<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Le sabotage des deux gazoducs russes Nord Stream décidé au sommet de l’Etat ukrainien

16 août 2024

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : Nord Stream 2
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Le sabotage des deux gazoducs russes Nord Stream décidé au sommet de l’Etat ukrainien

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Cela fait déjà plusieurs mois qu’il n’y a plus vraiment de doutes sur l’implication ukrainienne dans le sabotage des gazoducs russo-allemand Nord Stream 1 et Nord Stream 2 en septembre 2022. Un coup de maître pour Kiev puisqu’il scellait la fin de la dépendance européenne à l’approvisionnement en gaz russe. Des révélations à la fin de l’année dernière du Wall Street Journal américain et Der Spiegel allemand montraient comment l’opération avait été orchestrée par Roman Tchervinski, un colonel des forces spéciales ukrainiennes. Dans son édition du 15 août, le Wall Street Journal affirme maintenant que l’opération aurait été approuvée dans un premier temps par le Président ukrainien, Volodymyr Zelensky, qui aurait ensuite essayé, en vain, de la faire stopper.

Le sabotage le 26 septembre 2022 des gazoducs Nord Stream 1 et Nord Stream 2, qui reliaient directement la Russie à l’Allemagne via la mer Baltique, a été pour l’Union Européenne un tournant majeur de la guerre entre Moscou et l’Ukraine. Il a signifié la fin de la dépendance aux fournitures massives de gaz russe. Une rupture douloureuse mais qui a finalement été surmontée plus facilement que prévu par la plupart des pays de l’Union.

Il est resté en suspens la question de l’origine du sabotage. Toutes les thèses les plus farfelues ont circulé: la Russie elle-même, le Royaume-Uni, des mercenaires, en passant par l’inévitable Mossad israélien. Il est apparu assez rapidement que le pays ayant le plus intérêt à couper définitivement les ponts entre la Russie et l’Europe était évidemment l’Ukraine. A la fin de l’année 2023, une enquête publiée simultanément par le quotidien américain Washington Post et le magazine allemand Der Spiegel accréditait cette piste.

Validé par Zelensky avant qu’il se ravise… trop tard

Selon les deux journaux, un colonel des forces spéciales ukrainiennes aurait été le maitre d’œuvre de l’opération. Il s’agirait de Roman Tchervinski, 48 ans, qui travaillait pour les services de renseignement militaire ukrainien (GUR) qu’il a rejoint après avoir été membre des services de sécurité du pays (SBU). Il aurait été le « coordinateur » du sabotage, aurait organisé sa logistique et dirigé une équipe de six personnes. A l’aide d’un voilier de 15 mètres, l’Andromeda, loué sous de fausses identités, et de matériel de plongée sophistiqué, l’équipe aurait placé des charges explosives sur les canalisations. Roman Tchervinski n’aurait pas agi seul, recevant ses ordres de responsables ukrainiens haut placés.

Roman Tchervinski est aussi un personnage trouble qui se trouve directement mêlé aux dissensions qui existent de longue date à la tête de l’Etat ukrainien. Il a d’ailleurs été arrêté en avril 2023 et est en liberté sous caution depuis un mois. Il est notamment accusé d’avoir outrepassé ses prérogatives en poussant un pilote russe à faire défection, en juillet 2022, lors d’une opération qui a tourné au fiasco. 

Pour en revenir aux gazoducs Nord Stream, le Wall Street Journal affirme dans son édition du 15 août que leur sabotage a été validé au plus haut niveau à Kiev, c’est-à-dire par le président ukrainien Volodymyr Zelensky lui-même. L’opération aurait été aussi supervisée par le commandant en chef de l’armée ukrainienne de l’époque, Valery Zaloujny, et ce malgré un revirement de Volodymyr Zelensky. Le Président ukrainien aurait pris peur et demandé l’abandon de l’opération « quand la CIA en a eu vent et a demandé de l’en empêcher » écrit le Wall Street Journal. Mais Valery Zaloujny aurait ignoré cet ordre et son équipe a alors même modifié le plan initial.

Financé par de l’argent privé

L’idée du sabotage remonterait à en mai 2022, trois mois après l’invasion russe, lors d’une réunion arrosée d’officiers hauts gradés et de chefs d’entreprises ukrainiens, écrit le quotidien américain. Selon lui, six personnes ont été directement impliquées pour un coût d’environ 300.000 dollars totalement financé par de l’argent privé.

Des informations qui surviennent au lendemain même de révélations de la presse allemande cette fois selon lesquelles l’enquête judiciaire allemande sur le sabotage s’est focalisée sur l’Ukraine. En juin, les autorités allemandes ont même lancé un mandat d’arrêt international à l’encontre d’un citoyen ukrainien qui, selon les enquêteurs, était l’un des membres de l’équipage du Andromeda. Une camionnette conduisant l’équipe de sabotage ukrainienne de la Pologne vers l’Allemagne a été photographiée en 2022 par un radar allemand, et l’homme, un instructeur de plongée vivant avec sa famille près de Varsovie, figurait sur la photo. Mais les autorités polonaises n’ont pas donné suite au mandat. L’instructeur serait depuis retourné en Ukraine. Le fait que la Pologne ne l’ait pas arrêté complique considérablement l’enquête, car lui et d’éventuels autres suspects sont maintenant informés des risques et éviteront de sortir d’Ukraine. Et L’Ukraine n’extrade pas ses propres citoyens…

Les médias allemands qui ont révélé l’avancée de l’enquête judiciaire, sont eux beaucoup plus prudents que le Wall Street Journal sur l’implication des hautes autorités ukrainiennes et tendent à disculper le président Zelensky. Après le sabotage en septembre 2022 des gazoducs, Volodymyr Zelensky aurait d’ailleurs demandé des explications à Valery Zaloujny, selon le WSJ, citant trois personnes au courant de cet échange. Ce dernier lui aurait répondu qu’il était trop tard. Valery Zaloujny a été limogé au début de l’année par Volodymyr Zelensky.

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