Aux États-Unis, la surveillance des dommages causés par les activités humaines à l’environnement incombe à l’agence de protection de l’environnement (EPA), une institution fédérale indépendante du gouvernement créée en 1970. Son rôle principal est d’élaborer et faire respecter la réglementation sur l’environnement, mais elle effectue également un travail de recherche et d’information.
Dans les cas de violations graves, elle peut engager des procédures d’enquête et des poursuites judiciaires menant régulièrement à des amendes. Certaines peuvent atteindre des montants importants. À la fin du mois de mai, Eastman Chemical Resins Inc. a par exemple été condamnée à verser 2,4 millions de dollars notamment pour le déversement de polluants dans la rivière Monongahela, près de son usine en Pennsylvanie.
Les conséquences financières de ces amendes ne se limitent pas à leur seul montant, car l’enjeu principal pour les entreprises dans ce contexte est de maintenir leur réputation. Plusieurs travaux de recherche l’ont bien montré au cours des deux dernières décennies. À l’annonce d’une amende pour des dommages environnementaux, la valeur de l’action d’une entreprise cotée en bourse peut ainsi connaître une baisse non négligeable.
Les capacités de rebond des organisations rejoignent la thématique de la résilience. En finance, des travaux récents ont proposé d’évaluer la résilience à partir de deux caractéristiques principales : la stabilité, que l’on mesure via le pourcentage de valeur perdue entre la période précédant le choc et la période qui le suit, et la flexibilité, mesurée via le temps que prendra cette valeur à retrouver son niveau d’avant le choc. Nos recherches se sont données pour objectif de mieux comprendre comment l’organisation peut maximiser ces caractéristiques dans le domaine environnemental.
Des sanctions qui se répercutent en Bourse
De nombreux arguments théoriques nous permettent de supposer qu’il existe un lien entre l’empreinte environnementale d’une entreprise et sa capacité à rebondir suite à une amende pour violation du droit environnemental. On peut en effet faire l’hypothèse que la mise en place de processus internes permettant de réduire la pollution est susceptible d’offrir des avantages compétitifs durables à une organisation et un meilleur soutien des parties prenantes.
Nous avons souhaité vérifier empiriquement si cet argument était valable. Pour cela, nous avons collecté les articles annonçant des amendes de ce type dans la presse spécialisée. Nous avons croisé les informations qu’ils contenaient avec des données sur l’empreinte environnementale et des informations financières de l’entreprise concernée autour de la date de l’événement en question. Au total, 143 événements aux États-Unis ont été analysés.
Les amendes infligées dans notre échantillon s’étalent, entre 2006 et 2019, de 3 000 dollars à plus de 300 millions pour une moyenne autour de 10 millions. Elles concernent surtout des entreprises exerçant dans des industries polluantes. Les jours suivants la sanction, les entreprises ont perdu en moyenne 9 % de leur valeur boursière et les trois quarts sont parvenus à retrouver leur valeur pré-choc en moins de deux mois.
Il ressort de notre analyse que plus une entreprise nuit à l’environnement, moins elle s’avère flexible face à l’annonce de l’amende environnementale. Autrement dit, les entreprises les moins vertueuses d’un point de vue environnemental mettent plus de temps que les autres à rebondir et ont une probabilité plus faible de retrouver leur valeur boursière précrise. On pourrait penser que le phénomène est lié au montant de l’amende, et que les plus polluantes rebondissent moins bien car elles subissent des amendes plus lourdes. Nos calculs permettent de maîtriser ce biais : la relation reste tout autant significative lorsque l’on tient compte de ce facteur.
Des amendes trop tendres néanmoins?
Cela suggère que les entreprises ayant mis en place des politiques de prévention de la pollution ne réduisent pas seulement le risque d’être ciblées par les amendes. Elles favorisent également leur résilience sur les marchés financiers si cela devait tout de même arriver.
Le fait que les amendes suscitent un choc financier pour les entreprises est aussi un point important à relever. Nos résultats mènent néanmoins à penser qu’en l’état actuel des politiques de lutte contre la pollution, du moins des politiques américaines, le montant des amendes lui-même n’a que peu d’effet sur le choc subi par les entreprises. Cela met en doute les capacités de dissuasion des réglementations en vigueur et pose la question du niveau optimal des amendes et de l’intensification des efforts de contrôle de la pollution, en particulier pour les organisations récidivistes.
La lutte contre les dérèglements climatiques et écologiques appelle à des efforts de la part de toutes les organisations, et en particulier celles dont l’empreinte environnementale est élevée. Elles devront nécessairement s’adapter à des standards et des réglementations de plus en plus contraignants. Nos travaux encouragent d’autant plus à s’engager dans cette voie qu’ils conduisent à penser qu’elle confère des avantages en termes de résilience financière qui vont au-delà de l’amélioration de ses relations avec les parties prenantes et des bienfaits pour la planète.
Brice Foulon Doctorant en Finance et RSE, Université Clermont Auvergne (UCA)
Sylvain Marsat Professeur en Finance, Université Clermont Auvergne (UCA)
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons Lire l’article original sur The Conversation.