<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> La question épineuse des subventions aux énergies renouvelables

5 octobre 2020

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Panneau solaire au pérovskite
Abonnement Conflits
Abonnement Conflits

La question épineuse des subventions aux énergies renouvelables

par

Le montant total des subventions publiques aux énergies renouvelables devrait atteindre entre 116,1 et 130,3 milliards d’euros d'ici 2028. A condition que la baisse des prix de l'électricité liée à la crise sanitaire ne fasse pas durablement exploser le coût pour l'Etat du prix de vente qu'il a garanti aux productions solaires et éoliennes.

Sans subventions, il n’y a pas d’énergies renouvelables et au passage pas de ventes en nombre de voitures électriques. Les technologies permettant aujourd’hui d’amorcer la transition énergétique ne sont pas économiquement et financièrement compétitives. Elles bénéficient à la fois d’accès prioritaires aux réseaux et de tarifs garantis par l’Etat. Et cela même si leurs prix de revient ont fortement baissé au cours des dernières années, notamment ceux de l’électricité solaire photovoltaïque.

Stratégie incohérente

En dépit d’un plan de relance dont 30 milliards d’euros sont consacrés à la transition, certaines filières comme justement le photovoltaïque, pour la production d’électricité, et le biométhane, dans le domaine gazier, s’inquiètent d’une baisse des subventions publiques et plus particulièrement d’une renégociation du prix d’obligation d’achat de leur production figurant dans d’anciens contrats. Si les conditions économiques des projets changent en cours de route et l’Etat reprend d’une main ce qu’il donne de l’autre, il va être difficile de convaincre des investisseurs et des groupes privés de prendre des risques et de développer de nouvelles filières énergétiques.

Une fois encore, l’Etat en France montre qu’il a le plus grand mal à établir une stratégie cohérente de transition énergétique. Ainsi, la France s’est donnée officiellement pour objectif de ramener la part de sa production électrique d’origine nucléaire à 50% en 2035 (contre 71% en 2019) et de parvenir dans le même temps à 33% d’électricité dite renouvelable (hydraulique, éolien, solaire, géothermie…) contre 17,2% fin 2019. Tout cela se trouve dans la fameuse Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) à horizon 2028, publiée en avril et qui semble d’ailleurs déjà obsolète. Elle fait, par exemple, à peine allusion à l’hydrogène.

Cette PPE est contestable. Car elle privilégie des investissements importants pour remplacer de l’électricité nucléaire décarbonée par de l’électricité solaire et éolienne décarbonée, subventionnée et… intermittente. Pour autant, si les engagements publics ont encore une certaine valeur et si les objectifs affichés sont bien réels, il faut se donner les moyens pour les atteindre, à savoir payer l’électricité et le gaz bien plus cher en subventionnant les productions renouvelables. Il est impossible d’y parvenir autrement.

Obligations d’achat et prix garantis

La filière photovoltaïque, qui a l’avantage de se heurter a beaucoup moins d’oppositions locales que l’éolien, craint aujourd’hui de voir sa rentabilité s’effondrer avec une renégociation par l’État de contrats à long terme d’achat d’électricité qui offraient des tarifs très supérieurs à ceux pratiqués actuellement. La filière méthanisation, elle, s’oppose à une baisse plus importante et plus rapide que prévue des tarifs de rachats du biométhane injecté dans les réseaux. Mais combien représentent exactement ces subventions et quels sont les engagements de l’Etat?

Avec 339 TWh, les énergies renouvelables (électriques, chaleur, gaz) représentaient 11,7% de la consommation d’énergie primaire en 2019, contre 7,8% en 2009. Les renouvelables sont la quatrième source d’énergie primaire du pays derrière le nucléaire (40%), les produits pétroliers (29%) et le gaz naturel (16%).

Dans le projet de loi de finances pour 2021, le soutien à la production d’électricité, de chaleur et de gaz renouvelables, dans le cadre des mécanismes d’obligations d’achat des distributeurs et de compléments de rémunération, devrait augmenter de 1,3 milliard d’euros (environ 25%) pour atteindre pas moins de 7 milliards d’euros. Sur ce total, 5,7 milliards d’euros iront aux énergies renouvelables électriques et 544 millions d’euros au biométhane. C’est «un record historique qui correspond à un doublement par rapport à 2012» se vante le ministère de la Transition écologique. Et par ailleurs, il a annoncé qu’il allait consacrer d’ici 2028 et chaque année de 3 à 5 milliards d’euros de soutien public à projets de développement de production d’énergies renouvelables électriques.

Mise en garde de la CRE

Le problème est notamment que les prix de l’électricité ont beaucoup baissé depuis le début de la pandémie et que cela devrait se prolonger compte tenu des conséquences économiques durables de la crise sanitaire. Du coup, les subventions permettant de garantir un prix de vente aux producteurs d’électricité renouvelables par rapport au prix de marché vont devoir considérablement augmenter… La CRE (Commission de régulation de l’énergie) mettait déjà en garde le gouvernement au mois de juillet. «Pour atteindre les objectifs de politique énergétique en tenant compte du montant des charges à financer par le budget de l’Etat, il apparaît nécessaire de faire des choix quant aux installations à soutenir en fonction notamment du coût de leur soutien», écrivait-elle.

Pour calculer les coûts budgétaires du soutien aux énergies renouvelables électriques, la PPE est construite sur un scénario avec un prix moyen de l’électricité de 56 euros du mégawattheure. Fin septembre 2020, l’électricité se négociait en France autour de 33 euros le mégawattheure. Plus le prix de marché baisse, plus le mécanisme de compensation de rémunération entre les coûts de production et les prix de vente augmente la dépense de l’État. C’est ce qu’on a observé depuis le début de la crise sanitaire

Les subventions à la production électricité produite à partir du photovoltaïque représentent la plus grande part du soutien aux renouvelables en France. Et cela va continuer. Même si les tarifs de soutien à l’énergie solaire photovoltaïque ont baissé de 40% depuis cinq ans, la PPE prévoit tout de même un soutien cumulé de 45,3 à 51,1 milliards pour le solaire d’ici à 2028. Cette somme déjà considérable pourrait l’être encore beaucoup si les prix de l’électricité restent faibles…

Entre 116,1 et 130,3 milliards d’euros d’ici 2028… si tout va bien

C’est pour amortir cette charge que l’État chercherait à renégocier les anciens contrats d’achats à long terme passés avec des opérateurs. Dans le cas du biométhane, la direction générale énergie climat a pris ses précautions et lié, dans la PPE, les subventions à une baisse des coûts de production. D’environ 98 euros le mégawattheure en 2019, le gouvernement réduira les subventions à un prix de 75 €/ MWh en 2023 et de 60 €/MWh en 2028 (sachant que le tarif réglementé du gaz en France est de l’ordre de 70 euros le mégawattheure).

Le gouvernement a déjà engagé 2,8 milliards d’euros pour le soutien au biométhane et devrait ajouter 6,9 milliards de plus d’ici 2028, soit 9,7 milliards. Cette somme passe à 13 milliards d’euros en incluant les projets pour lesquels un contrat d’obligation d’achat a été signé et qui ne sont pas encore entrés en service.

Entre le solaire (39 milliards d’euros), l’éolien en mer (21,9 milliards), l’éolien terrestre (21,3 milliards), la biomasse (6,8 milliards), le biogaz (4,6 milliards) l’hydraulique (2,8 milliards) et la géothermie, toujours aussi mal aimée, (0,5 milliard), les aides publiques déjà dépensées à fin 2019 s’élevaient à 96,9 milliards d’euros. Avec les nouveaux engagements de la PPE, évalués avec optimisme entre 19,2 et 33,4 milliards d’euros dont 6 à 11 milliards pour le solaire, 7,5 à 13 milliards pour l’éolien terrestre et 3 à 5,9 milliards pour l’offshore, le montant total des subventions aux énergies renouvelables d’ici à 2028 devrait être compris entre 116,1 et 130,3 milliards d’euros. A condition que les prix de l’électricité remontent… Et ces montants ne tiennent pas compte de la nouvelle stratégie hydrogène, décidée cet été en quelques semaines, qui consiste à investir 7 milliards d’euros d’ici à 2030 pour créer une filière de production d’hydrogène décarboné. Développer les renouvelables est une stratégie de pays riche…

À propos de l’auteur

La rédaction

La rédaction

Newsletter

Voir aussi

Share This