Il ne sera pas possible d’échapper dans les prochaines années à une augmentation des prix de l’électricité tant les investissements à financer sont lourds dans les renouvelables et dans l’adaptation des réseaux à ses sources d’électricité nombreuses, intermittentes et aléatoires. «Chaque année, l’équivalent en énergies renouvelables de deux tranches nucléaires est raccordé par Enedis et RTE, réparti sur tout le territoire et sur des milliers de sites», résume Jean-François Carenco, le président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE).
Plus de 100 milliards d’euros à investir dans les réseaux
Les opérateurs RTE et Enedis ont ainsi demandé à la CRE une hausse annuelle de 1,4% des tarifs réseaux de l’électricité sur la période 2021-2024. Cela représentera en 2024 une augmentation de 50 euros de la ligne «tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité» (Turpe) que les particuliers trouvent sur leurs factures.
La hausse finale sera sans doute plus limitée, d’une vingtaine d’euros. Une consultation est en cours avec les opérateurs et devrait se terminer avant la fin du mois de novembre. La CRE prendra sa décision au début de l’année prochaine. «Faire moins que 20 euros, ce sera compliqué. L’ampleur des investissements à venir pèsera inévitablement sur la facture. La CRE doit toutefois veiller à ce que ces hausses restent maîtrisées. Il y va de l’acceptabilité même de la transition énergétique dans son ensemble», a déclaré au Figaro Jean-François Carenco. Le nouveau tarif entrera en vigueur le 1er août 2021.
Les investissements d’infrastructures à venir sont très importants et dépassent 100 milliards d’euros. Ils représentent pour Enedis et sur les 15 prochaines années autour de 70 milliards d’euros, à la fois pour raccorder les champs d’éoliennes et de panneaux solaires et pour moderniser le réseau existant. Les investissements de RTE devraient approcher dans le même temps 35 milliards d’euros. La Commission qui tient à éviter les critiques affirme assure attacher «la plus haute importance à ce que toute hausse tarifaire soit justifiée par des hausses de coûts inévitables et limitées au strict nécessaire».
Envolée des taxes depuis dix ans
Stables pendant plus de 20 ans, les prix de l’électricité domestique augmentent plus vite que l’inflation depuis maintenant une dizaine d’années et cette tendance n’est pas prête de s’arrêter. Et cela même si la transition énergétique doit être marquée par une utilisation plus grande de l’électricité dans de nombreux domaines, cela s’appelle l’électrification des usages. Elle sera visible dans les transports, dans les bâtiments et même dans l’industrie.
En matière de tarifs de l’électricité, la France est privilégiée depuis de nombreuses années par rapport aux pays comparables d’Europe de l’ouest. En 2019, le prix, toutes taxes comprises, du mégawatt-heure (MWh) (1.000 kilowatt-heure) était en moyenne, de 178 euros. En Allemagne, il était de 287 euros, en Italie de 236 euros, en Espagne de 223 euros et au Royaume-Uni de 205 euros. Tout cela grâce au fait que, toujours l’an dernier, l’électricité d’origine nucléaire représentait en France plus de 70% de la consommation.
Le parc de centrales nucléaires et celui des barrages a permis de limiter considérablement l’impact des fluctuations des cours des énergies fossiles sur le prix de l’électricité. La France a connu, du milieu des années 1980 au milieu des années 2000, une stabilité remarquable des prix de l’électricité (+2,6% seulement entre 1986 et 2007 selon l’Insee). Mais les choses ont changé depuis et ce n’est pas l’ouverture artificielle à la concurrence de la commercialisation de l’électricité depuis 2007 qui a fait baisser les tarifs.
Si les prix ont augmenté, c’est avant tout parce que les taxes sur l’électricité se sont envolées. Hors TVA, elles pesaient l’an dernier trois fois plus sur le prix de l’électricité qu’en 2008… Une taxe, en particulier, a eu un impact, la Contribution au service public de l’électricité (CSPE) qui finance les subventions aux renouvelables. Son assiette a été multipliée par 5 entre 2009 et 2016. Depuis 2016, la CSPE a cessé d’augmenter mais la Contribution climat-énergie (CCE), payée directement par les consommateurs d’énergie fossile (de carburants notamment), a pris le relais. Enfin, les hausses les plus récentes sont celles liées au renchérissement des frais de réseau et cela va donc continuer lors des prochaines années.
Le prix de l’électricité en France se décompose aujourd’hui en trois éléments: 34% pour couvrir les coûts de production et de commercialisation, 32% pour les coûts d’acheminement du réseau et 34% pour la fiscalité.