La Russie s’en prend à la centrale nucléaire gravement accidentée de Tchernobyl

15 février 2025

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Le nouveau dôme du réacteur 4 de Tchnernobyl Wikimedia Commons
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La Russie s’en prend à la centrale nucléaire gravement accidentée de Tchernobyl

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L’Ukraine a diffusé des images de l’attaque par un drone du nouveau dôme de confinement du réacteur nucléaire numéro 4 de la centrale de Tchernobyl dont l'explosion en avril 1986 a été la plus grande catastrophe nucléaire civile de l’histoire. Sur des photos, on distingue un trou dans la grande structure métallique qu’il a fallu neuf ans pour construire et qui a été inaugurée en 2019. Elle isole un premier sarcophage de fortune construit dans l’urgence absolue par les Soviétiques au-dessus des débris radioactifs du réacteur. Aucune augmentation des radiations n’a été mesurée pour le moment. Evidemment, la Russie a démenti toute implication.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé vendredi 14 février la Russie d’avoir endommagé dans la nuit de jeudi à vendredi avec un drone explosif le nouveau sarcophage de confinement du réacteur nucléaire numéro 4 gravement accidenté de la centrale de Tchernobyl qu’il a fallu neuf ans pour construire et qui a été inauguré en 2019 (voir la photographie ci-dessus). Une information en partie confirmée par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). L’Ukraine a diffusé des images du site, de l’explosion et de l’incendie. Sur des photos rendues publiques le 14 février, on distingue un trou dans la grande structure métallique et des traces de suie. Des images prises dans les combles de la structure montrent par ailleurs des tôles déchirées et des équipements endommagés. Aucune augmentation des radiations n’a été mesurée pour le moment. « Le seul pays au monde qui attaque de tels sites, occupe des centrales nucléaires […] est la Russie d’aujourd’hui », a déclaré Volodymyr Zelensky.

Cette attaque intervient un peu moins de trois ans après l’invasion de l’Ukraine par la Russie et au moment même où le président américain Donald Trump a rompu l’isolement par l’Occident du Président russe Vladimir Poutine en l’appelant et en annonçant le début de négociations de paix. Une initiative qui fait craindre un abandon pure et simple de l’Ukraine par Washington.

Un trou dans la grande structure métallique

La structure métallique touchée recouvre le réacteur qui a explosé le 26 avril 1986 lors de la plus grande catastrophe nucléaire civile de l’histoire, et isole un premier sarcophage de fortune construit en urgence absolue par les Soviétiques au-dessus des débris radioactifs du réacteur. La construction du nouveau sarcophage a été financée par 45 pays. Il a fallu neuf ans pour la mener à bien. Il fait 110 mètres de haut, 150 mètres de large et 256 mètres de long. Le coût de sa fabrication a été de 1,5 milliard d’euros. Il est conçu pour protéger l’environnement des radiations pendant un siècle. Le premier sarcophage avait été lui construit en 1986 en deux mois après l’explosion du réacteur dans des conditions dramatiques qui ont coûté la vie à plusieurs dizaines de personnes baptisées alors « liquidateurs ». Il n’était plus étanche depuis de nombreuses années.

Les errements du système soviétique

La catastrophe de Tchnernobyl est considérée comme la démonstration ultime des errements du système soviétique, dont elle a contribué d’ailleurs à l’effondrement, avec des réacteurs nucléaires présentant des défauts de conception, des erreurs humaines invraisemblables ayant mené à l’accident, une lenteur de réaction et un défaut total ensuite de communication. L’Ukraine y a vu aussi une nouvelle preuve du peu de considération, le mot est faible, que lui accordait Moscou.

Plus précisément, le réacteur numéro quatre de la centrale a explosé le 26 avril 1986 à la suite d’une accumulation d’erreurs, de conception et de gestion du réacteur, d’un exercice de sécurité mené dans des conditions invraisemblables et d’une augmentation incontrôlée de la puissance qui a fait entrer en fusion le cœur et provoqué une explosion d’une très grande puissance. Elle a détruit l’enceinte du réacteur et mis en contact directement avec l’atmosphère le cœur en fusion libérant des quantités considérables de radiations et de matières radioactives. Selon différentes estimations,Tchernobyl a provoqué la mort de dizaines de milliers de personnes. Les différentes estimations sont détaillées à la fin du texte.

« La nuit dernière, un drone d’attaque russe équipé d’une ogive hautement explosive a frappé l’enceinte protégeant le monde des radiations du réacteur n°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl », a écrit Volodymyr Zelensky sur X, indiquant que l’incendie avait été « éteint » et que « le niveau de radiations n’a pas augmenté ». L’AIEA a confirmé partiellement en indiquant, toujours sur X, que son équipe sur place avait entendu « une explosion provenant de l’arche de confinement » et avait été informée qu’il s’agissait d’un drone. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, sans démentir formellement l’attaque, a assuré que l’armée russe ne visait jamais les installations nucléaires. Nul doute qu’il sera relayé par les trolls russes et par les adeptes de la théorie du complot…

La Russie a occupé Tchernobyl dans les premiers mois ayant suivi l’invasion avant de replier ses troupes

Depuis Munich, Volodymyr Zelensky a affirmé que cette attaque était « un signal très clair » de Vladimir Poutine qui « ne veut pas la paix ». La cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas a abondé dans son sens en arrivant à la conférence sur la sécurité de Munich. « La guerre continue, aujourd’hui nous avons vu que la Russie bombarde la centrale nucléaire, ce qui montre clairement qu’elle ne veut pas la paix », a-t-elle affirmé ajoutant que les Européens « doivent rester fermes et réaliser ce qui est en jeu ».

La Russie a occupé dans les premiers mois de son invasion, il y a trois ans, le site de la centrale avec des troupes venues du Bélarus voisin. Les troupes russes se sont retirées de Tchernobyl fin mars 2022, lorsque la Russie a été contrainte à la retraite du nord de l’Ukraine après l’échec de son assaut direct contre la capitale ukrainienne, qui se trouve à moins d’une centaine de kilomètres de Tchernobyl.

En mars 2022, la Russie a aussi pris par la force la centrale nucléaire de Zaporijjia, la plus grande d’Europe, dans le sud de l’Ukraine. Depuis, Russes et Ukrainiens s’accusent régulièrement de mettre en danger le site de Zaporijjia et de faire courir le risque d’un accident nucléaire.

Les estimations du bilan de la catastrophe de Tchernobyl en avril 1986

Pour en revenir au bilan de la catastrophe de Tchernobyl en avril 1986, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) écrivait dans un document en date du 5 septembre 2005, « qu’un total allant jusqu’à 4.000 personnes pourrait éventuellement mourir à la suite de l’exposition aux radiations de  la centrale nucléaire de Tchernobyl il y a près de 20 ans ».

Le Centre international de recherche sur le cancer, qui dépend de l’OMS, a des chiffres plus importants. Il estime qu’il a pu y avoir 9.000 cancers supplémentaires mortels parmi la population de 6,8 millions d’habitants, qui vivaient dans les zones les plus touchées par le nuage radioactif en Biélorussie, en Ukraine et dans la Fédération de Russie, et que dans le reste de l’Europe, il pourrait y avoir jusqu’à 16.000 cancers mortels supplémentaires jusqu’en 2065.

Enfin, The Union of Concerned Scientists (l’Union des scientifiques inquiets) porte le total hors de la zone la plus proche de Tchernobyl à 27.000 décès possibles plutôt que 16.000, estimant que des populations en Afrique, en Asie et en Amérique ont également été affectées.

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