Le feuilleton du malus sur le poids des voitures neuves n’est pas encore terminé. Voulu par la fameuse Convention citoyenne sur le climat, il a été finalement accepté, après une bataille interne, par le gouvernement et adopté en première lecture à l’Assemblée nationale. Il doit entrer en vigueur en 2022. Et cela même s’il mécontente tout le monde. Les écologistes et les membres de la Convention jugent le seuil retenu de 1.800 kilos (taxe de 10 euros par kilo de dépassement de la limite) trop timide et les professionnels de l’automobile y voient un coup supplémentaire porté à une industrie mal en point et la destruction de fait en France du haut de gamme. Mais il faut montrer que la Convention citoyenne sur le climat n’est pas seulement un gadget pour «verdir» l’image du Président de la République. Sachant que la Convention, dont le sens des réalités n’est pas le point fort, voulait imposer un seuil de 1.400 kilos… WWF fait encore mieux, 1.300 kilos!
Un traitement particulier réservé en France à l’automobile
Le texte, qui figure dans le Projet de loi de finances 2021, avait été rejeté par le Sénat. Il a finalement été adopté en deuxième lecture par l’Assemblée et comprend à la fois un durcissement du malus sur les émissions de CO2 au cours des trois prochaines années et l’instauration donc d’un malus au poids. Rappelons que le transport routier représente en Europe 20% des émissions de CO2 et sur ce total un quart provient des camions et utilitaires. Mais l’automobile fait l’objet depuis des années d’un traitement fiscal spécifique en France. L’an dernier, elle a rapporté 83,9 milliards d’euros, soit 36% des recettes fiscales nettes de l’Etat. Un record en Europe. Il semble que l’origine du mouvement de révolte des gilets jaunes ait déjà été oubliée. Même s’il est vrai que cette population, en général, achète des véhicules d’occasion et ne sera donc pas touchée par le malus au poids.
En tout cas, pour l’instant, cette nouvelle taxe n’est pas encore instaurée puisque plus de 60 sénateurs et plus de 60 députés ont saisi le Conseil Constitutionnel pour qu’il s’y oppose. Une initiative soutenue par le Conseil National des Professions de l’Automobile (CNPA).
Il est vrai que depuis 2010 le poids moyen des voitures diesel a augmenté de 7%, et celui des modèles à essence de 14%. Mais cela n’est pas seulement lié à la mode contestable des SUV. Il s’agit aussi de la conséquence de l’augmentation des équipements de sécurité dans les véhicules, d’une plus grande résistance aux chocs et d’une plus grande rigidité qui améliore la tenue de route. Les renforts de chassis, les habitacles indéformables, les airbags… pèsent lourd. Il ne faut pas perdre de vue qu’en dépit des discours publics, la baisse de mortalité sur les routes depuis deux décennies n’est pas liée à la multiplication des radars mais avant tout à l’amélioration spectaculaire de la sécurité passive et active des véhicules.
Trois questions juridiques
Trois points susceptibles d’attirer l’attention de la plus haute magistrature ont été soulevés.
1) Les «nombreuses exonérations envisagées ne reposent sur aucun critère objectif rationnel». Comme la plupart des textes votés en surabondance au Parlement et dont la moitié n’ont jamais de décrets d’application, le malus sur le poids n’est pas d’une grande simplicité et prévoit de nombreux aménagements. Il épargne les modèles électriques et hybrides rechargeables et aussi les familles nombreuses. La question juridique est donc de savoir si la nouvelle taxe répond bien au «principe de proportionnalité entre l’objectif recherché et les modalités mises en place», explique le CNPA.
2) Le seuil de 1.800 kilos pose un autre problème. Il ne touche en fait «qu’une très faible proportion de véhicules, principalement des véhicules de constructeurs étrangers. N’y a-t-il pas là une rupture d’égalité devant la loi?» Les SUV et berlines de luxe sont en fait les seuls modèles concernés. N’auraient été théoriquement concernés que moins de 1% des véhicules particuliers thermiques neufs vendus en France au cours des 9 premiers mois de l’année 2020 et 2% en 2019.
3) L’addition du malus sur le poids et du malus sur le CO2 pose un autre problème. Même s’il existe un plafond pour le cumul des deux qui sera de 40.000 euros en 2022. Rien n’empêche ensuite qu’il augmente. Le plafond du malus pour les modèles les plus émetteurs de CO2 augmentera lui de 10.000 euros par an, ce qui veut dire 30.000 euros l’an prochain, puis 40.000 et 50.000 les années suivantes. La question posée au Conseil Constitutionnel est de savoir si la «taxe maximale pourrait revêtir un caractère confiscatoire, et constituer une entrave excessive à la liberté d’entreprendre.» Car la double taxation revient à empêcher la mise sur le marché de véhicules qui n’ont plus de viabilité commerciale.
En 2010, le Conseil Constitutionnel avait rejeté un texte instaurant la taxe carbone en raison d’un trop grand nombre d’exemptions qui créait une inégalité devant l’impôt.