<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Pourquoi la consommation de pétrole ne baisse toujours pas dans le monde

1 janvier 2025

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Pourquoi la consommation de pétrole ne baisse toujours pas dans le monde

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En matière d’énergie, la méthode Coué et les vœux pieux ont une efficacité limitée. Il ne suffit pas d’annoncer le déclin imminent de la demande de pétrole dans le monde pour qu’elle se matérialise. Elle a battu des records en 2024 et le fera encore en 2025. Et cela même dans les pays où les véhicules électriques dominent le marché automobile comme en Chine et en Norvège. Enfin, l’Inde a aujourd'hui pris la place de la Chine comme premier moteur de l’augmentation de la consommation de pétrole.

« La fin de l’âge du pétrole est imminente…». Cela fait 70 ans que cette annonce spectaculaire fait la Une des médias, la renommée d’experts auto proclamés et la joie des auteurs de Science-Fiction. Encore très récemment, bon nombre d’institutions réputées et de spécialistes respectés engagés dans la transition, de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) à Jean-Marc Jancovici en passant par Bloomberg NEF (Bloomberg New Energy Foundation), nous ont annoncé le reflux de la production et surtout de la demande de pétrole dans le monde. Pour l’AIE, il était inéluctable en 2020 quand à la suite de la pandémie de Covid la consommation de pétrole dans le monde a connu la plus forte baisse de son histoire. Elle ne devait alors plus jamais retrouver ses niveaux de 2019… L’AIE avait même appelé à cesser tout nouvel investissement dans l’exploration et la production de pétrole. De la même façon, le Think tank Bloomberg NEF annonçait lui aussi le fameux « peak oil » (pic pétrolier) du fait d’un déclin irrémédiable de la consommation…

Elle a en fait battu des records en 2024 et devrait encore le faire en 2025, tout comme d’ailleurs celles de charbon et de gaz naturel. Comme le soulignait en juillet dernier le très sérieux BP Energy Outlook 2024, la transition énergétique n’a pas encore vraiment commencé. L’humanité continue à additionner les sources d’énergie plutôt qu’à en substituer de nouvelles décarbonées aux anciennes fossiles.

Entre les modèles théoriques et la réalité

Pour en revenir au pétrole, l’adoption massive des véhicules électriques devait avoir un impact sur la demande de carburants pour les transports. On retrouve cette thèse dans de nombreux modèles… pas dans la réalité. Il y a un mois, la Banque mondiale estimait que la demande de pétrole brut devrait avoir atteint en moyenne 103 millions de barils par jour en 2024. La Banque mondiale souligne que ce chiffre représente un ralentissement de la progression de la demande. Mais elle n’a pas osé mentionner qu’il s’agit d’un nouveau record historique de la demande de pétrole…

Dans son rapport mensuel de décembre sur le marché pétrolier, l’AIE prévoit que la demande de pétrole devrait augmenter en 2025 à un rythme encore plus rapide qu’en 2024, passant de 840.000 barils quotidiens supplémentaires estimés pour 2024 à 1,1 million en 2025. L’agence attribue cette consommation supplémentaire à la demande provenant de l’industrie pétrochimique qui fait plus que compenser la baisse de consommation du secteur des transports.

L’impact faible des véhicules électriques

Mais même la demande de pétrole provenant des transports ne diminue pas au rythme prévu… La Chine, par exemple, est aujourd’hui et de loin le premier marché mondial des véhicules électriques. En juillet dernier et pour la première fois, les ventes de véhicules électriques ont dépassé celles des véhicules à motorisation thermique. Et cela a continué depuis. Au cours du seul mois de novembre 2024, il s’est vendu près de 1,3 million de véhicules électriques sur le marché chinois, un record. Et pourtant, la demande de pétrole brut en Chine continue à augmenter. A un rythme plus faible que dans le passé, mais elle augmente…

Un exemple encore plus frappant est donné par la Norvège. C’est le pays où le niveau de détention de véhicules électriques par habitant est le plus élevé au monde. En 2023, 82,4% des voitures neuves vendues en Norvège étaient entièrement électriques et cela devrait avoir été plus de 90% en 2024. Mais l’impact sur la demande de pétrole est « négligeable » souligne la banque UBS dans une étude récente.

L’Inde va remplacer la Chine comme premier moteur de la croissance de la consommation

UBS estime que les foyers Norvégiens gardent probablement deux voitures, un véhicule électrique pour les trajets courts et un véhicule à moteur à combustion interne pour les trajets plus longs. Elle souligne aussi que les véhicules utilitaires et notamment les camions continuent à fonctionner avec des carburants fossiles. Le cabinet Rystad Energy est arrivé à la même conclusion.

Enfin, il faut aussi prendre en compte l’émergence sur le marché mondial du pétrole de nouveaux acteurs majeurs. Si la progression de la demande de pétrole de la Chine ralentit, le principal moteur de l’augmentation de la consommation est aujourd’hui l’Inde. En 2024, l’Inde devrait avoir consommé 220.000 barils par jour de plus que l’année précédente, contre 90.000 pour la Chine. Et ce n’est qu’un début.

C’est ce qu’indique l’Energy Information Administration (EIA) américaine qui dans son dernier rapport sur les perspectives énergétiques estime que la demande indienne de pétrole devrait augmenter de 330.000 barils par jour en 2025. L’EIA prévoit également que la Chine connaîtra un taux de croissance plus élevé cette année qu’en 2024. Mais avec une croissance de 250.000 barils par jour en 2025, la Chine ne sera pas le premier moteur de l’augmentation de la demande mondiale de pétrole.

La réalité que bon nombre d’institutions et d’experts ont du mal à admettre est que les hydrocarbures restent aujourd’hui indispensables, y compris à la transition énergétique. Pour fabriquer et transporter les véhicules électriques, les éoliennes, les panneaux solaires, les pompes à chaleur, les électrolyseurs, il faut des carburants fossiles. La croissance de la demande de pétrole devrait tout de même faiblir dans les années à venir et finir par stagner. Mais avant qu’elle commence réellement à diminuer, il faudra être patient.

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