Nous ne sommes pas prêts de manquer de pétrole

5 novembre 2019

Temps de lecture : 3 minutes
Photo : Plateforme Pétrolière Wikimedia commons
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Nous ne sommes pas prêts de manquer de pétrole

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Après une brève envolée au lendemain des attaques du 14 septembre contre des installations pétrolières saoudiennes, le prix du pétrole est retombé depuis autour de 60 dollars le baril. A en croire le New York Times, le prix du pétrole devrait continuer à être bas au cours des prochaines années, non seulement parce que l’économie […]

Après une brève envolée au lendemain des attaques du 14 septembre contre des installations pétrolières saoudiennes, le prix du pétrole est retombé depuis autour de 60 dollars le baril. A en croire le New York Times, le prix du pétrole devrait continuer à être bas au cours des prochaines années, non seulement parce que l’économie mondiale ralentit, mais aussi parce que l’offre devrait être encore plus abondante.

«Une augmentation de la production est programmée, que le monde en ait besoin ou pas. Ce flot de pétrole brut va arriver même si les inquiétudes sur le changement climatique grandissent et si la demande mondiale de pétrole ralentit. Et il ne vient pas des producteurs habituels, mais du Brésil, du Canada, de la Norvège et du Guyana…», écrit le New York Times.

Ces quatre pays devraient ajouter en 2020 un million de barils supplémentaires à la production mondiale et encore environ un million de barils en 2021. La production mondiale est aujourd’hui de 80 millions de barils par jour en dépit des difficultés de grands pays producteurs comme le Venezuela et la Libye et de l’embargo américain contre l’Iran.

Cette production supplémentaire n’est pas le fruit d’investissements récents, qui sont en très forte baisse, mais de l’exploitation de gisements découverts il y a plusieurs années. Le Guyana, un des pays les plus pauvres au monde, n’est pas un producteur de pétrole et la production de brut par la Norvège et le Brésil était en déclin depuis de nombreuses années. Quant au Canada, les questions environnementales, la résistance à l’installation de nouveaux pipelines et les coûts élevés ont beaucoup freiné l’investissement dans les sables bitumineux.

Des cours durablement bas

La production norvégienne de brut, par exemple, décline depuis 19 ans. Elle va rebondir avec l’entrée en activité du gisement en eau profonde Joahn Sverdrup, exploité par la société pétrolière nationale Equinor (ex-Statoil). Ce qui n’empêche pas la Norvège, avec une certaine hypocrisie, d’affirmer tenir les engagements de limitation des émissions de gaz à effet de serre pris lors de la COP21 en décembre 2015. Au Brésil, après des années de retards et de scandales de corruption, plusieurs gisements commencent à entrer en production. Mais le potentiel le plus important est celui du Guyana dont la production pourrait atteindre au moins 750.000 barils par jour en 2025.

En tout cas, comme le disent les experts, ces nouvelles capacités de production «changent la dynamique du marché». Car le Canada, la Norvège, le Brésil et la Guyane sont des pays plutôt stables politiquement. Leur production supplémentaire n’est donc pas sujette à des menaces géopolitiques et affaiblit encore la position de l’OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole) et de ses alliés, dont la Russie, qui pour empêcher les cours de baisser limitent leur production depuis près d’un an.

Le New York Times estime même que la surabondance à venir de l’offre de pétrole est la raison pour laquelle le géant saoudien Aramco, la plus grande compagnie pétrolière au monde, a décidé d’accélérer son entrée sur le marché boursier pour ce qui pourrait être la plus importante introduction en Bourse de l’histoire… L’an dernier, Aramco a réalisé un bénéfice net de 111,1 milliards de dollars, plus que les profits combinés d’Apple, de Google et d’Exxon-Mobil… Les autorités saoudiennes ont annoncé une levée de 60 milliards de dollars avec une valorisation espérée de la société de 2.000 milliards de dollars. Selon de nombreux experts, la capitalisation boursière d’Aramco devrait plutôt être comprise entre 1.500 et 1.000 milliards de dollars, ce qui reste colossal.

«Les prix bas peuvent être dommageables pour Aramco et de nombreuses autres compagnies pétrolières en réduisant leurs profits et en limitant l’exploration et les forages, et aussi en pesant sur la politique de nations qui dépendent des revenus pétroliers», explique le New York Times. En revanche, l’abondance de l’offre devrait être une bonne chose pour les consommateurs et leur pouvoir d’achat et soutenir l’activité des économies de pays qui sont de grands importateurs de pétrole comme la Chine, l’Inde et le Japon.

Un problème pour la transition énergétique

Mais le pétrole bon marché a d’autres inconvénients. Il complique et retarde la transition énergétique car il n’incite pas les consommateurs et les industries à réduire leur dépendance aux énergies fossiles. Cela pourrait, par exemple, ralentir l’adoption des véhicules électriques ou à hydrogène en les rendant encore moins compétitifs.

Cité par le New York Times, l’historien de l’énergie Daniel Yergin, compare l’impact des nouvelles productions à venir au Brésil, au Canada, en Norvège et au Guyana à l’arrivée sur le marché du pétrole de schiste américain il y a une décennie. Ce qui semble un peu exagéré. La production de pétrole de schiste a atteint aux Etats-Unis 8,5 millions de barils par jour et devrait continuer à croître au cours des cinq prochaines années. Elle a transformé le marché du brut et permis d’absorber les pertes de production du Venezuela, de la Libye et de l’Iran et l’augmentation de la demande venue notamment de Chine et d’Inde. Les Etats-Unis sont ainsi redevenus le premier producteur mondial et pompent 12,3 millions de barils par jour. Ils pourraient passer à 13,4 millions de barils par jour à la fin de l’année… Avant le pétrole de schiste et avant la crise financière et économique de 2008, les cours du baril avaient dépassé 140 dollars.

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