Contrairement aux idées reçues, les achats de pétrole brut et de produits pétroliers raffinés russes par les pays européens ont un poids économique bien supérieur aux importations de gaz naturel. Et il est aussi relativement plus facile de s’en passer et de trouver d’autres fournisseurs. C’est la raison pour laquelle, l’Union Européenne doit annoncer mercredi 4 mai la mise en place d’ici la fin de l’année d’un embargo total sur le pétrole et les produits pétroliers, notamment le diesel, importés de Russie. Car pour l’instant et depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les pays européens n’ont pas cessé d’importer du gaz et du pétrole russes et au contraire ont même plutôt augmenté les livraisons…
«La facture des importations de pétrole russe est quatre fois plus importante que celle du gaz, 80 milliards d’euros contre 20 milliards», expliquait à la mi-avril Josep Borrell, le chef de la diplomatie de l’UE, pour souligner leur importance. La Russie, deuxième producteur mondial de pétrole, devant l’Arabie Saoudite et derrière les Etats-Unis, exporte deux tiers de son pétrole vers l’Union Européenne. En 2021, elle a fourni 30% du brut et 15% des produits pétroliers, notamment du diesel, achetés par l’UE. La Russie aura bien sûr la possibilité de vendre son pétrole à d’autres clients. C’est même plus facile que pour le gaz, livré pour l’essentiel via des gazoducs. D’ailleurs, depuis le 24 février, la Russie a vendu plus de cargaisons de pétrole à la Chine, l’Inde et l’Egypte. Mais l’opération est complexe et pas applicable à l’ensemble de la production écoulée en Europe.
La Hongrie et la Slovaquie n’ont pas d’alternative aux oléoducs russes pour leur approvisionnement
Une première réunion des ministres de l’Energie des Vingt-Sept a eu lieu à Bruxelles le 2 mai. La Commission européenne a commencé à présenter une proposition d’embargo pétrolier «avec une période de transition jusqu’à la fin de l’année», a indiqué un diplomate européen. La décision n’est «pas facile à mettre en œuvre» a-t-il ajouté. Elle doit déjà être approuvée à l’unanimité par les 27 États membres, y compris par la Hongrie de Viktor Orban qui reste un allié, ambigu, mais un allié de la Russie. Or justement, deux pays européens sont enclavés en matière pétrolière, la Hongrie et la Slovaquie. Ils dépendent totalement des oléoducs russes pour leur approvisionnement. Il n’ont pas de ports et ne sont reliés à aucun oléoduc européen. Il faut donc construire rapidement de nouvelles infrastructures ou trouver des alternatives pour leur fournir du pétrole et des produits pétroliers. La solution qui se dessine sera plus facile à mettre en œuvre, elle consistera tout simplement à les exempter pour une longue période de l’embargo.
Autre risque, l’annonce des décisions européennes ne doit pas se traduire par une panique sur les marchés pétroliers, coutumiers du fait, et une flambée des cours du baril qui alimenterait encore un peu plus l’inflation et le mécontentement des populations. «Nous devons être prudents avec une interdiction européenne complète des importations de pétrole», a déjà mis en garde en garde la secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, qui voit avec inquiétude les prix des carburants ne cesser de monter. Les prix du diesel à la pompe ont battu au cours des derniers jours des records historiques aux Etats-Unis.
La volonté européenne de se donner le temps de mettre en place l’embargo en diversifiant ses approvisionnements avec un calendrier de six à huit mois vise notamment à éviter un emballement des marchés. La Commission a mené des discussions au cours des derniers jours avec les États membres mais aussi les États-Unis et l’Agence internationale de l’énergie pour affiner sa stratégie de diversification des approvisionnements.
Volonté politique y compris de l’Allemagne
En tout cas, «il y a une volonté politique de cesser les achats de pétrole à la Russie et nous aurons des mesures et une décision sur un retrait progressif», a affirmé un responsable européen impliqué dans les discussions. Le sixième volet des sanctions européennes devrait mettre à terme sous sanctions tout l’écosystème pétrolier de la Russie.
Les principaux importateurs européens de combustibles fossiles de la Russie (gaz, pétrole brut, produits pétroliers et charbon) sont dans l’ordre l’Allemagne, l’Italie, les Pays-Bas et la France. L’embargo sur le charbon, décidé le 7 avril, entrera en vigueur début août. L’Allemagne a annoncé par ailleurs avoir déjà réduit sa dépendance au pétrole russe avec une baisse de ses importations de 35 à 12% du total au cours des dernières semaines, a indiqué le ministre de l’Économie et du Climat, Robert Habeck.