La finance mondiale n’est peut-être pas encore convertie à la transition, mais les spéculateurs le sont. Après avoir fait de Tesla l’une des plus importantes capitalisations boursières au monde, plus de 1.000 milliards de dollars sans réelle raison objective et rationnelle, voilà que Wall Street se précipite sur un autre constructeur américain de véhicules électriques. Il s’appelle Rivian, il fabrique… au compte-gouttes des pick-up, SUV et camionnettes électriques.
Rivian vient ainsi de lever près de 12 milliards de dollars lors de son entrée mercredi 10 novembre sur la Bourse américaine. Le constructeur a fixé mardi soir son prix d’introduction à 78 dollars, bien au-delà de la fourchette de 57 à 62 dollars envisagée il y a moins de dix jours. Au vu de la forte demande, il a aussi augmenté le nombre d’actions nouvelles émises.
Une valorisation qui a dépassé le 10 novembre à Wall Street 90 milliards de dollars
Cela lui permet donc de récupérer au moins 11,9 milliards de dollars d’argent frais et le valorisait théoriquement à 67,9 milliards. L’entreprise pourrait encore ramasser plus d’argent frais. Elle avait initialement prévu d’émettre 135 millions de nouveaux titres mais au vu de la demande a porté ce montant à 153 millions. Elle s’est aussi réservée le droit d’émettre 22,95 millions d’actions supplémentaires dans un délai de 30 jours au prix d’introduction. Si cette option est exercée, la compagnie aura alors levé au total 13,7 milliards de dollars.
C’est une performance pour une entreprise fondée en 2009 et qui vient tout juste de livrer, en septembre, ses premiers véhicules, 150 au total… La valorisation théorique de la société était ainsi mardi soir presque équivalente à celle de Ford (80,4 milliards) et General Motors (85,1 milliards)! Mais c’était sans compter avec l’appétit insatiable des investisseurs mercredi 10 novembre lors des premières cotations. Le cours de l’action a gagné 26% lors des premiers échanges montant à 106,75 dollars et la capitalisation de Rivian a alors dépassé 90 milliards de dollars. Le titre a terminé la séance à 100,73 dollars.
Partenariats avec Ford et Amazon
L’entreprise a été fondée en 2009 par Robert Scaringe, un passionné de voitures qui a voulu dès la fin de ses études fabriquer un moyen de transport peu polluant. Il pensait initialement développer une voiture de sport mais s’est réorienté en 2012, estimant qu’il aurait plus d’impact sur l’environnement avec de gros véhicules. L’entrepreneur, aujourd’hui âgé de 38 ans, a su convaincre de grandes entreprises de l’accompagner, dont Ford qui détient 13% du capital de Rivian après son entrée en Bourse. La société a aussi noué un partenariat avec Amazon, qui lui a commandé 100.000 camionnettes à livrer d’ici 2030 et possède environ 19% de ses actions.
La stratégie de la société ressemble à Tesla en ciblant le haut de gamme et des véhicules très chers. Elle a livré ses premiers pick-up, baptisés R1T (voir l’image ci-dessus), en septembre. Aux contours arrondis, pouvant tirer jusqu’à 5 tonnes et rouler environ 500 kilomètres avec une recharge, le R1T est vendu à un prix de base de 67.500 dollars. Rivian prévoit d’écouler ses premiers SUV, véhicules au croisement du 4×4 et du monospace, en décembre. Appelés R1S, ils sont commercialisés à 70.000 dollars. Fin octobre, la société avait un carnet de commandes de 55.4000 R1T et R1S qu’elle comptait livrer d’ici fin 2023. Tous les véhicules sont pour l’instant produits dans une usine à Normal, dans l’Illinois, rachetée à Mitsubishi en 2017. Elle a une capacité de production de 150.000 véhicules par an.
Une concurrence bien plus forte que pour Tesla
Maintenant, la comparaison avec Tesla n’est pas totalement absurde. Car Rivian est encore largement déficitaire comme l’a été Tesla pendant de nombreuses années. Le constructeur affichait une perte nette de 994 millions de dollars au premier semestre 2021 et devrait avoir perdu, selon le prospectus boursier, 1,28 milliard de dollars au troisième trimestre. Il a enregistré une perte de 426 millions de dollars en 2019 et d’un milliard en 2020. Rivian a aussi choisi, comme Tesla, de vendre ses voitures directement aux clients et non via des concessionnaires. Rivian bénéficie clairement à Wall Street de l’effet Tesla et de «l’exubérance irrationnelle» dont a bénéficié le constructeur dirigé par Elon Musk. Les spéculateurs sont à la recherche de la nouvelle pépite. Rivian profite également de l’engouement des investisseurs pour les véhicules électriques.
Mais la comparaison s’arrête là. Quand Tesla s’est lancé, il n’avait pas réellement de concurrent sur un marché qui n’existait pas, la voiture électrique de luxe. Rivian fait face lui aujourd’hui à d’autres start-up de véhicules électriques comme Lucid, Faraday ou Fisker, et surtout aux constructeurs traditionnels qui ont pris le tournant de l’électrique. Ford, par exemple, s’apprête à lancer dans les prochains mois le F150 Lightning, un pick-up électrique plus abordable, plus gros et sous une marque à la réputation plus établie que le Rivian R1T.