Notre ambition, notre conviction et notre vocation
Comment Transitions & Energies entend contribuer, modestement, à construire des stratégies efficaces et réalistes de transitions énergétiques.
La nécessité de se passer progressivement des énergies fossiles et de leur substituer des sources d’énergie non carbonées sans mettre en péril nos sociétés et notre civilisation est le défi de notre temps. La question de la transition énergétique est d’ailleurs trop essentielle pour être laissée aux seuls lobbys, idéologues, lanceurs d’anathèmes, romantiques, anticapitalistes recyclés et à des institutions manquant souvent de réalisme et de courage.
Nous sommes entrés malheureusement dans l’ère de la panique énergétique. L’émotion, les postures et le simplisme règnent et nous égarent. Nous ne ferons pas face en nous couvrant la tête de cendres et en suivant les prophètes d’un nouvel apocalypse. Les solutions et les stratégies technologiques comme économiques existent. Pour les élaborer et les mettre en œuvre, il faut une vision méthodique des enjeux et des problèmes et faire appel à la connaissance, la raison et la science.
Notre ambition, à Transitions & Énergies, est d’apporter à un débat nécessaire et légitime des fondements scientifiques, des raisonnements construits sur les faits, des points de vue argumentés sur les avantages et les inconvénients des choix techniques, financiers et politiques qui se présentent à nous. Nous entendons, modestement, permettre ainsi de construire des stratégies publiques et privées convaincantes et acceptées par l’opinion.
Au cours des vingt-cinq prochaines années, le monde doit transformer son système d’approvisionnement en énergie et réduire significativement son empreinte carbone. Pour y parvenir, la croissance de la consommation d’énergie doit ralentir et le bouquet énergétique (le cocktail de sources d’énergie) changer radicalement. L’humanité n’a jamais accompli une telle transition, encore moins à une telle échelle.
Les technologies qui permettent de mener cette transition sont aujourd’hui loin d’être toutes arrivées à maturité. Les stratégies à mettre en place sont complexes. Cela ne nous empêche pas d’être confiants. Avec de la méthode, de la volonté et en pariant sur l’ingéniosité et la créativité, l’humanité peut surmonter l’un des plus grands défis de son histoire. C’est notre conviction à Transitions & Énergies.
Mais il faut expliquer et convaincre. Telle est notre vocation. Apporter des éléments de compréhension, éclairer les choix et participer ainsi à construire le consensus indispensable pour réussir les transitions énergétiques.
Nous aborderons sans tabous et sans a priori tous les aspects de cette question et toutes les problématiques : celles des énergies renouvelables, du nucléaire, de l’hydrogène, des énergies fossiles ou celles des mobilités et des transports, du géo-engineering, des technologies en devenir et en gestation.
Nous entendons promouvoir l’innovation, y compris, par exemple, dans l’utilisation de l’hydrogène ou la capture et le stockage du carbone. Il s’agit d’une nécessité à la fois pour atteindre nos objectifs de réduction de l’empreinte carbone et pour assurer notre prospérité et notre indépendance. L’innovation est vitale dans la production, l’utilisation et la distribution d’énergies plus propres et plus durables mais aussi via le numérique avec les véhicules autonomes, les réseaux électriques automatisés, décentralisés et intelligents ou l’utilisation du big data pour rendre plus efficaces les circuits logistiques.
Faire de la France et de l’Europe un leader dans l’innovation ouvrira de nouveaux marchés, créera de nouvelles industries et permettra à l’ensemble de la société d’avoir accès à une énergie plus propre et la moins coûteuse possible.
Pour donner une idée du défi auquel nous sommes confrontés, les transitions énergétiques ont un coût estimé entre 50 000 et 90 000 milliards de dollars lors des 15 prochaines années. En comparaison, le PIB annuel mondial s’élève à près de 80 000 milliards de dollars. Une transition mal maitrisée vers une économie décarbonée pourrait mettre en péril la stabilité financière et mener à une récession massive si elle n’est pas accompagnée de financements publics et privés pertinents et de soutiens aux industries. La difficulté tient à ce que l’on connaît la situation de départ mais sans savoir très précisément vers quoi l’on se dirige et plus encore comment.
Selon les prévisions de l’Agence internationale de l’énergie. La demande mondiale d’énergie devrait seulement croître de 0,1 % entre 2016 et 2040 contre 2 % entre 2000 et 2015. Et dans le même temps, toujours entre 2016 et 2040, les énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) devraient passer de 81 % à moins de 61 % des sources d’énergie primaires.
L’histoire de l’énergie et celle des civilisations sont intimement liées. Dans sa lutte pour survivre, pour domestiquer son environnement, pour échapper à la misère, pour se donner les moyens de maitriser son développement économique, social, intellectuel, l’humanité n’a cessé de diversifier ses sources d’énergie. C’est l’intensification du recours à l’énergie qui a permis la révolution agricole et industrielle.
Nous sommes ainsi passés successivement de l’énergie animale et celle du bois, du vent et de l’eau à celle du charbon (quand le bois a commencé à manquer en Europe), du pétrole, de l’hydroélectrique, puis du gaz naturel, de la fission nucléaire et aujourd’hui à une échelle industrielle des renouvelables avec notamment l’éolien et le solaire. Jusqu’au xixe siècle, 95 % de l’énergie consommée par l’humanité provenait du bois. Avec la révolution industrielle, le couple charbon-vapeur a permis de fournir davantage d’énergie. Et ce n’est qu’au xxe siècle que le gaz, le pétrole et l’électricité ont permis de considérablement changer le mode de vie des pays riches qui sont entrés après 1945 dans la société de consommation et des loisirs.
Les caractéristiques de toutes ces évolutions ont été de passer à des sources d’énergie de plus en plus concentrées et de le faire parce qu’il s’agissait d’un progrès évident. Nous l’avons oublié, ces transitions énergétiques ont toujours été positives pour les hommes et même dans une certaine mesure pour la nature.
Quand nous avons cessé d’utiliser le bois et l’avons remplacé par des carburants fossiles, nous avons permis à nouveau aux forêts de grandir. Quand nous avons arrêté de brûler du bois dans nos cheminées, nous n’avons plus respiré de fumées toxiques. Il est évident aujourd’hui que ces fumées avaient considérablement réduit l’espérance de vie de nos ancêtres. Quand nous avons remplacé, pour produire de l’électricité, les carburants fossiles par de l’uranium, nous avons réduit la pollution atmosphérique et les émissions de CO2.
Nous devons continuer impérativement dans une logique de progrès. Les transitions énergétiques ne seront acceptées dans les démocraties que si elles sont comprises comme une façon de sauvegarder l’environnement, mais aussi d’améliorer les conditions de vie du plus grand nombre. La régression, la décroissance sont des voies sans issue socialement comme politiquement.
C’est pourquoi les idéologues de la peur n’apportent pas de solutions. Ils tétanisent. Ils attirent l’attention en permanence sur de nouveaux risques et détournent des vrais enjeux. Ils ont tellement effrayé les opinions et les gouvernements que ces derniers semblent aujourd’hui presque incapables de construire des stratégies réalistes de transitions énergétiques à long terme et plus encore de les expliquer et de les justifier. Transitions & Énergies entend contribuer à sortir de cette impasse.
Nous le faisons dans ce premier numéro en consacrant un grand dossier à la voiture électrique à batteries. L’adoption massive d’un tel véhicule, puissamment encouragée par les pouvoirs publics en Europe et dans le reste du monde, présente des avantages en réduisant les émissions polluantes et de CO2… et de sérieux problèmes. Ce moyen de transport ne peut pas être une solution miracle à nos problèmes de mobilité dans les villes et encore moins dans les zones dites périphériques. Il a encore aujourd’hui des limites technologiques trop pénalisantes. Il nécessite la construction d’infrastructures massives. Son attrait pour le consommateur reste relativement faible même avec des subventions importantes à l’achat. Il représente un enjeu industriel majeur pour les constructeurs automobiles, condamnés à jouer leur avenir sur un pari risqué. Enfin, la fabrication et le recyclage des batteries sont une menace pour l’environnement.
L’adoption à grande échelle du véhicule électrique à batteries n’a de sens que s’il s’agit d’un élément parmi d’autres d’une stratégie d’ensemble de transition énergétique. Une stratégie indispensable dont la mise en œuvre sera le fil conducteur de Transitions & Énergies.