Si la voiture électrique a battu des records de vente l’an dernier, dans le monde et en France, elle est loin pour autant d’avoir conquis les cœurs. Il s’agit ainsi avant tout d’achats dictés et suscités pour des raisons économiques et fiscales. C’est le cas pour les acheteurs comme pour la plupart des industriels qui en font la promotion. L’image de la voiture électrique reste assez négative notamment dans des pays comme l’Allemagne, la France et les Etats-Unis. Cela a tient deux particularités uniques dans l’histoire de l’automobile. Elle ne gagne des parts de marché que quand les subventions à l’achat sont massives et son adoption est la conséquence avant tout de pressions fiscales et réglementaires exercées sur les consommateurs et les industriels par les gouvernements voire des institutions internationales comme l’Union Européenne. La règle universelle concernant les voitures électriques est qu’elles représentent une part significative du marché des véhicules neufs si elles sont fortement subventionnées. C’est vrai en Chine, en Allemagne comme en France. Et les pays qui a un moment ont abaissé les subventions, ont également vu les ventes faiblir. Cela a été le cas au Danemark et un temps en Chine.
Des réticences en Allemagne, en France, aux Etats-Unis et au Japon
Si la voiture électrique ne suscite pas spontanément l’enthousiasme des consommateurs potentiels, en dépit d’une propagande permanente en sa faveur, c’est la faute avant tout à des usages et des possibilités plus limités que les véhicules à moteur thermiques, des prix à l’achat plus élevés et des contraintes d’autonomie et de rechargement plus grandes. Il y a enfin la question qui commence à apparaitre, notamment en Europe, de l’empreinte carbone réelle des véhicules électriques liée notamment à la fabrication et au recyclage de leurs centaines de kilos de batteries et à la façon dont est produite l’électricité qui permet de les recharger. Le bilan carbone d’une voiture électrique n’est du tout le même si elle est rechargée par de l’électricité nucléaire décarbonée, comme en France, ou de l’électricité provenant pour partie de centrales à charbon, comme en Allemagne, et massivement de centrales à charbon comme en Chine.
La persistance des réticences face à la voiture électrique reste forte même si elle diminue comme le montre clairement une étude d’opinion réalisée par l’équipementier Continental dans cinq pays, la France, l’Allemagne, les Etats-Unis, la Chine et le Japon. Elle peine toujours à susciter l’adhésion en Allemagne, en France, aux Etats-Unis et au Japon, mais pas en Chine. Même s’il faut prendre avec certaines précautions les études d’opinion réalisées en Chine. Un pays ou justement la liberté d’opinion n’existe pas.
La spécificité chinoise
En tout cas, selon l’étude de mobilité 2020 de Continental, les Français et les Allemands sont respectivement 57% et 59% à ne pas envisager l’achat d’un tel véhicule dans l’avenir. Les Américains arrivent juste derrière puisque la moitié des sondés (50%) refuse d’adopter cette motorisation pour leur usage personnel. Au Japon, 46% des personnes interrogées n’ont pas non plus l’intention de passer à l’électrique. Seul en Chine, une majorité est favorable à l’achat d’une voiture électriques et seuls 14% des sondés affirment ne pas avoir l’intention de le faire (voir le graphique ci-dessous sur les intentions d’achat).
Cette spécificité chinoise étonne. Elle tient aussi sans doute au fait que près de 60% des Chinois se détournent depuis l’an dernier et les débuts de la pandémie des pouvoirs publics. Un rejet qui est sans équivalent dans le reste du monde et se traduit par une ruée sur les automobiles, y compris dans les grandes métropoles. Le métro de Wuhan a été un des vecteurs principaux de la transmission du virus et cela a marqué la population chinoise. Ainsi, l’étude Continental montre que 58% des personnes interrogées envisagent d’acheter prochainement une voiture contre 11% en France, 15% aux Etats-Unis, 6% en Allemagne et 6% au Japon.
L’étude Continental montre aussi que la proportion d’automobilistes ayant l’intention de passer à des véhicules émettant moins de gaz à effet de serre est en hausse constante depuis 2013. Mais là encore avec de fortes différences selon les pays. La progression la plus spectaculaire se trouve aux Etats-Unis avec un gain de 28 points juste devant la Chine avec 27 points. Mais sur la même période, la progression est de seulement 3 points en France et un seul au Japon.
Des doutes grandissants sur l’impact réel sur l’environnement des véhicules électriques
Pour justifier leur défiance vis à vis de l’électrique, les sondés ont de nombreux arguments, qui diffèrent selon les pays. Le manque de bornes de recharge est mis en avant en Europe et au Japon. En France, le premier argument est celui du prix élevé des modèles en dépit des aides à l’achat. La question de l’autonomie qui restreint la polyvalence des voitures électriques est aussi citée fréquemment. Une bonne partie des automobilistes se refusent à planifier des pauses incertaines en fonction de la disponibilité des bornes et longues lors de longs trajets.
La question de l’empreinte environnementale réelle des véhicules électriques joue aussi un rôle important sur leur image en Allemagne comme en France. Ainsi, outre-Rhin, pas moins d’un tiers des personnes interrogées par Continental n’entendent pas acheter un véhicule électrique parce qu’elle ne sont pas convaincues que sa technologie soit bénéfique à l’environnement. En France, un quart des personnes sondées ont apporté la même réponse. En revanche, seulement 11% des Américains ont les mêmes doutes et… 1% des Japonais.
En conclusion, Helmut Matschi, un des dirigeants de Continental, estime que «les constructeurs comme les équipementiers doivent considérer très sérieusement les réserves des consommateurs au sujet des véhicules électriques. Et ils doivent parvenir à les réduire et les réfuter s’ils veulent vraiment transformer le marché».