La semaine dernière se déroulait sous les ors du château de Versailles le désormais annuel forum «Choose France». L’occasion pour le président de la République d’un exercice politique entre auto congratulation et annonce de «bons» chiffres sur l’investissement étranger en France.
Au-delà de la communication politique, cet évènement est une source d’enseignements précieux sur la question essentielle pour l’avenir économique et social du pays qui est celle de sa réindustrialisation. Le premier d’entre eux est qu’elle passe avant tout par les technologies et les filières de la transition énergétique que ce soit dans le domaine nucléaire ou celui des véhicules électriques.
Développement de SMR et fabrication de combustible MOX
Ainsi, tandis que les élus écologistes n’ont de cesse d’expliquer que la France serait isolée sur la question de l’atome, les faits démontrent le contraire. Ainsi, dans les annonces d’investissements industriels des derniers jours celle de Newcleo est spectaculaire. L’entreprise initialement italo-britannique a choisi la France pour ses deux implantations principales. L’une pour le développement d’un SMR (Small Modular Reactor), petit réacteur nucléaire modulable, au plomb, et la seconde pour la mise en place d’une ligne combustible au MOX. Le MOX est un combustible nucléaire constitué d’environ 8,5% de plutonium et 91,5% d’uranium appauvri. Il se présente sous forme de poudre, granulés ou pastilles et n’est utilisé que dans un nombre relativement limité de réacteurs. Il s’agit en tout de 3 milliards d’euros d’investissements.
Cette annonce fait la démonstration d’une réelle coopération transfrontalière dans le domaine atomique. Elle fait écho à l’offensive diplomatique françaises menée depuis plusieurs mois avec la création d’un «club du nucléaire»rassemblant 11 pays de l’union européenne auxquels se sont joints depuis quelques jours les britanniques.
Les Hauts-de-France, terre d’accueil des «gigafactories» de batteries
Autre enseignement important. On peut d’ores et déjà constater la naissance d’un véritable écosystème autour du véhicule électrique et plus particulièrement de son principal composant, la batterie, dans les Hauts-de-France. Quatre usines majeures, baptisées pompeusement «gigafactories», vont voir le jour à savoir celle d’ACC qui ouvrira dans les prochaines semaines et aussi celles de Prologium, Verkor et Envision. Cela représente 11 milliards d’euros d’investissement, plus de 10.000 emplois et le tout dans un périmètre de moins de 100 kilomètres. Cette maîtrise de la chaîne amont du véhicule électrique à batteries est une première étape essentielle pour éviter que la disparition programmée des véhicules thermiques ne marque l’arrêt de mort de l’industrie automobile sur le sol français dont le déclin ne cesse de s’accélérer depuis deux décennies. Et s’il faut se féliciter de l’implantation de ses «gigafactories», il ne faut pas perdre de vue la domination écrasante de l’industrie chinoise sur la production des batteries et sur celle notamment de l’extraction et plus encore du traitement et du raffinement des métaux dits stratégiques indispensables à leur fabrication.
Les prémices d’un redressement industriel tant espéré
Voilà pourquoi les investissements annoncés dans l’aval, le recyclage, ont une telle importance. On retrouve ici un grand nom du nucléaire, Orano, qui a décidé de s’associer au chinois XTC afin d’ouvrir deux sites industriels majeurs, toujours dans les Hauts-de-France. Le premier a trait au recyclage des batteries de véhicules électriques en fin de vie. Et, juste à côté, une usine destinée à produire des composants pour véhicules électriques, notamment à partir des matériaux recyclés.
Ces signaux faibles sont encourageants, mais portent bien leur nom. Ils ne sont que les prémices d’un redressement industriel enfin espéré. Et il passe par une mobilisation générale, financière comme politique et sociale, en faveur des technologies de la transition énergétique et de la décarbonation. La France peut le faire.
Philippe Thomazo