Il y a tout juste six mois, le grand magazine allemand Der Spiegel titrait en Une: «Un travail bousillé en Allemagne» à propos de la fameuse révolution énergétique allemande, l’Energiewende. Elle a été lancée il y a 15 ans et a englouti des centaines de milliards d’euros pour faire basculer la production d’électricité en Allemagne vers le tout renouvelable, éolien, solaire et biomasse tout en abandonnant le nucléaire. Mais elle est loin de produire les effets escomptés. Non seulement, les prix de l’électricité ne cessent de monter, mais les émissions de CO2 ne baissent pas du tout comme espéré. L’Allemagne est ainsi de loin le plus gros émetteur de CO2 d’Europe (22% du total l’an dernier), bien plus du double de la France (9,3%). Car outre-Rhin, quand il n’y a pas de vent ou de soleil, ce sont les centrales à charbon, particulièrement polluantes, qui prennent le relais.
Selon une étude récente de l’Institut américain pour la recherche sur l’énergie, IER, à but non lucratif, l’objectif pour 2020 de réduction des gaz à effet de serre ne sera pas atteint avant 2037! L’Allemagne a émis en 2018, 866 millions de tonnes de CO2 et son objectif pour 2020 est de 750 millions de tonnes. L’IER souligne également la montée en Allemagne de l’insécurité sur l’approvisionnement en électricité qui affecte toute l’économie. Une situation qui ne peut que s’aggraver lors des prochaines années…
Car l’Allemagne n’a pas l’intention de changer de stratégie. Le plan climatique de 100 milliards d’euros présenté en septembre par le gouvernement prévoit davantage de panneaux solaires et d’éoliennes (même si l’installation de ces dernières se heurte maintenant systématiquement à une opposition locale), 7 à 10 millions de voitures électriques sur les routes d’ici 2030, dont les ventes ne décollent toujours pas, un réseau d’un million de stations de recharge et une hausse des prix du carburant et une taxe sur le transport aérien.
Sécurité des approvisionnements
L’Allemagne prévoit également de supprimer toutes ses centrales nucléaires d’ici 2022, et ses centrales au charbon d’ici 2038. Elle perdra alors 43% de sa production d’électricité dite «pilotable», c’est-à-dire mobilisable quand le besoin se fait sentir. Car les renouvelables, avant tout éolien et solaire, sont difficiles à gérer. S’ils ont représenté en Allemagne avec l’hydroélectrique et la biomasse, le niveau record de 46% de la production électrique depuis le début de l’année, ils provoquent, soit un encombrement du réseau électrique quand il y a beaucoup de vent et de soleil, soit au contraire une flambée des prix quand la production faiblit.
Le prix de l’électricité en Allemagne est ainsi supérieur de 45% à la moyenne européenne pour les particuliers, et deux fois plus élevé que celui de la France. La construction de nouvelles centrales de secours au gaz, pour remplacer celles au charbon, et de lignes à haute tension pour transporter l’électricité des éoliennes du nord vers les industries du sud entraînera mécaniquement une nouvelle hausse des prix de l’électricité.
L’Allemagne fait également face à un sérieux problème d’infrastructures. Les défenseurs de l’environnément ont bloqué la construction de lignes à haute tension du nord, où se trouvent les parcs éoliens, vers le sud industriel. Au premier trimestre de 2019, seulement 1.087 kilomètres de lignes électriques avaient été achevés au lieu des 3.600 kilomètres prévus.
Plus grave encore, la sécurité des approvisionnements pourrait tout simplement ne plus être assurée. L’Allemagne deviendra dépendante de la production électrique de ses voisins européens, c’est-à-dire importateur net à partir de 2023. Cela est lié, selon l’IER, a trois facteurs. Une dépendance toujours plus grande à l’égard des productions intermittentes, l’abandon total de l’énergie nucléaire (encore 12% de son électricité) et le retrait prévu du charbon (comprenant la houille et le lignite) qui fournit aujourd’hui près de 35% de l’électricité.
A cela s’ajoute le fait que la Belgique comme les Pays-Bas risquent de fermer aussi respectivement leurs centrales nucléaires et au charbon et que la France traversera une phase difficile au même moment avec la fermeture de Fessenheim et de ses dernières centrales au charbon. C’est la capacité de production de l’ensemble du réseau européen qui va se détériorer.