Le patron de la division poids lourd du constructeur automobile allemand Daimler-Benz, Martin Daum, estime que l’hydrogène devrait jouer un rôle important pour réduire les émissions de gaz à effet de serre du transport routier. Et cela en dépit des difficultés techniques et économiques pour créer de toute pièce une filière et des véhicules.
Interrogé par l’agence Bloomberg, Martin Daum prend le contrepied des stratégies et des discours de deux des principaux rivaux de Daimler-Benz, Volkswagen et Tesla. Il explique que se concentrer uniquement sur les véhicules à batteries est risqué compte tenu notamment du manque de certains minerais et métaux indispensables pour fabriquer les batteries et des difficultés à construire des réseaux électriques qui devront alimenter de nombreuses bornes de recharge rapides puissantes pour les camions et les bus.
Le numéro un mondial du poids lourd
«Nous ne pouvons pas nous permettre de miser sur seulement une seule technologie pour atteindre les objectifs climatiques», explique Martin Daum. «Notre priorité jusqu’en 2025 sera à100% sur les véhicules électriques à batteries. Entre 2025 et 2035, nous aurons besoin à la fois de véhicules électriques à batteries et de véhicules électriques à pile à combustible et à hydrogène parce les besoins massifs de nouvelles infrastructures nécessitent une double approche», ajoute-t-il.
Daimler Benz est le premier constructeur mondial de poids lourds et utilitaires et va se séparer cette année juridiquement et financièrement de Mercedes Benz qui fabrique les voitures haut de gamme du même nom. Cette séparation reflète la nécessité pour les deux entités d’investir massivement pour développer de nouvelles motorisations et de nouvelles gammes. En dehors de Mercedes, Daimler Benz possède sur le marché des camions et des bus les marques Fuso au Japon, BharatBenz en Inde, Setra en Allemagne et Freightliner, Thomas Built et Western Star en Amérique du nord.
Les critiques redoublées de Volkswagen et Tesla
Aujourd’hui les véhicules électriques à piles à combustibles occupent une place très marginale. Quelques voitures fabriquées par Toyota et Hyundai et quelques camions fabriqués par les mêmes constructeurs. Mais si cette technologie n’a jamais répondu aux espoirs mis en elle depuis plusieurs décennies, les choses sont en train de changer rapidement. Construire des filières et des économies de l’hydrogène est devenu une priorité de nombreux Etats, en Europe et en Asie. La France, l’Allemagne, l’Espagne, la Chine, la Corée du sud, le Japon, l’Australie, l’Arabie Saoudite… investissent des milliards de dollars pour se doter d’infrastructures de production et de distribution d’hydrogène et plus particulièrement d’hydrogène vert, produit par électrolyse avec de l’électricité décarbonée. Au cours des prochaines années, plus de 300 milliards de dollars provenant d’investisseurs publics et privés seront apportés à des centaines de projets liés à l’hydrogène.
L’hydrogène est considéré aujourd’hui comme la seule forme d’énergie permettant aux transports aérien et maritime de se décarboner. C’est aussi pour partie le cas dans le transport routier de marchandises sur longue distance. Daimler Benz s’est ainsi associé l’an dernier à Volvo pour développer en commun le système de propulsion (piles à combustible et moteurs électriques) spécifiques pour des poids lourds. Le camion développé par Daimler-Benz baptisé GenH2 (voir photographie ci-dessus) devrait avoir une autonomie de 1.000 kilomètres et être aussi durable qu’un modèle diesel avec une capacité à fonctionner sans problèmes pendant 10 ans en faisant 1,2 million de kilomètres et en fonctionnant 25.000 heures sur les routes.
Le camion électrique de Tesla tarde à voir le jour
Mais dans le même temps, les dirigeants de Tesla, Elon Musk, et de Volkswagen, Herbet Diess, multiplient les critiques contre les véhicules à hydrogène et à piles à combustibles. Ils considèrent, non sans raison, que leur efficacité énergétique est limitée si l’hydrogène est fabriqué par électrolyse et craignent aussi pour leurs modèles économiques et leurs dizaines de milliards d’investissements. Tesla a ainsi développé un camion électrique à batteries, mais il tarde à voir le jour en dépit des promesses et des annonces d’Elon Musk. Il faut dire aussi que le véhicule à hydrogène à un avantage majeur sur celui à batteries, un usage qui est exactement le même que celui d’un véhicule thermique. Pas de problème d’autonomie, de bornes de recharge et de planification des utilisations. Il suffit de recharger en trois minutes un réservoir.
«Décarboner le cocktail énergétique représente le changement le plus profond en matière d’énergie depuis la révolution industrielle. Et il n’est tout simplement pas possible de parvenir à ramener à zéro les émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici 2050 sans faire jouer un rôle majeur à l’hydrogène», affirme Neil Beveridge, analyste de Sanford Bernstein, interrogé par l’agence Bloomberg.