Ne croyez surtout pas que derrière la nouvelle prime à la conversion, le gouvernement est motivé par la baisse des émissions de CO2 et de particules fines. Il entend surtout contrôler et réduire les dépenses. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si elle entre en vigueur le 1er août, le moment le plus propice pour qu’il y ait peu de réactions.
Il faut dire que les fonctionnaires de Bercy se sont lourdement trompés dans leurs prévisions. Ils avaient établi un budget de 596 millions d’euros en 2019 pour couvrir les dépenses liées à cette aide dont la vocation est de permettre aux ménages relativement modestes de changer de véhicule pour un moins polluant. Patatras… Cela a trop bien fonctionné. Le coût total pour l’État de cette prime atteignait 900 millions d’euros… au mois de juin. Plus de 220.000 dossiers d’aides avaient été déposés sur les six premiers mois de l’année.
Donc oubliée la priorité de la réduction des émissions des véhicules, la «nouvelle» nouvelle prime à la conversion (dont l’ancêtre est la prime à la casse) sera bien moins généreuse et s’apparente, administration oblige, à une superbe usine à gaz… «Le but visé par le gouvernement est de payer moins d’argent, donc de complexifier le système pour que moins de personnes y aient accès ou alors pour les décourager. Le but n’est plus du tout de verdir le parc», résume Yves Carra, le porte-parole de l’Automobile club association.
Faire des économies
D’abord, les nouveaux montants de prime ne dépendent plus du caractère imposable ou non du foyer fiscal, mais du revenu fiscal de référence par part de chaque personne ouvrant un dossier. La prime est individualisée, et cela complique singulièrement les calculs.
Les nouvelles voitures ou les occasions récentes éligibles (hors diesel) bénéficieront de la prime si elles rejettent moins de 116 grammes de CO2 par kilomètre contre 122 grammes auparavant. Cela revient à exclure bon nombre de véhicules familiaux bon marché. Une Dacia Sandero 1,2L ou bien une Citroën C4 ne rentrent plus dans le dispositif. En revanche, la bonne nouvelle est que les véhicules fonctionnant au superéthanol E85 (flexfuel) bénéficieront d’un coup de pouce significatif avec un abattement de 40% sur leurs émissions de CO2. Enfin, les véhicules électriques neufs dont le tarif dépasse les 60.000 euros TTC, bonus écologique compris, ne sont plus éligibles à la prime.
La «grosse» prime de 5.000 euros pour les véhicules rejetant moins de 51 g/km, les véhicules hybrides rechargeables ou les véhicules électriques, ne pourra être obtenue que par les demandeurs dont le revenu fiscal de référence par part ne dépasse pas les 13.489 euros.
Acheter un véhicule de 30.000 euros avec un revenu fiscal de référence de moins de 13.500 euros ne devrait pas être très fréquent… D’autant plus qu’il faudra également justifier d’un trajet domicile/travail de plus de 30 kms ou parcourir plus de 12.000 kms par an pour des raisons professionnelles. Autant dire que le gouvernement va faire des économies.
Une usine à gaz en fonction des revenus et de l’âge du véhicule
Pour les véhicules rejetant entre 51 et 116 g/km, la prime est plafonnée à 3.000 euros pour les catégories de revenus ne dépassant pas 13.489 euros par part. Pour des revenus de référence par part supérieurs à 13.489 euros, l’aide est plafonnée à 2.500 euros dans les catégories de voitures ayant des émissions inférieures à 51 g/km, hybrides rechargeables et électriques. Les personnes dans ces tranches de revenus ne pourront pas bénéficier d’aide pour un véhicule d’occasion récent mais pourront bénéficier d’une somme allant jusqu’à 1.500 euros pour les véhicules neufs avec vignette Crit’Air 1 ou 2.
Il y aura aussi une modulation de la prime en fonction des revenus et de l’âge des véhicules mis au rebut. Les voitures mises à la casse doivent être des diesel immatriculées avant le 01/01/2001 ou des essence immatriculées avant le 01/01/1997 dans le cas d’un revenu fiscal de référence par part supérieur à 13.489 euros. Les véhicules mis au rebut doivent être immatriculés avant le 01/01/2006 pour les diesel et avant le 01/01/1997 pour les essence dans le cas d’un revenu fiscal de référence par part inférieur à 13.489 euros.
Enfin, l’aide s’appliquera aussi pour les acheteurs de 2 ou 3 roues. Les demandeurs au revenu fiscal de référence par part inférieur ou égal à 13.489 euros pourront bénéficier d’une aide allant jusqu’à 1.100 euros pour un véhicule d’une puissance maximale nette supérieure ou égale à 3 kW. Cette aide ne dépassera pas les 100 euros pour les personnes au revenu fiscal de référence par part supérieur à 13.489 euros.
En conclusion, le dispositif est évidemment complexifié à dessein. Il a pour seul objectif de réduire la dépense publique. Entre les grands discours moralisateurs sur la transition et la réalité financière, il y a un gouffre. Et si plus de 220.000 foyers ont bénéficié de la prime sur les six premiers mois de l’année, un beau score en comparaison d’un marché de 1.166.442 véhicules particuliers vendus neufs sur la même période, il y en aura beaucoup moins d’ici la fin de l’année. Il ne faudra pas alors s’étonner si les ventes de véhicules électriques ne décollent toujours pas…