A midi lors d’une journée d’été ensoleillée, la température de surface d’un toit peut atteindre 65 degrés Celsius. Et plus encore lors des périodes de canicule. La chaleur emmagasinée chauffe fortement les bâtiment ou les maisons rendant nécessaire pour la santé des occupants, surtout s’ils sont fragiles, la climatisation. Cela se traduit par une augmentation sensible de la consommation d’électricité provenant en France du nucléaire, des renouvelables et des centrales qui fonctionnent avec de l’énergie fossile.
Le problème est que souvent pendant les périodes de forte chaleur, il y a peu de vent et donc les éoliennes ne produisent pas. Par ailleurs, les performances des panneaux photovoltaïques baissent sensiblement avec l’augmentation des températures. Sous des températures ambiantes de 35 degrés, les cellules peuvent atteindre 80 degrés en surface. Un panneau photovoltaïque dont la température de surface dépasse 25 degrés perd 0,45% de rendement par degré supplémentaire.
«Un climatiseur sans électricité»
Cela signifie que la climatisation est un sérieux problème pour la transition énergétique. Elle pourrait l’être beaucoup moins si les toits réfléchissaient massivement l’énergie solaire qu’ils reçoivent au lieu de l’absorber. Des chercheurs de l’Université de Purdue dans l’Indiana aux Etats-Unis, spécialisés dans les nano matériaux, ont peut-être trouvé la solution. Ils ont créé la peinture la plus blanche qui existe, une formule ultra blanche qui réfléchit 98,1% de la lumière solaire. Les peintures blanches classiques reflètent entre 80% et 90% de la lumière. Passer à plus de 98% «est un progrès considérable parce que chaque pourcentage gagné en terme de réflexion de la lumière se traduit par 10 watts au mètre carré en moins de chaleur provenant du soleil», explique le Professeur Xiulin Ruan qui a dirigé la recherche. La découverte est détaillée dans un article publié très récemment par la revue scientifique Applied Materials & Interfaces qui dépend de la Chemical Society américaine;
«Non seulement la peinture réfléchit la majorité de la lumière solaire pour réduire la chaleur, mais elle se refroidit elle-même à un niveau inférieur à la température de l’air ambiant même sous la lumière solaire directe», explique Xiangyu Li, l’un des chercheurs impliqués dans l’étude interrogé par le site Howstuffworks. «D’une certaine façon, il s’agit d’un climatiseur sans la moindre consommation d’électricité», ajoute-t-il.
Sulfate de Baryum
L’idée de créer des peintures qui peuvent être utilisées comme des moyens passifs pour refroidir les bâtiments n’a rien de nouveau. Des scientifiques ont ainsi développé des technologies très sophistiquées avec des revêtements multi-surfaces utilisant des nano matériaux. Mais il s’agissait de technologies très coûteuses et difficilement adaptables aux besoins massifs de l’industrie de la construction.
C’est pourquoi l’équipe de l’Université de Purdue a voulu chercher des composites polymères qui sont similaires aux peintures commerciales classiques. Ils ont finalement trouvé que le matériau idéal était le sulfate de baryum. Un métal utilisé notamment en médecine, sans danger pour l’environnement et d’ores et déjà produit en quantité. De plus, la peinture développée par l’Université de Purdue résiste à l’abrasion, et peut être appliquée et fabriquée comme une peinture classique. Enfin, la peinture ultra blanche ne se distingue pas en apparence de la peinture blanche banale. Sa capacité supérieure de réflexion de la lumière est tout simplement imperceptible à l’œil humain.
Des coûts peu élevés
Les chercheurs travaillent maintenant avec une société pour passer à un stade de production industrielle et affirment que le coût de leur peinture sera très proche de celui des peintures classiques. «J’ai déjà des demandes d’un musée qui veut exposer cette peinture ultra blanche à côté de la peinture ultra noire», déclare le Professeur Xiulin Ruan.
La peinture ultra noire est appelée Vantablack. Il s’agit d’une matière inventée en 2012 et faite de nanotubes de carbone. Elle absorbe 99,96% de la lumière. Son invention a conduit à une controverse quand l’artiste contemporain Anish Kapoor a acheté les droits exclusifs pour l’utiliser comme matériau artistique.