Les cours du baril de pétrole ont repris leur ascension avec la perspective de la mise en place d’ici la fin de l’année d’un embargo européen sur le pétrole russe. Et cela même si la Hongrie, allié de Moscou, freine la prise de décision. En tout cas, le baril de pétrole qualité Brent est passé au dessus des 111 dollars et la qualité WTI a dépassé les 108 dollars. Il est difficile d’imaginer un reflux rapide des prix de l’or noir pour la bonne et simple raison que les producteurs regroupés dans le cartel baptisé Opep+ n’ont aucune raison d’augmenter sensiblement la production pour éventuellement faire baisser des prix et de faire ainsi des «cadeaux» aux importateurs d’Europe et d’Asie… La seule raison pour laquelle les cours du baril pourraient refluer serait l’annonce d’un ralentissement brutal de la croissance économique chinoise, du fait de la pandémie.
L’Opep+ a évité une guerre suicidaire entre l’Arabie Saoudite et la Russie
En tout cas, l’initiative de changer la dynamique du marché pétrolier ne viendra certainement pas de l’Opep+ dont la principale préoccupation est de maintenir ses membres soudés. Au cœur du cartel se trouvent les 13 membres de l’Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole). Ce sont principalement des pays du Moyen-Orient et d’Afrique. L’Opep a une longue histoire et a été créée en 1960 dans le but de peser sur l’offre mondiale de pétrole et son prix. Les pays de l’Opep ne sont plus aussi dominant qu’au siècle dernier et produisent environ 30% du pétrole brut mondial, soit environ 28 millions de barils par jour. Le plus grand producteur de pétrole au sein de l’Opep est l’Arabie saoudite avec une production de l’ordre de 10 millions de barils par jour.
En 2016, les prix du pétrole étaient particulièrement bas et l’Opep s’est associée à dix autres producteurs de pétrole non Opep pour créer l’Opep+ et avoir plus d’impact sur le marché. Le leader de ce groupe est la Russie, qui produit également plus de 10 millions de barils par jour. L’ensemble Opep+ produit environ 40% du pétrole brut mondial. L’organisation se réunit tous les mois pour décider de la quantité de pétrole brut à mettre sur le marché mondial.
Elle a eu un rôle décisif pour éviter une catastrophe pour les producteurs, il y a un peu plus de deux ans au début de l’année 2020 et au plus fort de la pandémie et des confinements. L’Arabie Saoudite et la Russie s’étaient alors lancés dans une guerre suicidaire de baisse des prix et d’augmentation des quantités de production au moment même où l’économie mondiale plongeait dans la récession. Devant le risque d’effondrement financier, les producteurs de pétrole de l’Opep+ se sont finalement ressaisis et ont décidé de baisser de 10 millions de barils par jour leur production pour éviter un effondrement des prix.
Fin de non-recevoir à Biden et à Johnson
La recette a fonctionné. Les cours tombés à 20 dollars le baril au printemps 2020 sont remontés progressivement sous l’effet de cette politique. L’économie mondiale étant repartie, l’Opep+ a alors décidé de remonter progressivement depuis le mois de mai 2021 son niveau de production, mais sans se presser… Le problème, c’est que pour des raisons de mauvaise volonté politique et d’autres liées à des difficultés techniques, l’Opep + ne respecte même pas depuis plusieurs mois son propre calendrier d’augmentation de la production. Par, exemple, la production aurait du augmenter en avril de quelques 400.000 barils par jour. Elle n’a augmente que de 10.000 barils quotidiens, selon une enquête menée par l’agence Bloomberg.
Le président américain Joe Biden a bien appelé à plusieurs reprises l’Arabie saoudite à augmenter sa production de pétrole, en vain. Le Premier ministre britannique Boris Johnson a également demandé à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis d’augmenter leur production, dans le cadre d’une visite dans ces deux pays. Lui aussi s’est vu opposer une fin de non-recevoir.
L’Arabie saoudite comme les Émirats arabes unis qui considèrent avoir été maltraités et même lâchés par leur allié traditionnel les Etats-Unis, ne sont pas mécontents d’avoir établi un nouveau rapport de force en leur faveur. Par ailleurs, ils ne veulent pas se laisser dicter leur conduite par l’Occident. Ils estiment aussi que l’écart entre l’offre et la demande se réduit et que la menace grandissante d’une récession mondiale liée à l’inflation et la guerre en Ukraine leur donne tous les arguments pour attendre.
Des problèmes techniques liés à des sous investissements
L’Opep+ doit également tenir compte des souhaits de la Russie, l’un des deux plus grands partenaires de l’alliance. Et Moscou qui a du mal à exporter une partie de sa production depuis l’invasion de l’Ukraine le 24 février a toute les raisons de vouloir un prix du baril le plus élevé possible. «L’Opep veut garder de bonnes relations avec la Russie, il est donc très probable qu’ils poursuivent l’accord qu’ils ont tous conclu l’année dernière. Cela signifie une augmentation très lente de l’offre de brut d’ici à septembre», estime Carole Nakhle, Pdg de Crystol Energy.
Enfin, plusieurs pays de l’Opep+ ont déjà les plus grandes difficultés assurer les quotas de production prévus. Les investissements ont lourdement chuté, notamment pendant la pandémie, et certaines installations pétrolières n’ont pas été bien entretenues. Aujourd’hui, elles ne peuvent même pas assurer de petites augmentations de production. C’est le cas pour l’Angola, le Nigeria, le Congo, et la Guinée équatoriale. Autre producteur en difficulté, la Libye, en proie à une longue guerre civile qui a entraîné le blocage de sites pétroliers. A terme, il y a aussi des doutes sur la capacité de la Russie a maintenir sa capacité de production en raison des sanctions occidentales, en représailles de la guerre en Ukraine, qui la prive d’équipements sophistiqués de production et d’exploration.