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Torchage du gaz: les promesses et la réalité


Le torchage du gaz (gas flaring) dans les installations pétrolières est une source majeure d’émissions de gaz à effet de serre, de dioxyde de carbone comme de méthane. Limiter voire éradiquer le torchage est pourtant l’un des moyens les plus faciles de réduire les émissions liées à l’exploitation des hydrocarbures. C’est toute l’ambition de l’initiative Zero Routine Flaring de la Banque mondiale lancée déjà il y a neuf ans, soutenue en théorie par des pays contribuant à plus de 60% au torchage mondial du gaz. Mais entre les engagements et la réalité… Dans les faits, ses opérations ont connu une augmentation importante l’an dernier atteignant leur plus haut niveau depuis 2019.

Depuis plusieurs années, une succession de rapports a alerté sur l’impact considérable des opérations dites de torchage de gaz (gas flaring) provenant des installations pétrolières dans le monde. Elles étaient en réalité bien plus importantes que les compagnies pétrolières et gazières et les groupes pétrochimiques le reconnaissaient et avaient de ce fait des conséquences importantes sur les émissions de gaz à effet de serre de cette industrie, que ce soit de dioxyde de carbone ou de méthane.

L’Union Européenne a adopté en mai dernier une stratégie sur le méthane qui se traduit par une obligation de transparence sur le méthane provenant des importations de gaz afin de pénaliser le torchage et l’éventage du gaz, une pratique encore plus polluante qui consiste à libérer du gaz non enflammé.

Des engagements pris sous la pression

Sous la pression, plusieurs grandes compagnies pétrolières ont fini par prendre des engagements pour réduire le torchage. Certaines ont réussi à beaucoup moins recourir à cette technique et d’autres ont trouvé des moyens de réutiliser ce gaz de déchet. Mais les vieilles habitudes ont la vie dure.

Selon les données satellitaires fournies par la Banque Mondiale, le torchage de gaz a ainsi augmenté de 7% en 2023, après une diminution en 2022. Cela a contribué à 23 millions de tonnes supplémentaires d’émissions de CO2, soit l’équivalent de cinq millions de voitures supplémentaires sur les routes. En plus du dioxyde de carbone, le torchage de gaz émet également du méthane dans l’atmosphère. Limiter voire éradiquer le torchage est pourtant l’un des moyens les plus faciles de réduire les émissions liées à l’exploitation des hydrocarbures. Faut-il encore s’en donner les moyens.

Le torchage du gaz a retrouvé ses niveaux de 2019
En milliards de mètres cubes. Source : Banque Mondiale.

Les pays ayant pratiqué le plus de torchage l’année dernière étaient l’Algérie, l’Iran, l’Irak, la Libye, le Nigeria, la Russie, les États-Unis et le Venezuela, contribuant à 75% du total mondial. Ensemble, ces pays produisent environ 46% du pétrole mondial, mais ils contribuent le plus aux émissions de torchage dans le monde.

Les pays les plus sales
Mètres cubes de torchage par baril de pétrole produit. Source : Banque Mondiale.

Les niveaux élevés de torchage de gaz en 2023 sont la conséquence de plusieurs éléments. Une augmentation de la production de pétrole brut dans certains pays et le manque de volonté de réduire cette pratique. Zubin Bamji, directeur du partenariat Global Flaring and Methane Reduction de la Banque mondiale, espère « qu’il s’agit d’ une anomalie et que la tendance à long terme sera une réduction drastique ». Il est permis d’en douter…

Car l’initiative de la Banque mondiale dite « Zero Routine Flaring by 2030 » a été lancée en 2015, il y a déjà 9 ans. Elle était alors soutenue et l’est toujours officiellement par des pays représentant environ 60% du torchage mondial total de gaz.

Dissimulation via des combusteurs fermés

Certaines compagnies vont même jusqu’à dissimuler la réalité de leurs opérations de torchage en utilisant des combusteurs dits fermés. C’est-à-dire que la pointe de la torche n’est plus dans l’air mais est interne à l’installation et n’est plus visible, notamment par les satellites.

Et pourtant, les possibilités techniques et même économiques pour ne plus recourir au torchage existent. Les exploitants peuvent réduire le brûlage à la torche en réinjectant le gaz dans le sol ou en le capturant pour l’utiliser. La valeur marchande potentielle du gaz torché en 2023 se situe, selon les calculs, entre 9 et 48 milliards de dollars.

Plusieurs compagnies pétrolières et gazières ont pris des initiatives intéressantes en se tournant vers des entreprises de cryptomonnaies pour acheter leur gaz de déchet et produire de l’électricité tout en captant les émissions de gaz à effet de serre.

La rédaction