<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La vérité sur l’Ademe

4 février 2025

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La vérité sur l’Ademe

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Le problème avec cet établissement public, créé en 1991, ne tient pas à sa mission, accompagner la transition énergétique, mais la façon dont elle est menée, surtout avec un budget passé de 800 millions en 2020 à 3,5 milliards d’euros l’an dernier. L’Ademe, qui s’est auto baptisée il y a quelques temps Agence de la transition écologique, fait depuis des années du militantisme écologiste parfois jusqu’à la caricature. L’Ademe a été, et parfois est toujours, dans une logique purement idéologique… contre le nucléaire, contre l’automobile et pour la décroissance. Elle a été jusqu’à expliquer aux Français qu’il ne faut pas acheter des produits neufs dans les magasins et au bout de combien de jours d’usage ils doivent laver leurs différents vêtements. Elle s’est aussi rendue tristement célèbre pour avoir réalisé en 2018, à la demande express d’Elisabeth Borne alors ministre de la Transition écologique, une étude anti-nucléaire bâclée pour démontrer que produire 100% d’électricité renouvelable d’ici 2060 était tout à fait possible. L’Académie des Technologies avait « descendu » en flammes le document…

Le mois dernier, les poids lourds de la droite s’en sont pris soudain à l’Ademe. Le président du Sénat, Gérard Larcher a lancé la charge dans une interview au Parisien. Il a dénoncé les « 4 milliards de budget et près de 1.100 équivalents temps plein » de l’établissement public ajoutant que « la question de l’efficacité de la dépense publique se pose ». Valérie Pécresse, la présidente de la région Ile-de- France, a pris le relais et suggéré sur France Inter sa suppression pure et simple. Enfin, après le discours de politique générale du Premier ministre François Bayrou, le président du groupe LR à l’Assemblée nationale, Laurent Wauquiez, a dénoncé les agences et établissements publics – dont l’Ademe – à l’« utilité douteuse » et au « coût bien réel ».

Les critiques contre l’Ademe, contre la façon dont depuis plus de trente ans elle mène sa mission avec une efficacité souvent contestable et une logique avant tout militante et idéologique, sont légitimes… mais bien tardives. D’autant plus que son budget est devenu considérable. Il est passé (budget opéré) de 800 millions d’euros en 2020 à 3,5 milliards en 2024. Le budget prévisionnel pour 2024 était de 4,2 milliards et celui de 2025 devrait être de l’ordre de 4 milliards.

Sans surprise, la contre-offensive en faveur de l’Ademe a été immédiate. En France, l’efficacité et la légitimité de la dépense publique ne sont jamais des questions qui méritent d’être posées. Il suffit que les intentions soient louables… Ce qu’elles sont toujours. Agnès Pannier-Runacher, dont le ministère de la Transition écologique a la tutelle de l’Ademe, a dénoncé des « critiques simplistes » autour d’un « prétendu gaspillage d’argent public ».

Du militantisme écologiste parfois jusqu’à la caricature

L’Ademe était à l’origine l’Agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie et s’est auto baptisée il y a quelques années, Agence de la transition écologique. Crée en 1991, il s’agit d’un établissement public dont la mission est d’accompagner la transition énergétique. Il gère le fonds chaleur renouvelable – 800 millions d’euros – et économie circulaire – 300 millions d’euros -, et opère également une partie du plan France 2030 – à hauteur de 8,3 milliards sur une enveloppe totale de 54 milliards d’euros. L’ademe a ainsi alloué 1,6 milliard l’an dernier à la décarbonation de l’industrie, la moitié, 800 millions, allant à ArcelorMittal, pour rendre plus vert ses hauts fourneaux de Dunkerque. Mais depuis, ArcelorMittal a mis le projet en suspens… 

Le problème de l’Ademe n’est pas sa mission, mais la façon dont elle la mène au point de faire du militantisme écologiste parfois jusqu’à la caricature et d’avoir été longtemps considérée comme un « foyer d’accueil » pour les soixante-huitards vieillissants. L’Ademe a été, et parfois est toujours, en mission idéologique contre le nucléaire, contre l’automobile et pour promouvoir les renouvelables et… la décroissance. Au point d’avoir perdu auprès de bon nombre d’experts de l’énergie et d’ingénieurs presque toute crédibilité. Ces études ne sont ainsi presque jamais citées et prises en compte. Ce qui ne l’empêche pas d’être sourde à toute critique et remise en cause. « On a un problème de gouvernance de la transition écologique dans notre pays. L’Etat ne veut rien lâcher, or c’est au niveau territorial que cela devrait se jouer désormais », relève un fin connaisseur de l’Ademe.

L’étude délirante sur 100% de production d’électricité renouvelable

Dans un épisode marquant, l’Ademe avait ainsi réalisé fin 2018, à la demande express d’Elisabeth Borne alors ministre de la Transition écologique, une étude démontrant que produire 100% d’électricité renouvelable d’ici 2060 était possible… Un document ahurissant construit sur des hypothèses invraisemblables et impossibles à justifier. Il n’y avait d’ailleurs aucun comité scientifique derrière cette étude.

Dans son scénario « de référence », le postulat de l’Ademe était celui d’une baisse de la consommation d’électricité en France… avec une augmentation de la population, dix millions de véhicules électriques sur les routes et une transition énergétique qui ne peut se faire que par une électrification massive des usages. L’Académie des Technologies avait « descendu » en flammes le document écrivant que « les conclusions de l’étude de l’Ademe doivent être prises avec la plus grande prudence ». Elles sont affectées par « de nombreuses erreurs de méthodes et des contradictions ». Elles « ne devraient en aucun cas servir de base à des décisions de politique publique ».

Des campagnes de communication problématiques

Plus récemment, en novembre 2023, l’Ademe avait lancé une grande campagne de communication nationale faisant intervenir des « dévendeurs » pour inciter les Français à acheter moins de produits neufs (polo, ponceuse, lave-linge, téléphone). A la veille du Black Friday et peu avant les fêtes de fin d’année, cela avait provoqué la colère des commerçants dans tout le pays d’autant plus que les spots ciblaient exclusivement le commerce physique et pas en ligne. Le ministre de l’Economie d’alors, Bruno Lemaire, avait reconnu « une maladresse ». Pour autant, la campagne vantant de fait la décroissance n’avait pas été retirée.

L’Ademe ilustre à merveille la thèse développée il y a maintenant deux ans par David Lisnard et Frédéric Masquelier, dans une étude de la Fondapol intitulée « De la transition écologique à l’écologie administrée, une dérive politique ». Selon eux, la transition est devenue le nouveau prétexte de la puissance publique pour élargir encore son envahissement de la sphère individuelle. Un exemple parfait en a été donné il y a seulement quelques jours avec la campagne de communication de l’Ademe expliquant aux Français au bout de combien de jours d’usage, ils doivent laver leurs différents vêtements… Vous avez dit infantilisation.

Les collectivités locales exaspérées

Au-delà de ses errements, le problème de l’Ademe est le problème de la France, celui de l’enchevêtrement bureaucratique, normatif et administratif. Dans les territoires, l’agence compte 17 directions régionales, dont 13 en métropole, soit autant que le nombre de Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL). « La question de la coexistence, dans une même région, de deux entités chargées de l’environnement, se pose », estimait déjà… en 2013 la Cour des comptes.

L’association des maires de France (AMF) dénonce la « rigidité » de cet opérateur. « Cet organisme est très centralisé et engendre de la norme, ce qui finit par déposséder les responsables politiques de leurs décisions », affirme le coprésident de la commission transition écologique de l’AMF, Jean-François Vigier. Guillaume de Bodard, président de la commission environnement et développement durable de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), critique de son côté « une gouvernance erratique ». Chaque président apporte une nouvelle stratégie, « mais sans réel suivi ».

Une absolue complexité administrative

Le système même des aides à la transition est d’une absolue complexité, un maquis. L’Etat et ses opérateurs, dont évidemment en premier lieu l’Ademe, délivrent une multitude d’aides. Rien que pour les entreprises, l’Inspection générale des finances en recensait pas moins de 340 en 2023.

Le système même des appels à projet, pilotés par l’Ademe avec Bpifrance, pose problème. Les entreprises et les collectivités locales qui cherchent des financements doivent mobiliser des moyens considérables pour suivre les différents processus et canaux, remplir les dossiers, ce qui est chronophage et coûteux et presque inaccessible aux petites entités. Un guichet unique serait plus efficace, mais l’appareil d’Etat et l’Ademe ne veulent surtout pas en entendre parler…

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