Le prix de l’électricité pour les particuliers soumis au tarif réglementé va encore augmenter au 1er février. C’est l’annonce faite la semaine dernière par Emmanuelle Wargon, présidente de la Commission de Régulation de l’Energie (CRE). Pour la première fois depuis le début de la crise énergétique, il y a deux ans, ce n’est pas à cause du prix de l’électricité ou du gaz que la douloureuse va l’être encore plus, mais en raison de la fiscalité.
Pour comprendre, petit retour en arrière. A l’hiver 2022, les problématiques externes (invasion de l’Ukraine) et interne (corrosion sous contrainte détectée sur les plus récents des réacteurs nucléaires du parc français) entraînent une forte poussée de fièvre sur les prix de l’électricité. Le gouvernement, avec l’objectif affiché de protéger le portefeuille des ménages français, décide alors de mettre en place un « bouclier tarifaire » correspondant dans les faits à un gel des tarifs réglementés de l’électricité à leur niveau de la fin 2021.
Jeu de passe-passe financier autour du tarif réglementé
Et afin de limiter un peu la somme à compenser au producteur, EDF notamment qui est par ailleurs sérieusement mis à contribution, il modifie au passage la façon dont est construit ce fameux tarif réglementé. Il augmente la part payée pour la production d’électricité en la compensant par l’abaissement à son minimum de la taxe baptisée contribution au service public de l’électricité (CSPE). Cette taxe qui n’a cessé d’augmenter depuis des années sert au financement des compléments de rémunération pour les énergies renouvelables (que ce soit éolien et photovoltaïque, mais aussi hydraulique et biométhane) et des mécanismes de solidarité avec les zones non interconnectées (territoires ultra-marins et Corse).
Retour à la normale
L’abaissement de la CSPE a été facilité par le fait que les prix de l’électricité au plus haut permettaient aux producteurs d’électricité à partir de renouvelables non seulement ne plus avoir besoin des subventions généreusement accordées, mais aussi de contribuer positivement au budget de l’Etat en reversant une partie de leurs super profits. Mais en 2023 et plus encore en 2024 la situation est redevenue plus « normale ». Le retour d’une production nucléaire et hydroélectrique beaucoup plus convenable, la progression de l’éolien et du photovoltaïque et aussi une baisse devenue permanente de la consommation ont ramené les marchés de l’électricité à des prix jamais vu depuis la crise du covid.
Prôner une électrification massive des usages et dans le même temps augmenter les tarifs de l’électricité
Dès lors, le gouvernement contraint aussi à une gestion budgétaire un peu plus responsable et à tenter de réduire les déficits publics doit revenir à une répartition plus équilibrée de la construction du tarif réglementé. Elle passe évidemment par une augmentation – à un niveau qui n’est pas encore connu, ni semble-t-il déterminé – de la CSPE pour reconstituer les rentrées fiscales.
On peut tout de même s’interroger sur l’opportunité de cette taxation supplémentaire. On se retrouve ainsi dans la situation ubuesque dans laquelle un même gouvernement plaide pour l’électrification massive des usages (à commencer par le chauffage et le transport) tout en réduisant la compétitivité de l’électricité pour des raisons budgétaires immédiates conséquences de sa mauvaise gestion des finances publiques.
L’électricité plus fiscalisée que le gaz
D’autres noteront à raison que cette décision revient à refaire de l’électricité une source – pourtant très largement décarbonée – plus fiscalisée que le gaz pour les ménages et les entreprises. Des signaux plus que contradictoires.
Dans ces circonstances, le retour de l’énergie dans le giron du ministère de l’économie à la faveur du remaniement du gouvernement et du changement de Premier ministre peut être en fait un mauvais signal. Il peut se comprendre dans une optique de politique industrielle, mais moins s’il s’agit avant tout d’utiliser la transition énergétique comme prétexte pour alimenter les caisses d’un Etat incapable de maîtriser ses dépenses. Moralité : le quoi qu’il en coûte est un slogan et une illusion qui ne font jamais long feu. La mauvaise gestion finit toujours par se payer au prix fort.
Philippe Thomazo