Les richesses du sous-sol de la Mongolie aiguisent les convoitises

11 novembre 2024

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Les richesses du sous-sol de la Mongolie aiguisent les convoitises

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Toujours très dépendante de la Russie et de la Chine, la Mongolie cherche à s’émanciper et attirer les investisseurs étrangers pour exploiter ses immenses richesses minières indispensables à la transition énergétique (cuivre, terres rares, uranium...). Une ambition qui se heurte à un arsenal législatif toujours très restrictif pour les investissements étrangers. Pourtant l’Occident, qui cherche à diversifier ses approvisionnements en minéraux dits critiques, multiplie les appels du pieds à Oulan-Bator. Par Gil Mihaely.

Le cas de la Mongolie n’est pas sans rappeler celui de la République démocratique du Congo (RDC), en Afrique. Très volontiers perçue comme un « scandale géologique », du fait de l’immensité de ses réserves minières, la République démocratique du Congo peine à assurer son développement socio-économique. Outre une pauvreté généralisée et une situation sécuritaire toujours précaire, la RDC est victime de tentatives de prédation à peine voilées de son petit, mais puissant voisin rwandais, dont le soutien — prouvé par plusieurs rapports de l’ONU, mais toujours inassumé par Kigali — à la rébellion du M23 dans l’est du pays constitue un outil de détournement de ses richesses naturelles.

La Mongolie, au cœur des projets de connectivité énergétique russes et chinois

La Mongolie est aussi scrutée par ses voisins directs, conscients des potentialités géologiques du pays. La situation géographique de la Mongolie, coincée entre la Chine et la Russie, en fait logiquement une proie de leurs tentatives d’influence. D’un point de vue économique, les géants miniers russes, pendants des intérêts de Moscou, sont très présents dans les filières extractives, notamment l’or, l’argent, le cuivre ou encore l’uranium. Toujours d’un point de vue économie, la Chine reste — et de loin — le principal client de la Mongolie et capte plus de 90 % des exportations du pays, très majoritairement issues des produits miniers et notamment du Charbon.

Des projets structurants sont aussi en cours, comme la création d’une ligne de chemin de fer courant de la Russie jusqu’au Pacifique et traversant la Mongolie. Ou encore, plus significatif encore, le projet d’ampleur de la Russie de créer un gazoduc qui permettrait, depuis la Sibérie d’acheminer du gaz jusqu’en Chine, en passant par les steppes mongoles. Le moyen pour la Russie de diversifier sa clientèle gazière après les sanctions européennes et le sabotage des gazoducs Nord Stream. Dans le domaine énergétique comme dans sa géographie, la Mongolie est coincée entre la Chine et la Russie. Elle importe la quasi-totalité de ses ressources pétrolières depuis la Russie, pendant qu’elle exporte son charbon vers la Chine.

Mais le pays tente de trouver une voie géopolitique plus singulière, en capitalisant sur ses « Troisièmes voisins », une notion certes floue, conceptualisée depuis longtemps à Oulan-Bator, définissant un panel de démocraties occidentales ou asiatiques, diplomatiquement alignées sur les intérêts de la puissance américaine. On y trouve les États-Unis, le Japon, la Corée du Sud mais aussi l’Allemagne et la France.

Une stratégie géopolitique qui vise certes à préserver tout le monde, mais qui a aussi pour ambition de servir les ambitions de diversification économique de la Mongolie, en attirant des investisseurs extérieurs occidentaux au-delà de ses partenaires traditionnels chinois et russes. Car, pour l’instant, « la capacité de la Mongolie à devenir un fournisseur majeur de marchés au-delà de la Chine reste limitée par la géographie et le manque d’infrastructures », explique Charles Krusekopf, du National Bureau of Asian Research. Le pays est conscient du besoin criant de minéraux critiques des Occidentaux pour répondre à leurs besoins, notamment dans le domaine de la mobilité électrique et des renouvelables.

La Mongolie, un atout précieux dans la course européenne à la transition énergétique

L’ouverture de la Mongolie aux investisseurs extérieurs n’a pas été un long fleuve tranquille. En 1997, le vote d’une loi sur les minerais était supposé faciliter leur implantation. Mais, dès les années 2000, plusieurs lois restrictives ont été mises en œuvre, des licences d’exploration minière révoquées et les marges de manœuvre des groupes internationaux réduites. Résultat ? « Après avoir culminé en 2011-2012, les investissements étrangers dans les projets miniers ont commencé à chuter en raison du ralentissement de l’économie mondiale et des politiques et actions de plus en plus restrictives de la Mongolie en matière d’investissement étranger », explique le National Bureau of Asian Research.

Récemment, une nouvelle loi est venue de nouveau jeter le trouble sur les véritables ambitions de la Mongolie en matière d’investissements étrangers. Début 2024, le gouvernement a adopté un texte autorisant l’expropriation partielle des actifs miniers du pays pour financer un nouveau fonds souverain. Une décision qui a crispé les investisseurs internationaux. « L’opinion publique mongole est largement en faveur de la propriété publique des ressources naturelles », explique le National Bureau of Asian Research, qui considère que « de nombreuses décisions qui affectent l’exploitation minière sont prises sur la base de calculs politiques plutôt qu’économiques ».

D’autant que la Mongolie a bien compris l’intérêt que suscitent ses richesses minières dans les pays occidentaux. Depuis juin 2022, une quinzaine d’États occidentaux ont lancé le Mineral Security Partnership (MSP), un mouvement transnational destiné à garantir un approvisionnement stable en matières premières nécessaires à leurs économies et plus particulièrement aux technologies de la transition énergétique.

Le tout, aligné sur des standards RSE (Responsabilité sociale des entreprises) très élevés. « Les États-Unis et leurs alliés ont inclus la Mongolie comme partenaire potentiel dans le programme de partenariat pour la sécurité des minéraux », poursuit Charles Krusekopf. La Mongolie possède en effet deux des plus grandes mines de cuivre au monde avec des réserves estimées à plus d’un milliard de tonnes et serait l’un des pays les mieux dotés du monde en gisements de terres rares. En termes d’uranium, la Mongolie brille aussi par ses réserves prouvées et pourrait devenir un fournisseur de confiance de la France qui cherche à se diversifier après ses difficultés au Niger.

« Diversification des approvisionnements européennes », la France parie sur la Mongolie

Malgré les revirements législatifs, la Mongolie semble acter sa volonté de rapprochement avec l’Occident. En août dernier, le secrétaire d’État américain Antony Blinken est ainsi venu en visite officielle en Mongolie, dans le cadre d’une tournée asiatique d’une dizaine de jours. En mars 2023, c’était Emmanuel Macron qui avait posé ses valises à Oulan-Bator pour une visite d’État exceptionnelle — la première d’un président français —, certes tournée sur la transition énergétique et la recherche d’alliés asiatiques dans la guerre en Ukraine, mais aussi vers la course internationale aux minerais. Cet impératif a d’ailleurs été pleinement assumé par l’Elysée qui fait de cette visite l’un des pans de sa « stratégie de diversification des approvisionnements européens afin de garantir notre souveraineté énergétique ». Elle a d’ailleurs été l’occasion d’officialiser la participation d’Orano dans l’exploitation de l’un des principaux gisements d’uranium au monde dans le cadre d’un accord inédit avec le gouvernement mongol.

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