<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Peut-on et surtout veut-on retrouver notre prospérité?

23 février 2024

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Peut-on et surtout veut-on retrouver notre prospérité?

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Le prix de l’énergie est maintenant devenu une véritable entrave au développement ou tout simplement à la présence d’usines sur notre sol. Et ce que l’on nous promet à partir de 2026 s’annonce encore pire. Par Loïk le-Floch-Prigent. Article publié dans le numéro 19 du magazine Transitions & Energies.

L’endettement colossal de la France, le déficit commercial qui ne cesse de s’accroître engagent notre pays dans une spirale infernale dont il va bien falloir sortir. Et ce n’est pas en multipliant les normes et règlements sur les entreprises, les sanctions, en relevant les prix de l’énergie, en maintenant ou en inventant des impôts nouveaux en les appelant « taxes » que l’on va résoudre les problèmes du secteur productif.

Nous avons besoin d’une industrie vivante et conquérante, innovative, nous avons besoin d’investissements importants tout en conservant des raisons d’espérer rester compétitifs. Les nouvelles ne sont pas bonnes à cet égard. Produire en France est de plus en plus cher, de plus en plus entravé, et le prix de l’énergie est maintenant devenu un obstacle supplémentaire au développement ou tout simplement à la présence d’usines sur notre sol.

On ne peut pas sauver à la fois EDF et ses clients industriels

Depuis des années, l’industrie classique, numérisée, automatisée, robotisée… a de plus en plus mal à survivre et n’a plus aucune visibilité susceptible de justifier des investissements en France indispensables à sa pérennité. Les deux dernières années sont à cet égard des cauchemars pour tous les industriels qui ont besoin de chauffer ou de refroidir. Et ce que l’on nous promet à partir de 2026 s’annonce encore pire.

Il n’y a pas de France prospère sans redressement industriel et plus généralement productif, il ne peut y avoir d’industries diversifiées sans une énergie abondante, bon marché et souveraine. Ce n’est pas le chemin qui est pris.

Il est clair que les personnes en charge du dossier énergétique ne sont pas responsables des erreurs du passé et de l’abandon progressif de la filière nucléaire amorcé dès 1997, il y a vingt-six ans. Il va être très difficile maintenant de sauver à la fois l’entreprise productrice, EDF, et ses clients, particuliers comme industriels, mais il faut au moins essayer et se confronter aux réalités !

Un appauvrissement généralisé

Notre pays s’est paupérisé, par conséquent le pouvoir d’achat s’est affaissé tandis que l’un de nos principaux et rares atouts compétitifs, le faible coût de notre électricité d’origine hydraulique et nucléaire, ne profite plus aux consommateurs. Et l’on prépare avec les nouveaux programmes d’investissements une situation qui va encore se dégrader dans les dix prochaines années. On envisage de fixer un prix de long terme de l’électricité préjudiciable à la fois à notre niveau de vie et à notre secteur productif !

Nous avons négocié en tant que pays avec la Commission européenne pour satisfaire les technocrates, puis en tant que propriétaire d’EDF pour que l’entreprise retrouve une rentabilité permettant de financer au moins en partie ses nouveaux investissements, mais on a oublié deux autres acteurs, les particuliers et les entreprises ! Pour les premiers, on retrouve les boucliers, c’est-à-dire on continue à s’endetter pour les calmer… en augmentant lentement les tarifs. Pour les seconds, on ne fait absolument rien !

Les PMI et ETI dans la nasse

C’est donc l’ensemble du tissu des entreprises qui va devoir se débrouiller avec de nouvelles contraintes et une visibilité nulle. Pendant au moins dix ans, plutôt quinze, il n’y aura plus ni abondance ni bon marché et donc une compétitivité inexistante sauf accord de long terme avec le producteur, c’est-à-dire préfinancement avec tarif sur vingt-cinq ans. Cela permet aujourd’hui à un certain nombre d’entreprises du CAC 40 de conserver un prix acceptable de l’électricité pendant encore quinze ans.

C’est bien joli, mais l’industrie et les entreprises françaises ne se résument pas à quelques grandes multinationales. Des milliers de PMI et ETI, souvent sous-traitantes des grandes entreprises, ne seront plus compétitives structurellement et il sera donc de l’intérêt de tous leurs clients d’aller voir ailleurs ! A-t-on bien réfléchi aux priorités politiques ? Elles consistent à gérer avant tout l’endettement du pays et celui d’EDF, fruits de la mauvaise gestion publique depuis des décennies. Au passage, on sacrifie l’outil industriel du pays, les 3 millions d’entreprises restantes, et surtout celles qui sont très dépendantes de l’électricité dans la chimie, la mécanique et la métallurgie… !

Déménager la production ou disparaître

Si elles ne peuvent pas répercuter la hausse des prix de l’énergie et conserver leurs clients, elles auront le choix entre la disparition immédiate ou déménager leur production dans un pays à visibilité plus favorable. Dans la mesure où la situation des deux prochaines années est encore opaque et que l’industrie « classique » n’est clairement pas une priorité, les entreprises ont l’obligation aujourd’hui de choisir rapidement une stratégie si leur note d’énergie est significative, ce qui est le cas général et non pas une exception.

Région par région, secteur par secteur, entreprise par entreprise, la question de connaître rapidement les conditions de la survie se posent puisque leur présence dans le pays dans une situation structurellement non compétitive est impossible. Soit les acheteurs acceptent la dérive des prix, soit, si le gouvernement a envie de conserver une industrie sur le sol national, il décide de pénaliser les industries des autres pays qui veulent vendre en France. On sait déjà que l’Allemagne a choisi comme priorité les entreprises et leur octroie, via des dizaines de milliards d’euros de subventions, un coût inférieur de moitié au meilleur de ce qui peut être envisagé en France. Le gouvernement allemand apporte ainsi une réponse à ses industriels qui veulent déménager l’essentiel leur production aux États-Unis pour bénéficier de coûts de l’énergie nettement inférieurs.

Un des rares avantages compétitifs devient un inconvénient majeur

L’industrie française est lestée depuis des années de contraintes qui n’ont cessé d’affaiblir sa compétitivité. Il est presque inutile de les égrener : normes et règlements à outrance, droit du travail kafkaïen, charges sociales exorbitantes, impôts et taxes multiples… La politique énergétique du pays était une des rares sources d’oxygène qui lui apportait un avantage compétitif ! Un avantage qui n’a cessé de se réduire et menace de devenir aujourd’hui un inconvénient majeur. Dans les aménagements évoqués aujourd’hui, le compte n’y est pas. Seuls les grands clients énergétivores, souvent étrangers, peuvent s’y retrouver.

Nous comprenons tous la situation désastreuse dans laquelle a été plongé EDF, mais nous n’en sommes pas responsables et ne pouvons pas subvenir aux besoins de notre grand producteur national d’électricité ! Inutile pour lui d’espérer conserver ses petits clients avec les prix obtenus lors de sa négociation avec l’État.

Se confronter à la réalité économique

La seule solution possible est que l’inévitable négociation des entreprises avec l’État porte sur une détente de toutes contraintes imposées aux entreprises qui les étouffent au nom de la transition écologique. Cette dernière s’apparente le plus souvent à des émotions traduites en règlements sous l’autorité de militants. La transition énergétique est menée sans vision d’ensemble et sans ouverture de dialogue… à coups de contraintes et de taxes dans un océan de bureaucratie.

Il est plus que temps de se confronter à la réalité. Les entreprises petites et moyennes ne peuvent survivre que si elles ont des raisons d’espérer retrouver leur compétitivité. Plutôt que d’inventer parallèlement aides et subventions d’une part et contraintes d’autre part, changeons de manière de procéder. Il faut les considérer comme des acteurs responsables et adultes. Notre pays ne peut pas organiser une non-compétitivité structurelle de son secteur productif comme il le fait aujourd’hui.

Nous, industriels, effectuons pour notre part la modernisation nécessaire (avec le taux de l’argent que nous connaissons), faisons les progrès de productivité indispensables, n’avons besoin ni de conseils ni de subventions. Nous voulons une politique claire, visionnaire et stable, sans déni de réalité et sans cocoricos intensifs à chaque fois qu’une entreprise étrangère vient s’installer dans notre pays avec l’argent du contribuable, le nôtre…

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