Il existe quatre matériaux indispensables aux économies et à la civilisation modernes et dont la fabrication utilise énormément d’énergies fossiles et émet des quantités considérables de gaz à effet de serre. Peu importe les merveilles de la technologie numérique et notre méconnaissance grandissante du monde de la production : nos vies sont faites de ciment, d’acier, de plastique et d’ammoniac. Nous en produisons respectivement par an : 5 milliards de tonnes, 1,8 milliard de tonnes, 400 millions de tonnes et 150 millions de tonnes. Sans ciment, pas de béton et plus de constructions partout dans le monde. Sans acier, plus de constructions non plus et plus de véhicules terrestres et maritimes. Sans ammoniac, plus d’engrais azotés et il devient impossible de nourrir 8 milliards d’êtres humains. Quant au plastique, la célèbre bouteille d’eau minérale destinée à polluer l’océan n’est que la partie émergée de l’iceberg. Les matériaux synthétiques moulés sont omniprésents, des véhicules légers aux pipelines en passant par les équipements médicaux.
Le recyclage aggrave la situation…
Le problème est que les technologies permettant de fabriquer ces matériaux sans énergies fossiles ou de les remplacer (pour le plastique) sont embryonnaires, expérimentales et extrêmement coûteuses. Il existe de nouveaux procédés pour faire du ciment, de l’acier et de l’ammoniac décarbonés, en utilisant souvent de l’hydrogène vert (fabriqué par électrolyse) qui fait l’objet aujourd’hui de campagnes de dénigrement absurdes et irresponsables. Mais il faudra des années et plus certainement des décennies pour que ces procédés et technologies aient un impact. Quant au plastique issu directement du pétrole, il n’y a pas d’autres solutions que des matériaux de remplacement et le recyclage. D’autant plus que sur les 400 millions de tonnes produits chaque années, près de la moitié va directement à la poubelle puisqu’il s’agit de produits à usage unique. Mais en fait, le recyclage ne sert à rien. Il aggraverait même la situation…
Les dirigeants de l’industrie savaient depuis le début
C’est ce que montre une étude publiée il y a quelques mois par le Center for Climate integrity. En résumé, face aux appels à la réduction des déchets plastiques qui ont pris de l’ampleur dans les années 1970 et 1980, l’industrie pétrochimique a offert sa solution : le recyclage. Pour le Center for Climate Integrity, c’était un pur mensonge qui permettait de donner l’impression d’apporter une solution au problème tout en continuant à produire autant de plastique que les grands groupes le voulaient. De nombreuses traces écrites indiquent que les dirigeants de l’industrie savaient dès le début que le recyclage ne pourrait jamais fonctionner à grande échelle. Illustration, aujourd’hui seuls 9% environ des plastiques sont recyclés dans le monde. « La majorité des plastiques ne peut pas être recyclée. Elle ne l’a jamais été et ne le sera jamais », écrit le Center for Climate Integrity.
Et le plus dérangeant est que la situation est en fait bien plus problématique. Selon un nouveau domaine d’étude, les installations qui recyclent le plastique rejettent depuis des décennies des quantités massives de toxines appelées microplastiques dans les cours d’eau, les sols et l’air. On les retrouve dans le corps humain et dans bon nombre d’aliments. Ce que l’industrie a créé pour résoudre le problème des déchets plastiques n’a fait que l’aggraver…
Une impasse
La triste vérité est que, contrairement au recyclage du papier, du verre et du métal, la science qui sous-tend le recyclage du plastique a toujours été, au mieux, douteuse. Dès le début, les chimistes de l’industrie ont répété que cela ne fonctionnerait pas. La plupart des types de plastique ne peuvent pas être recyclés du tout, et ceux qui peuvent l’être deviennent plus toxiques au cours du processus.
Pendant des décennies, les recycleurs ont pu s’en tirer car, jusqu’en 2018, ils vendaient la quasi-totalité de leurs déchets à la Chine et les qualifiaient de « recyclés », alors qu’en réalité, des tonnes de déchets étaient incinérées, mises en décharge ou déversées dans les cours d’eau. Ce que la Chine a interdit de faire aujourd’hui.