La stratégie du cartel pétrolier Opep+, qui regroupe les treize membres de l’Opep historique (Organisation des pays exportateurs de pétrole) menés par l’Arabie Saoudite et dix autres pays producteurs alliés menés par la Russie, consiste depuis plusieurs années à limiter leur production pour soutenir les cours du baril. Elle fonctionne avec plus ou moins d’efficacité selon la conjoncture, et donc la demande mondiale de pétrole, et selon les tensions géopolitiques pouvant perturber les approvisionnements. Elle est aussi affectée par le niveau de production des pays extérieurs au cartel, à commencer par le premier pays producteur de pétrole au monde, les Etats-Unis, qui ont battu l’an dernier leurs records historiques de production. Mais l’Arabie Saoudite reste le premier exportateur et la Russie le second.
Mais ce que montre une enquête récente et détaillée de l’agence Bloomberg est qu’en fait la Russie, qui s’est engagée à continuer cette année à limiter ses exportations de pétrole en les réduisant de 121.000 barils par jour, les a en fait fortement augmentées…
Des exportations à leur plus haut niveau depuis mai 2023
Pourtant, les attaques répétées de drones ukrainiens sur les raffineries et les installations pétrolières russes devaient freiner ses exportations. C’est en tout cas ce qu’affirme l’Agence international de l’énergie (AIE) qui estime que la Russie a perdu à la suite des frappes ukrainiennes environ 500.000 à 600.000 barils de capacités de production, environ 10% d’un total de 5,2 millions de barils par jour. L’AIE estime également que 11 raffineries ont été endommagées.
Mais la semaine dernière, les exportations russes de pétrole ont atteint leur plus haut niveau depuis mai 2023 selon les données de suivi des navires compilées par l’agence Bloomberg. Des cargaisons de pétrole russe sont parties de tous les ports du pays pour atteindre un total qui n’a été dépassé que deux fois depuis le début de 2022. Cela combiné à l’augmentation des cours au cours des dernières semaines a dopé les recettes pétrolières de Moscou. La valeur brute des exportations de brut a atteint 2,15 milliards de dollars au cours des sept jours précédant le 14 avril, contre 1,82 milliard de dollars la semaine précédente.
Si l’Union européenne, autrefois l’un des principaux acheteurs de pétrole russe, a arrêté l’essentiel de ses importations et a fixé un prix plafond de 60 dollars le baril aux ventes de pétrole russe, très inférieur aux cours, Moscou s’est tournée avec succès vers la Chine et l’Inde. Ces deux pays ont absorbé l’an dernier pas moins de 90% des exportations de pétrole russe.
Une frénésie d’achats par l’Inde
L’agence Bloomberg souligne qu’au cours des dernières semaines les exportations en direction de la Chine et de l’Inde sont à leur plus haut niveau depuis le printemps dernier. Ce sont surtout les achats indiens qui ont augmenté de façon spectaculaire. Ils ont été multipliés par 13 par rapport à avant l’invasion de l’Ukraine en février 2022 selon le Centre for Research on Energy and Clean Air (CREA ou Centre de la recherche sur l’énergie et l’air propre). Le CREA est un institut de recherche indépendant basé en Finlande. Cela a représenté l’an dernier le niveau record de 37 milliards de dollars de recettes pour la Russie.
Cela s’explique notamment par la mise en place par Moscou, pour contourner les sanctions occidentales d’une flotte de tankers dits fantômes. Cette flotte a permis à la Russie de créer une structure de transport parallèle avec des centaines de pétroliers à la propriété opaque empruntant des itinéraires complexes. Le courtier en énergie Windward estime que cette flotte comprend aujourd’hui pas moins de 1.800 navires de toutes tailles et de toutes nationalités.