La relocalisation d’activités industrielles considérées comme stratégiques pourrait être une des conséquences positives de la pandémie de Covid-19. Et cela même si traduire dans les faits les grands discours sur l’indépendance nationale s’annonce difficile. En tout cas, l’énergie en général et les renouvelables en particulier sont concernés. Le ministère de l’économie a demandé aux entreprises de la filière solaire de lui faire des propositions. L’initiative pourrait s’inspirer de «l’Airbus de la batterie».
Neuf fabricants de panneaux solaires sur les dix premiers sont chinois
La production d’électricité renouvelable, notamment via les éoliennes et les panneaux solaires, se maintient à un bon niveau pendant la période de confinement et n’est pas affectée par la baisse de 15 à 20% de la consommation électrique. Cela pour une raison avant tout économique. Les éoliennes comme les panneaux solaires bénéficient d’un accès prioritaire au réseau et d’un tarif de rachat subventionné.
Les problèmes pour la filière viennent plutôt depuis plusieurs semaines de l’accès très difficile aux pièces détachées pour la maintenance et du retard pris par les nouvelles installations avec l’interruption des livraisons d’équipements importés, notamment d’Asie et surtout de Chine.
La Chine est le principal fournisseur mondial de panneaux solaires, de turbines et de composants électroniques, utilisés dans le fonctionnement de certaines éoliennes. La Chine a aussi détruit il y a sept à huit ans l’industrie photovoltaïque européenne et française en pratiquant du dumping sans que la Commission européenne y trouve rien à redire.
Résultat, les prix ont été divisés par dix en dix ans et sur les dix premiers fabricants mondiaux de panneaux photovoltaïques, aujourd’hui neuf sont Chinois. En France, les industriels du secteur ne sont plus qu’une poignée, Voltec, Sillia, racheté par l’Allemand Recom et Photowatt, repris par EDF à la demande de l’État qui a pris conscience tardivement de la dépendance du pays à l’égard des fournisseurs chinois.
Impossible sans un Etat stratège et des subventions massives
Mais est-il possible aujourd’hui de reconstruire une filière de production compétitive en France et en Europe? Il y a urgence s’il s’agit d’obtenir une part des mille milliards d’euros sur dix ans promis par l’Europe, dans son projet de «Pacte vert» (Green deal) présenté en décembre par la Présidente de la Commission Ursula von der Leyen.
L’urgence est d’autant plus grande qu’en France l’objectif annoncé des pouvoirs publics est de multiplier la capacité installée de photovoltaïque par quatre d’ici à 2028.
Les usines de fabrication de panneaux sont aujourd’hui très largement robotisées. Cela signifie que le coût de la main d’œuvre n’est pas l’élément essentiel de la compétitivité. Il est plus important de parvenir à une production de masse, d’avoir accès aux matières premières, d’avoir les compétences techniques et industriels et d’obtenir des financements importants et peu coûteux. En fait, sauf avancée technologique majeure en France et en Europe sur les capteurs solaires, il est difficile d’imaginer aujourd’hui une filière française fabriquant des panneaux photovoltaïques avec la technologie actuelle à des coûts approchant ceux des industriels chinois. A moins, comme en Chine, de la mise en place d’un véritable capitalisme d’Etat.
Car pour que les productions européennes et françaises soient compétitives, cela nécessiterait un changement radical de politiques publiques. A savoir, l’intervention d’un Etat stratège et la mise en place d’une taxe carbone importante aux frontières européennes. En fait, pour les pouvoirs publics, les importations massives d’Asie ont eu jusqu’à aujourd’hui de nombreux avantages. Elles ont permis de réduire les coûts du solaire et de faciliter son développement tout en permettant de diminuer fortement les aides publiques. Elles ont permis aussi de délocaliser des fabrications polluantes. Relocaliser l’industrie solaire nécessitera plus que des discours, un virage à 180 degrés des politiques industrielles.