Le transport aérien a été touché de plein fouet par la pandémie de coronavirus et mettra, au mieux, des années pour s’en remettre. Le trafic aérien s’est effondré d’environ 80% dans le monde. De nombreuses compagnies aériennes sont aujourd’hui menacées de faillite et ne devront leur survie qu’à des aides publiques à l’image d’Air France. Elles sont condamnées à reporter ou annuler leurs commandes d’avions. Du coup, les constructeurs d’avions de ligne se retrouvent aussi dans une situation critique à l’image des deux plus grands, Airbus et Boeing.
Selon les prévisions du cabinet Oliver Wyman, la production d’avions de ligne par Airbus et Boeing pourrait baisser de moitié cette année. Elle reviendrait de 1.780 initialement prévu à 935. «Nous sommes maintenant au milieu de la crise la plus grave que l’industrie aérospatiale ait jamais connue», a résumé Guillaume Faury, le président exécutif d’Airbus, lors de la présentation le mois dernier des résultats trimestriels du groupe. Après vingt ans de croissance presque ininterrompue, un âge d’or, l’aéronautique est entrée dans un monde où il n’est plus question de démesure. Pour preuve, Air France vient d’annoncer sa décision de ne plus jamais faire voler ses Airbus A380, un appareil présenté avec orgueil il y a quelques années par Airbus comme le nouveau «géant des airs». Tout un symbole. Il devait effacer dans les mémoires le fameux Boeing 747. L’Airbus A380 a effectué son premier vol commercial sous les couleurs d’Air France en novembre 2009 et aura tout juste été en service un peu plus de dix ans…
Baisse massive des cadences de production
Airbus affiche au premier trimestre une perte de 481 millions d’euros, contre un bénéfice de 40 millions d’euros l’an dernier et un chiffre d’affaires en baisse de 15%, à 10,6 milliards d’euros. Mais l’impact de la crise sera bien plus important. Il s’est déjà traduit par une réduction de 30% de la production, et ce n’est qu’un début.
Airbus devra sans doute prendre des mesures sociales plus sévères que le chômage partiel de plus de 3.000 salariés. «Il va de soi que nous soutiendrons totalement et s’il le faut massivement Airbus le moment venu», a assuré Bruno le Maire, le ministre de l’Economie. Un plan de sauvetage devrait être annoncé avant la fin du mois par le gouvernement et sera crucial, notamment pour les sous-traitants d’Airbus.
Boeing n’est pas dans une meilleure situation. Le constructeur américain a accusé une perte de 641 millions de dollars, au premier trimestre contre un bénéfice de 2,1 milliards de dollars l’an dernier sur la même période. Il a confirmé la suppression de 10% de ses effectifs dans le monde.
Boeing a aussi mis fin à l’accord de rachat de 80% des activités dans l’aviation commerciale du brésilien Embraer. L’heure n’est plus à l’augmentation de l’offre et des capacités de production. Elle est à la baisse massive des cadences de production. Pour le 737 MAX, dont la production est arrêtée depuis le mois de janvier, Boeing annonce une production de 31 appareils par mois courant 2021 contre 57 dans le calendrier initial. Dans les long-courriers, la production du 787 va passer de 14 à 10 appareils par mois en 2021, puis à 7 par mois en 2022. Quant au 777/777X, la cadence va tomber à 3 appareils par mois en 2021. Et rien ne permet de dire que ses prévisions sont réalistes compte tenu des incertitudes pesant à la fois sur la reprise des vols, sur leur fréquentation et sur le nombre de compagnies qui vont survivre.
Sauver les équipementiers et le savoir-faire industriel
Selon le cabinet spécialisé dans la prospective Oliver Wyman, qui a publié plusieurs études sur le sujet et un article dans le magazine Forbes, le trafic aérien mondial pourrait ne retrouver son niveau d’avant crise qu’en 2024. Et la production d’avions commerciaux par Airbus et Boeing remonterait très progressivement à 1.107 appareils en 2021 puis 1.392 en 2022.
En conséquence, toute l’industrie aéronautique sera fragilisée et notamment les dizaines d’équipementiers et de sous-traitants qui assurent plus de 50% de la valeur ajoutée de chaque avion sortant des chaînes. «La solidarité est en train de se mettre en place au sein de la filière», a assuré Patrice Caine, le Pdg de Thales, le 28 avril. Il en va de milliers d’emplois qualifiés et de la survie de compétences et d’un savoir-faire industriel dont la France a tant besoin.