Les SMR (Small modular reactor), petits réacteurs nucléaires modulables, sont à la mode. Ils sont présentés comme permettant de surmonter plusieurs problèmes récurrents liés à la construction des grandes centrales nucléaires, essentiellement l’emballement des coûts et les retards. Moins coûteux, plus rapides à installer parce que fabriqués industriellement (par modules comme leur nom l’indique) et assemblés sur place, plus sûrs, plus adaptés aux besoins de grandes installations industrielles, de data centers, de bases militaires et de villes moyennes ou à la production d’hydrogène vert et de carburants synthétiques. Un chantier de 8 à 15 ans sur un réacteur de grande taille peut en théorie être mené en 2 ans avec un SMR.
Une multitude de projets aux Etats-Unis
Voilà pour les avantages des petits réacteurs. Du côté des inconvénients, les annonces de coûts relativement abordables (quelques milliards d’euros ou de dollars) dépendent de la capacité à industrialiser leur production et donc à en fabriquer de nombreux exemplaires identiques. Rien ne le garantit. Ensuite, les garanties de sûreté et de sécurité doivent être au même niveau que celles des grandes centrales et donc représentent comparativement, par rapport à la quantité d’électricité produite, une part plus importante. Enfin, il y a le problème de l’acceptabilité sociale, la peur parfois irrationnelle de l’atome, et des mouvements écologistes violents. Il est assez facile d’imaginer, en tout cas en France et dans plusieurs pays européens, que toute annonce d’installation d’un SMR provoquerait des manifestations, des affrontements et la naissance d’une ZAD…
En tout cas, plusieurs pays misent résolument sur les SMR à commencer par les Etats-Unis. Ainsi, l’armée de l’air américaine a émis un avis d’intention pour annoncer l’attribution d’un contrat pour l’installation d’un SMR afin d’alimenter en énergie la grande base aérienne d’Eielson en Alaska qui se trouve à une quarantaine de kilomètres de Fairbanks. Le contrat a été signé avec la société Oklo et concerne son réacteur Aurora d’une puissance de 15 mégawatts (MW).
Dans l’attente du feu vert du la NRC, l’autorité américaine de sûreté nucléaire
Il s’agit en l’occurrence d’un mini-réacteur (voir l’image ci-dessus). Il existe trois grandes catégories de réacteurs nucléaires. Les grands équipements de type EPR (EDF) ou Hualong pour la Chine et VVER pour la Russie, dont la puissance est supérieure à 1.000 MW, et donc les SMR (Small Modular Reactors) de deux types, les unités de taille moyenne (200-300 MW) et les mini réacteurs de 5-50 MW dont l’Aurora de Oklo. L’Agence internationale de l’énergie nucléaire répertorie aujourd’hui pas moins de 21 prototypes de SMR dont la puissance varie de 5 à 300 MWs.
Pour l’instant, le calendrier de l’installation de l’Aurora sur la base aérienne d’Eielson n’a pas encore été spécifié. Il faut auparavant que la Nuclear Regulatory Commission (NRC),l’agence américaine de sûreté nucléaire, valide la conception du réacteur.
Oklo est l’une de la douzaine de société qui développent différents prototypes de SMR. Un peu plus tôt cette année, la NRC a donné son feu vert à la construction par la société américaine NuScale d’un prototype de son mini réacteur de 77MW. Il devrait voir le jour d’ici 2028 tout comme celui baptisé BWRX 300 de General Electric Hitachi Nuclear Energy. Un BWRX 300 pourrait entrer en service en 2028 dans l’Ontario au Canada.
Entrée en Bourse
De son côté, Oklo a annoncé au début de l’année que l’entreprise va implanter deux réacteurs Aurora de 15 MW dans le sud de l’Ohio autour des installations industrielles de Portsmouth. Par ailleurs, Oklo a reçu l’autorisation pour construire le prototype de son microréacteur Aurora Powerhouse de 1,5 MW dans le centre de recherche nucléaire fédéral de l’Idaho. Elle travaille également avec le ministère américain de l’énergie et plusieurs laboratoires nationaux américains pour développer des technologies avancées de recyclage des combustibles.
Enfin, le 11 juillet dernier Oklo et AltC Acquisition ont annoncé avoir conclu un accord de fusion des deux entreprises qui permettra à la nouvelle société d’être cotée à la Bourse de New York. Cette opération devrait permettre au groupe californien de disposer de plus de 500 millions de dollars de capitaux pour financer la construction d’une usine de production en série de ses SMR.
EDF a fini par s’y intéresser
Longtemps réticente face aux SMR, contraires à son modèle de grande centrale centralisée surpuissante, EDF a fini par s’y intéresser. Lancé en 2019 par un consortium regroupant EDF, le CEA, TechnicAtome et Naval Groupe, le projet français baptisé Nuward (Nuclear Forward) sera désormais porté par une entreprise du même nom, détenue à 100% par EDF. Cette filiale devrait permettre d’accélérer le développement du SMR français et faciliter ainsi les échanges avec l’ASN (Autorité de Sûreté Nucléaire) qui n’aura alors qu’un seul interlocuteur. La filiale d’EDF devrait travailler avec de nouveaux partenaires comme la société nucléaire belge Tractebel.
Le projet Nuward de réacteur de 170 MW s’incrit dans le cadre du plan France 2030 et a reçu 500 millions d’euros de subventions publiques. L’architecture de base du réacteur est désormais définie. La technologie française intéresse plusieurs pays, comme la République tchèque, la Finlande, ou la Suède. Pour gagner du temps sur l’exportation du réacteur, des dossiers de certification seront soumis aux autorités de sûreté tchèque et finlandaise en même temps qu’aux autorités françaises.