 millions d’automobilistes, juste avant le confinement, auprès de 10.058 personnes. Plus de quatre Français sur cinq (82,3%) déclaraient alors que la voiture restait leur moyen de transport favori, contre 7% pour la moto, 5,4% la marche et 3,6% le vélo. Un raz de marée pour le transport individuel au détriment du collectif vécu avant tout comme une contrainte. Le bus arrivait ainsi en dernière position, étant le transport favori de 0,26% des personnes interrogées…

Le plus grand journaliste automobile britannique, le regretté L.J.K. Setright, résumait parfaitement, en 2003 déjà, le dilemme des automobilistes et la relation particulière qu’ils continuent, pour une bonne partie d’entre eux, à entretenir avec leur voiture. «La fin de la voiture doit arriver. Elle a été tout au long de son existence un moyen de communication. Nous en avons d’autres maintenant dont on ne pouvait même pas rêver quand la voiture a été inventée. Ils doivent supplanter la voiture comme la navigation à vapeur a remplacé la voile. Mais, si on regarde notre comportement au cours des 70 dernières années, vous croyez vraiment que nous laisserons faire?»

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