Une critique aussi directe de la politique énergétique allemande est assez inhabituelle quand elle provient d’un acteur aussi central dans l’énergie outre-Rhin qu’E.ON. La Cour des comptes allemande a déjà bien sûr dans le passé dénoncé la fameuse révolution énergétique allemande (Energiewende), le modèle que veulent toujours imposer les institutions européennes, considérant que c’est un véritable échec en terme économique et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais cela a eu un impact limité sur des options avant tout idéologiques que même la dépendance allemande extrême et volontaire au gaz russe n’a pas vraiment ébranlé après l’invasion de l’Ukraine par le régime de Poutine. L’Allemagne a continué comme si de rien n’était à saboter à Bruxelles systématiquement la stratégie énergétique française et avant tout ses ambitions nucléaires.
Au point que cette fois le patron d’E.ON, Leonhard Birnbaum, a expliqué que Berlin avait peut-être mieux à faire. « L’Allemagne ferait bien d’être prudente quand elle essaye d’imposer sa voie à tout le monde » a-t-il déclaré en marge d’une conférence organisée par le Financial Times.
L’Allemagne importe à nouveau de l’électricité nucléaire française
« Il serait mieux pour tout le monde si les deux pays abordaient le conflit dans l’esprit que chacun fait sa part… Les Français ne pourront pas nous persuader d’utiliser le nucléaire comme nous ne pourrons pas les persuader de ne pas le faire. C’est pourquoi je pense que nous devrions adopter une approche différente dans cette discussion (…) en travaillant ensemble », a-t-il ajouté. E.ON, détenait l’un des trois derniers réacteurs nucléaires allemande définitivement arrêté cette année.
Leonhard Birnbaum a même été plus loin en soulignant que l’énergie nucléaire française allait faciliter le passage vers un mix électrique renouvelable en Allemagne. Depuis la fermeture des dernières centrales nucléaires, le pays est importateur net d’électricité quand la France est redevenue le premier exportateur européen.
Agnès Pannier-Runacher, la ministre française de la Transition écologique, moquait récemment dans un le Handelsblatt, un quotidien allemand, la « contradiction qui consiste à importer massivement de l’énergie nucléaire française tout en rejetant toute législation européenne qui reconnaît la valeur du nucléaire en tant que source d’énergie à faible émission de carbone ». La ministre a également critiqué la volonté de Berlin de se doter de nouvelles centrales électriques à gaz pour atteindre son objectif de neutralité carbone soulignant que cela créait un « problème de crédibilité. Car, le gaz est un combustible fossile… »