La France est sans conteste l’un des pays les plus autophobes au monde. Les adeptes de René Dumont, premier candidat écologiste à l’élection présidentielle, ont gagné la bataille idéologique contre l’automobile, en tout cas auprès des élites intellectuelles et dans la plupart des médias. René Dumont déclarait ainsi en 1974: «l’auto, ça pue, ça pollue et ça rend con».
Une opinion caricaturale, simpliste et méprisante, qui est partagée aujourd’hui par la plupart des maires des grandes villes françaises, écologistes ou pas. Anne Hidalgo, la maire de Paris, a mis en place depuis des années une politique visant à chasser par tout les moyens les voitures de sa ville quitte à multiplier les nuisances et les embouteillages.
Il est facile de dénoncer la voiture comme la principale responsable des problèmes de pollution atmosphérique et de congestion et les automobilistes comme des «beaufs» égoïstes et dangereux. Cela permet notamment de ne pas s’attaquer réellement à des problématiques d’une grande complexité.
Le rejet de la voiture est le fait d’une toute petite minorité
La vision caricaturale de la voiture a en tout cas contribué fortement à creuser le fossé entre la France des métropoles, qui peut s’en passer grâce aux moyens de transport collectifs et au vélo, au moins pendant la belle saison, et la France périphérique qui ne peut pas se passer de l’automobile pour travailler, faire ses courses, se soigner, étudier et avoir une vie sociale.
Mais contrairement à un message souvent relayé, la détestation et le rejet de l’automobile ne sont le fait que d’une toute petite minorité de l’opinion. C’est ce que révèlent deux études réalisées par l’institut Odoxa pour BMW auprès de 3.000 personnes représentatives de tous les territoires et par le ministère de la Transition écologique.
L’étude Odoxa, qui a donné lieu à la publication avec BMW d’un livre blanc, montre, sans surprise, que les Français ne sont pas du tout égaux face à la mobilité. À la campagne, dans les zones dites périurbaines et dans les petites villes où l’offre de transport en commun est réduite ou inexistante, la voiture est une nécessité. Ainsi, 47% d’entre eux utilisent leur voiture tous les jours. Neuf personnes sur dix sont par ailleurs titulaires du permis de conduire et 92% utilisent une voiture de manière régulière dont 76% qui prennent le volant plusieurs fois par semaine.
Indissociable de la notion de liberté
Si baisse de son utilisation il y a, elle concerne avant tout l’agglomération parisienne, plus que jamais une exception. Dans les autres grandes villes et d’une manière générale en province, elle reste le moyen de déplacement numéro un sans concurrent.
L’étude Odoxa révèle aussi que 28% des Français -le double en région parisienne- utilisent plusieurs moyens de transport distincts pour leurs trajets domicile-lieu de travail. Ils passent en moyenne 48 minutes par jour dans les transports pour aller travailler, 43 minutes en zone rurale et 60 minutes en région parisienne.
Autre enseignement l’avènement de nouvelles mobilités pour employer le sabir technocratique, et les campagnes permanentes dénonçant les nuisances, parfois bien réelles, de l’automobile, ne se sont pas traduits par un rejet de la voiture. Elle reste, de loin, le mode de transport le plus utilisé et le plus apprécié.
Elle est considérée comme le moyen de transport le plus fiable, le plus sûr et le plus pratique. Plus important encore, et cela explique l’attachement qu’elle inspire, pour 88% des personnes interrogées, la voiture reste associée à la notion de liberté, et même pour 71% d’entre eux au plaisir de la conduite.
Dans 20 ans, la voiture électrique sera dominante
Pour autant, l’étude révèle aussi que 80% des Français déclarent désormais être attentifs à l’impact environnemental de leurs déplacements. Ils sont 65% à considérer que la voiture électrique devancera la voiture thermique d’ici 20 ans et 60% à imaginer que la possession d’une voiture restera la norme dans l’avenir et que les services de mobilité seront complémentaires.
La voiture est considérée comme bien moins stressante que les transports en commun -le métro en tête-, ce qui est encore plus vrai quand les transports collectifs présentent aussi un risque sanitaire. Les personnes interrogées dénoncent dans les transports en communs, les incivilités, leur faible fiabilité, et l’insécurité liée au non-respect de la distanciation sociale.
Du coup et sans surprise, 86% des Français estiment qu’il est «important» de posséder sa propre voiture. Cette dernière est première sur 4 des 5 critères jugés les plus importants par les Français en matière de transports à savoir: la sécurité, la durée du trajet, la facilité d’accès et la disponibilité. Le seul bémol est celui de son coût jugé trop élevé et plus particulièrement les coûts d’usage (maintenance, entretien, essence, assurance) plus que celui de l’acquisition.
Vache à lait fiscale et fracture territoriale
Il faut dire que l’automobiliste français est une vache à lait pour l’Etat. L’automobile assurait l’an dernier 36% des recettes fiscales nettes du pays! Cela représentait 83,9 milliards d’euros. Sans surprise, la France est aussi le pays européen qui taxe le plus les carburants avec un total l’an dernier de 42,8 milliards d’euros.
Même les services du ministère de la transition écologique ne peuvent que constater la place particulière de l’automobile dans la vie des Français. Les premières conclusions d’une enquête de grande ampleur portant sur plus de 12.000 personnes, interrogées entre avril 2018 et avril 2019, montrent que l’automobile demeure le mode le transport numéro un avec 63% du nombre total de déplacements quotidiens des Français, très loin devant la marche (23,5%) et les transports en commun (9,1%). Le vélo ne représentait (avant la pandémie) que 2,7% des déplacements locaux.
La part des déplacements automobiles est bien en recul sur dix ans, elle était de 64,8 % en 2008, mais cela tient avant tout à l’évolution en Île-de-France. La baisse est sensible avant tout dans l’agglomération parisienne (41% en 2008 et 33,5% en 2019), tandis que dans les autres grandes villes, elle est conforme à la moyenne nationale et inexistante dans les communes de moins de 20.000 habitants. La fracture territoriale est une réalité incontestable.