«Utiliser des ampoules basse consommation, laver ses vêtements à l’eau froide, manger moins de viande, recycler et acheter une voiture électrique… Nous sommes bombardés d’instructions par les défenseurs de l’environnement, les lanceurs d’alerte sur le climat et les médias sur ce que nous devons faire tous les jours pour lutter contre le réchauffement climatique. Malheureusement ces injonctions banalisent le défi du réchauffement climatique et détournent notre attention des énormes changements technologiques et politiques nécessaires pour le combattre.» En outre, ces différents «bons comportements» individuels ont un impact proche de zéro sur les émissions de gaz à effet de serre.
C’est ce qu’explique Bjorn Lombrog, Directeur du Consensus Center de Copenhague, dans un article retentissant publié par Project Syndicate et intitulé «Empty Gestures on Climate Change» (Des gestes vides sur le changement climatique). Spécialiste de l’environnement, Bjorn Lomborg est l’auteur de nombreux livres dont Cool It, How to Spend $75 Billion to Make the World a Better Place ou Prioritizing Development.
Il explique suivre à la lettre les injonctions des activistes de l’environnement, être devenu végétarien et ne pas posséder de voiture, mais entend être «honnête» sur ce que ces choix et ces comportements individuels permettent de faire réellement en matière d’émissions de gaz à effet de serre.
Ainsi, par exemple, une étude scientifique récente démontre que devenir végétarien réduit les émissions de CO2 d’une personne de 540 kilos par an, soit 4,3% des émissions d’un habitant moyen d’un pays développé. Et encore, cela ne prend pas en compte «l’effet rebond» qui se traduit par le fait que les dépenses plus faibles pour l’alimentation d’un végétarien se traduisent par des achats supplémentaires de biens et de services qui génèrent des émissions de CO2. Une fois cela pris en compte, devenir totalement végétarien réduit de 2% les émissions de dioxyde de carbone d’une personne…
Impact dérisoire et injonctions quasi-religieuses
Les voitures électriques, présentées comme «bonnes» pour l’environnement, sont aussi en grande partie un leurre. D’abord, tout dépend de la façon dont est produite l’électricité qui recharge leurs batteries. Si c’est avec des centrales au charbon ou même au gaz, les émissions de CO2 sont importantes. Et puis fabriquer les batteries lithium-ion de ses voitures se traduit par des émissions très importantes de gaz à effet de serre. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), une voiture électrique avec une autonomie théorique de 400 kilomètres a un déficit carbone considérable quand elle arrive sur la route par rapport à un véhicule à moteur thermique. Elle commence à réduire les émissions de CO2 après avoir parcouru au moins 60.000 kilomètres et encore si l’électricité qu’elle utilise pour recharger ses batteries est «propre». Le problème est que dans la quasi totalité des cas, les voitures électriques sont le deuxième véhicule d’un foyer et parcourent de petites distances…
En dépit de subventions, qui atteignent en moyenne dans le monde 10.000 dollars par voiture, les véhicules électriques à batterie représentent 0,3% du milliard de véhicules en circulation sur la planète. Et selon l’AIE, elles pourraient, dans un scénario favorable, en représenter 15% en 2040. Ce qui se traduira par une réduction des émissions de CO2 dans le monde de 1%… Comme le résume le Directeur de l’AIE, Fatih Birol, «si vous croyez que vous pouvez sauver le climat avec les voitures électriques, vous vous trompez lourdement».
Les actions individuelles pour lutter contre le changement climatique, même additionnées, ont un impact dérisoire parce que les enjeux de l’énergie sont d’une toute autre dimension. Les énergies fossiles assurent aujourd’hui 81% des besoins énergétiques dans le monde. Elles devraient en représenter encore 74% en 2040. Nous dépensons 129 milliards de dollars par an pour subventionner la production d’électricité solaire et éolienne, mais, selon l’AIE, ces sources n’assurent que 1,1% des besoins énergétiques mondiaux. L’AIE toujours, estime que d’ici 2040, en ayant dépensé 3.500 milliards de dollars en subventions, le solaire et l’éolien assureront moins de 5% de nos besoins en énergie.
Du coup, Bjorn Lombrog juge «absurde pour les citoyens de la classe moyenne des économies avancées de se dire que manger moins de steaks et aller au travail dans une Renault Zoe va limiter la hausse des températures. Pour lutter contre le réchauffement climatique, nous devons faire des changements collectifs à une échelle sans précédent».
Les actions individuelles des citoyens qui peuvent réellement avoir un impact sont d’exiger des gouvernements qu’ils augmentent considérablement les dépenses de recherches et de développement dans l’innovation énergétique et qu’ils construisent des stratégies de très long terme (50 ans) permettant de remplacer progressivement les énergies fossiles en utilisant le solaire, l’éolien, le nucléaire, l’hydrogène, la géothermie… et en capturant et séquestrant le CO2. Le reste c’est de la littérature et des injonctions de nature quasi-religieuses pour se donner bonne conscience… expier nos péchés et éviter l’apocalypse.