Transitions & Energies

Pour le BP Energy Outlook 2024, le monde n’est toujours pas vraiment engagé dans la transition énergétique


La version 2024 de l’étude référence de BP sur l’avenir énergétique, Energy Outlook, montre que la façon dont est menée aujourd’hui la transition énergétique dans le monde ne permettra pas d’atteindre ni même d’approcher les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre des accords de Paris de 2015. A cela, une raison essentielle, le monde ne substitue pas des sources d’énergies bas carbone aux combustibles fossiles mais les additionne. Il consomme à la fois des quantités toujours plus importantes d’énergies bas carbone et de fossiles.

BP vient de publier sa traditionnelle étude Energy Outlook pour l’année 2024 (Energy Outlook 2024) et ses conclusions tout comme celles de la Statistical Review of Energy sortie le mois dernier ne sont pas réjouissantes. Mais ses deux études qui font référence ont le mérite de décrire la réalité, pas les fantasmes et les illusions. Pour le BP Energy Outlook, la transition énergétique n’a en fait pas même vraiment commencé à l’échelle planétaire et les sources d’énergie bas carbone ne remplacent pas encore les énergies fossiles mais viennent s’y ajouter.

Passer pour la première fois dans l’histoire à une phase de substitution des sources d’énergie

« En fait, en-dehors de l’épisode marqué en 2020 par la pandémie de Covid, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté chaque année depuis les accords de Paris de 2015… Le monde se trouve dans une phase où il consomme à la fois des quantités croissantes d’énergies bas carbone et fossilesLe défi est pour la première fois dans l’histoire de passer d’une phase d’addition de sources d’énergies à une phase de substitution dans laquelle les sources bas carbone augmentent suffisamment rapidement pour répondre et au-delà à l’augmentation de la demande…», écrit BP.

Le BP Energy Outlook met à nouveau l’accent sur son concept de trilemme énergétique à savoir : la nécessité pour le système énergétique mondial de fournir une énergie fiable, abordable et durable. « La pertinence de cette démarche n’a jamais été aussi grande : toute transition réussie et durable doit prendre en compte les trois éléments du trilemme ».

Deux scénarios : la trajectoire actuelle et celle de l’hypothétique Net Zero

La Statistical Review of Energy publiée le mois dernier par l’Energy Institute parvenait à une conclusion très similaire: le processus de transition énergétique – consistant à substituer des sources d’énergie bas carbones aux combustibles fossiles – a en fait à peine commencé à l’échelle planétaire.

Le BP Energy Outlook 2024 s’attache à deux scénarios principaux. La « Current Trajectory » ou tendance actuelle et « Net Zero », comment serait-il encore possible de réduire d’environ 95% les émissions mondiales de gaz à effet de serre d’ici à 2050.

Emissions de CO2 en gigatonnes. Vert: scénario tendance actuelle. Bleu: scénario Net Zéro. Source BP Energy Outlook 2024.

L’étude précise en préambule que « ces scénarios ne sont pas des prédictions de ce qui est susceptible de se produire ou de ce que BP souhaiterait voir se produire. Ils explorent plutôt les implications possibles de différents jugements et hypothèses concernant la nature de la transition énergétique. Les scénarios sont basés sur des technologies existantes et n’envisagent pas l’impact possible de technologies entièrement nouvelles ou inconnues ».

Le premier scénario, celui qui s’inscrit dans la poursuite du rythme actuel de la transition énergétique, ne permet pas d’atteindre ni même d’approcher des objectifs du fameux Accord de Paris sur le climat de 2015 et donc du scénario « Net Zero ». Au rythme actuel, les émissions mondiales de gaz à effet de serre pourraient sans doute atteindre un pic dans les prochaines années mais ne seraient inférieures en 2050 que de 25% au niveau de 2022. En fait, les années à venir seraient toujours « une nouvelle décennie d’addition énergétique ». En dépit du développement des sources d’énergies décarbonées, les combustibles fossiles assureraient encore les deux tiers de la consommation mondiale d’énergie primaire en 2050 (contre 81,5% l’an dernier) dont 27% pour le gaz naturel, 23% pour le pétrole et 17% pour le charbon.

Le problème avec l’autre scénario, le « Net Zero », est qu’il est conditionné par deux évolutions majeures: un développement encore plus rapide et massif des sources d’énergie bas carbone et dans le même temps une consommation d’énergie limitée qui serait inférieure d’environ un tiers par rapport au scénario dit actuel (voir les infographies ci-dessous). Il y aurait alors une vraie substitution des combustibles fossiles par les énergies décarbonées et les premiers ne représenteraient plus qu’un tiers de la consommation mondiale en 2050 à raison de 15% pour le gaz naturel, 12% pour le pétrole et 5% pour le charbon.

Demande mondiale de pétrole en millions de barils par jour. Vert: scénario tendance actuelle. Bleu: scénario Net Zéro. Source BP Energy Outlook 2024.

Demande mondiale de gaz naturel en milliards de mètres cubes. Vert: scénario tendance actuelle. Bleu: scénario Net Zéro. Source BP Energy Outlook 2024.

Demande mondiale de charbon en exajoules. Vert: scénario tendance actuelle. Bleu: scénario Net Zéro. Source BP Energy Outlook 2024.

Capacités installées de production d’électricité éolienne et solaire en Gigawatts. Vert: scénario tendance actuelle. Bleu: scénario Net Zéro. Source BP Energy Outlook 2024.

La rédaction