Parmi les constructeurs automobiles qui adoptent des stratégies originales pour tenter de préserver leur différence et conserver une avance technologique, Porsche occupe une place à part. Le constructeur allemand dispose de trois atouts qui lui permettent de se distinguer. Il est l’un des constructeurs automobiles qui affiche la plus forte rentabilité. Il a une image inégalée de sportivité et d’excellence qui fait qu’il dispose de centaines de milliers de clients fidèles de par le monde. Et il est adossé au groupe Volkswagen.
Des batteries à anode en silicium
Porsche tente aujourd’hui de se démarquer dans deux domaines très distincts. Dans celui des véhicules électriques avec des batteries plus performantes et dans celui des véhicules à moteur thermiques en poussant le développement de carburants de synthèse neutres en terme d’émission de gaz à effet de serre.
Dans le domaine des batteries, Porsche développe des cellules à anode en silicium. Cette technologie doit permettre une augmentation sensible des densités de puissance mais aussi et surtout de réduire considérablement les temps de recharge par rapport aux batteries lithium-ion actuelles à anode en graphite. Le constructeur de Stuttgart doit se lancer dans la production de ce nouveau type de cellules de batteries en partenariat avec la société allemande Customcells. Porsche vient d’investir près de 100 millions d’euros dans une coentreprise baptisée « Cellforce» dont il détient 84% du capital. Il s’agit pour le moment d’une phase de tests puisque Cellforce doit d’abord être capable de fabriquer des batteries pour alimenter 1.000 voitures par an.
L’usine Cellforce sera construite à Tubingue, dans le Bade-Wurtemberg. Le Länder subventionne le projet à hauteur de 60 millions d’euros. Le directeur technique de Porsche, Michael Steiner, explique qu’il est capital pour la marque de développer en interne une technologie qui sera une «clé du futur» pour construire des voitures hybrides ou électriques plus performantes.
Du carburant synthétique fabriqué avec du carbone récupéré et de l’hydrogène
Le développement de cette technologie s’inscrit dans la stratégie plus large de l’ensemble du groupe Volkswagen. Il prévoit de construire six usines géantes de batteries en Europe et s’est allié pour cela au suédois Northvolt. Après un premier site en Suède, Volkswagen compte ouvrir une deuxième usine en 2025 en Allemagne à Salzgitter. Volkswagen veut devenir indépendants de ses fournisseurs de batteries asiatiques et plus particulièrement chinois. Il entend vendre un million de voitures électriques cette année et investir 46 milliards d’euros dans cette technologie en cinq ans. L’un des marques les plus emblématiques du groupe, Audi, a annoncé son intention d’abandonner la motorisation thermique d’ici 2033.
Ce n’est pas du tout le cas de Porsche qui développe une stratégie originale. Elle consiste à ne pas abandonner les motorisations thermiques, notamment à essence, mais à parvenir à la neutralité en CO2 d’ici à 2030 en utilisant des carburants de synthèse. Les procédés de fabrication de tels carburants sont maîtrisés depuis longtemps. Ils s’inspirent de la technique Fischer-Topsch de liquéfaction du charbon utilisée par l’Allemagne à la fin de la Seconde guerre mondiale pour produire, faute de pétrole, des carburants liquides.
Le procédé actuel consiste à synthétiser du carbone (sous forme de monoxyde de carbone ou de dioxyde de carbone) avec de lʼhydrogène pour obtenir un stade préliminaire de carburant. Mais le carbone aujourd’hui n’est plus obtenu à partir de charbon mais avec du C02 récupéré et donc qui n’est pas répandu dans l’atmosphère. Ce gaz combiné à de l’hydrogène fabriqué par électrolyse avec de l’électricité décarbonée permet de produire de l’essence sans la moindre énergie fossile. Porsche s’est associé pour cela à Siemens. Ils entendent utiliser des éoliennes installées dans une zone particulièrement venteuse du Chili, la province de Magallanes.
Porsche et Siemens prévoient de produire 130.000 litres d’essence de synthèse d’ici à la fin 2022, 55 millions avant 2024 et pas moins de 550 millions de litres en 2026. La difficulté consiste en passant à une production à l’échelle industrielle à parvenir à atteindre des coûts acceptables. Aujourd’hui, le prix au litre, de l’ordre de 10 dollars, est prohibitif. Porsche espère pouvoir le diviser par cinq. L’équipementier Bosch est plus optimiste. Il estime qu’à l’horizon 2030, le carburant synthétique pourrait coûter hors taxes entre 1,20 et 1,40 euro le litre et 1 euro à l’horizon 2050. «Nous pensons que les carburants synthétiques produits à partir d’une énergie 100% renouvelable ont le potentiel d’être un élément important à l’avenir», expliquait l’an dernier Oliver Blume, Pdg de Porsche. «Pas moins de 70% des voitures que nous avons construites sont encore en circulation, et le seront encore durant de nombreuses années», avait-il ajouté.