Pour comprendre ce qui se passe en matière énergétique au Royaume-Uni, il faut remonter au 20 juillet dernier et à la défaite surprise des travaillistes face aux conservateurs dans une élection législative partielle dans l’ouest de Londres, la circonscription d’Uxbridge & South Ruislip qui était celle de l’ex-Premier ministre Boris Johnson. Elle semblait pourtant promise à l’opposition. Ce résultat inattendu tient avant tout à la défiance des électeurs face à l’extension prévue fin août d’une taxe sur les véhicules polluants à l’ensemble du Grand Londres décidée par le maire travailliste Sadiq Khan.
Soutien aux automobilistes, à la production d’hydrocarbures et aux classes populaires
Voilà pourquoi Rishi Sunak, le premier ministre conservateur britannique actuel, multiplie les annonces en faveur des automobilistes, soutient la production d’hydrocarbures en mer du Nord et abaisse le prix de la tonne de CO2 pour l’industrie. Il se pose en champion du pouvoir d’achat et d’un accès à une énergie peu chère à un an des élections législatives prévues pour l’automne 2024. Il a aussi apparemment trouvé un thème de campagne qui l’oppose frontalement au Parti travailliste donné vainqueur. Le parti conservateur veut devenir le champion des classes populaires touchées de plein fouet par l’envolée des prix de l’énergie après l’invasion de l’Ukraine par la Russie il y a un an et demi.
S’il ne remet pas en cause l’objectif du Royaume-Uni d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050, le gouvernement britannique vient tout de même de faire un virage à 180 degrés en matière de politique énergétique. Rishi Sunak a ainsi annoncé le 31 juillet que « des centaines de licences pétrolières et gazières » seront accordées par le Royaume-Uni ouvrant la voie à de nouvelles exploitations. Il indique également vouloir rendre le processus de demande de licence « plus flexible » afin que des licences soient accordées « proches de zones actuellement licenciées » pour accélérer l’extraction grâce aux infrastructures existantes. Les premières licences devraient être accordées dès « cet automne ».
Il y va, selon lui, de la souveraineté et de la sécurité de l’approvisionnement énergétique du Royaume-Uni : « Nous avons vu comment Poutine a manipulé et utilisé l’arme de l’énergie, interrompant l’approvisionnement et réduisant la croissance économique des pays dans le monde entier. (…) Même quand nous aurons atteint l’objectif de zéro émission nette en 2050, un quart de nos besoins en énergie viendra du pétrole et du gaz », a souligné Rishi Sunak. L’objectif du gouvernement britannique est de sécuriser la production énergétique domestique, de réduire « la dépendance à des Etats hostiles » et de protéger « plus de 200.000 emplois ».
Capture du carbone et nucléaire
Le Premier ministre britannique a également dévoilé deux nouveaux projets de capture et stockage de carbone (CCUS) en mer du Nord, qui devraient être opérationnels en 2030. Ils s’ajouteront à deux autres qui devraient être prêts d’ici le milieu de la décennie, et qui devraient créer « jusqu’à 50 000 emplois d’ici 2030 au Royaume-Uni ». Le CCUS est un des éléments de la stratégie de décarbonation britannique comme le nucléaire. Le 18 juillet, le gouvernement de Rishi Sunak a lancé un appel d’offres pour développer des Small Modular Reactors (SMR), mini-réacteurs nucléaires modulables. Ces réacteurs sont une partie de la stratégie de relance du nucléaire du Royaume-Uni qui vise à porter la part de cette énergie de 15% de la production électrique actuellement à 25% en 2050.
Si polariser la question de la transition énergétique est l’objectif poursuivi par Rishi Sunak, il est d’ores et déjà atteint. Greenpeace a dénoncé un « stratagème politique cynique pour semer la division ».