L’industrie automobile européenne va-t-elle survivre au passage à marches forcées vers les véhicules électriques. La question peut sembler absurde à voir les résultats flamboyants des constructeurs automobiles européens l’an dernier. Mais c’est un regard vers le passé, pas vers l’avenir. L’avenir, ce sont les véhicules électriques et surtout les batteries, le composant qui a de loin le plus de valeur dans une voiture électrique et dans ce domaine, les perspectives ne cessent de s’assombrir.
L’automobile européenne prise en étau entre la Chine et les Etats-Unis
Non seulement, la Chine produit aujourd’hui 76% des cellules de batteries lithium-ion fabriquées dans le monde, mais elle contrôle de fait la production et surtout le raffinage de métaux dits stratégiques indispensables à cette fabrication comme le lithium, le cobalt et le cuivre. Et elle en fait une arme commerciale. Ainsi, le numéro un mondial chinois de la production de batteries, CATL, qui détient plus de 37% du marché a décidé de baisser les prix de ses produits… pour les seuls constructeurs automobiles chinois. Cela ne fait que rendre encore plus probable le raz de marée de voitures électriques chinoises qui va s’abattre sur le marché européen.
Dans le même temps, les fabricants de batteries décident d’aller s’installer aux Etats-Unis plutôt qu’en Europe. Northvolt, le spécialiste suédois des batteries lithium-ion pour véhicules électriques et partenaire de Volkswagen, a annoncé à la fin de l’année dernière son intention de construire aux Etats-Unis l’usine géante de batteries qui devait voir le jour en Allemagne. Un projet qui représentait 4,5 milliards d’euros d’investissement. Aux Etats-Unis, l’énergie coûte 40% de moins qu’en Europe et il faut y ajouter les avantages fiscaux considérables liés à la fameuse loi IRA (Inflation Reduction Act) adoptée par le Congrès à l’été dernier. Elle consacre 370 milliards de dollars à subventionner les industries de la transition énergétique… à la condition qu’elles produisent aux Etats-Unis.
L’Inflation Reduction Act une arme pour sauver l’industrie automobile américaine
Et c’est maintenant au tour de Tesla de renoncer à faire de l’Europe son premier pôle de production de batteries au monde. Le constructeur américain a décidé de délocaliser une partie de cette production aux Etats-Unis au lieu de le faire dans sa méga usine de batteries près de Berlin à Grundheide (voir la photographie ci-dessus). Un investissement qui représentait 5,5 milliards de dollars pour produire 50 GWh de batteries par an. Tesla consacrera maintenant 3,6 milliards de dollars à agrandir son usine du Nevada. Et même le Coréen Hyundai a décidé de produire sur le sol américain des voitures électriques.
L’Inflation Reduction Act est une arme pour sauver l’industrie automobile américaine et lui redonner le poids qu’elle a perdu au fil des années contre ses concurrents européens et asiatiques. Le texte donne droit à de jolis bonus pour l’achat de véhicules électriques aux Etats-Unis si et seulement si la voiture et la batterie sont produites sur place. Cela représente jusqu’à 7.500 dollars de crédits d’impôts pour un Américain qui achète une voiture électrique… américaine. Voilà pourquoi Tesla a décidé que la production de batteries dans son usine européenne ne sera que partielle, la majeure partie sera faite sur le sol américain pour permettre aux acheteurs de bénéficier des avantages fiscaux.