Ses yeux demeurant toujours un peu « retranchés » dans son visage peuvent lui donner des airs de Charles Bronson. Il n’est en général pas très bien mis et sa faconde peut peser sur les nerfs. Il ressemble à ces anonymes devenus champions de jeux télévisés et ayant, pour cette raison, accédé au vedettariat. Ces messieurs-tout-le-monde agacent mais comme ils ont réponse à tout, il faut bien se résoudre à les admirer. Ainsi, Jean-Marc Jancovici est devenu « le singe savant » de l’énergie et il s’exhibe volontiers sur les plateaux de télévision, sous les lambris des ministères et, bien sûr, sur les réseaux sociaux. La performance est souvent admirable.
Rendre simple les problèmes complexes
On aime sa manière unique de rendre simple les problèmes complexes et cette mise en valeur des ordres de grandeur nous faisant mesurer la complexité de la transition énergétique. Avec la manière, il remet à leur place les adorateurs des éoliennes et des panneaux solaires et recadre à bon escient les journalistes ignorants. Il a aussi le grand mérite de remettre inlassablement la centrale nucléaire au milieu du village France. Son réalisme tranche avec les utopies des milieux écologiques et son absence de parti pris idéologique et politique démontre qu’il n’est pas l’homme d’un camp. Pour toutes ces raisons, certains le verraient bien ministre… Pourtant, le personnage n’est pas sans reproche.
Entièrement sous l’emprise de la peur de l’apocalypse climatique, l’incontournable « Janco » déraisonne souvent malgré tout son talent. On le voit ainsi, très fréquemment, se travestir en Miss Météo. Une canicule en Inde, un coup de chaleur au Canada, des inondations en Allemagne, et il y va de son couplet sur les conséquences désastreuses du changement climatique. Mieux que personne, il doit pourtant savoir qu’un épisode extrême n’a aucune signification particulière sur l’évolution du climat et que seules comptent les tendances mesurées statistiquement sur de longues périodes. Il devrait lire le GIEC qui, dans son rapport, ne relève aucune augmentation des phénomènes météorologiques extrêmes, ni en fréquence ni en intensité.
Revivre chaque année la récession du Covid
Sa vision de la transition énergétique est trop marquée par sa volonté de décarbonner l’économie au pas de course. Son but prioritaire n’est pas d’assurer que l’énergie reste abondante et bon marché, ni d’essayer de compenser la raréfaction des énergies fossiles, mais de maîtriser le climat dans une fuite en avant qui le pousse à vouloir baisser les émissions de CO2 de 5 % par an. Lui-même le reconnaît, son Plan de transformation de l’économie française ne demande rien moins que de revivre chaque année une crise Covid !
Janco et ses amis du Shift Project sont réalistes : cette décroissance de l’économie est nécessaire pour atteindre les objectifs de baisse des émissions. Mais comment ce réalisme peut-il s’évanouir aussitôt ? En agissant sur le « bouton du CO2 anthropique », croient-ils vraiment qu’ils vont provoquer l’infléchissement des émissions à l’échelle globale, que cet infléchissement va entraîner une baisse du stock de gaz carbonique de l’atmosphère, que cette baisse va induire le ralentissement du « grand réchauffement » et que ce ralentissement va permettre à la catastrophe imaginée de ne pas se produire ? Se voient-ils aussi en ingénieurs de la NASA posant des robots sur Mars, lorsqu’ils croient que ce merveilleux enchaînement se produira selon le calendrier prévu ? En réalité, l’inertie du système climatique est telle, les incertitudes si grandes sur le rôle des océans, des nuages, du soleil et d’un nombre infini de paramètres que toute prédiction est impossible. On admire la belle mécanique jancovicienne, mais on ne peut s’empêcher de penser que le simple chaos, dont la théorie veut que le vol d’un papillon dans une prairie d’Île-de-France provoque un orage dans le ciel de São Paulo, aurait davantage de chance de réussir que n’importe quel plan de transformation méthodique et ordonné.
Catastrophisme et cabinet conseil
Janco est sûr de lui car son plan pour « sauver le climat » a été rédigé sous le haut patronage de « la science ». Pourtant, la science tâtonne plus souvent qu’elle n’annonce de vérités. Durant la crise du Covid qui nous a tant appris, combien de projections scientifiques furent démenties ? Le 28 octobre 2020, Emmanuel Macron annonce devant la France entière qu’« à ce stade, nous savons que quoi que nous fassions, près de 9 000 patients seront en réanimation à la mi-novembre ». En réalité, il y en eut moitié moins… « Nous savons » disait-il, car lui aussi avait été « briefé » par « la science ».
La politique énergétique de la France, question de réalisme, doit se libérer de l’influence de Janco sur un point essentiel : son objectif. Celui-ci ne peut être en aucun cas de garantir un avenir climatique serein à l’humanité, mais de modestement fournir aux habitants de la France une énergie si possible abondante et bon marché dans le contexte de la raréfaction des ressources. Autrement dit, il faut rompre avec la décarbonation à court terme et à tout prix qui engage de façon certaine notre pays sur la voie de la décroissance et va nous conduire à la ruine.
À n’en pas douter, le singe savant de l’énergie continuera quand même à se produire un peu partout. Il faudra alors garder à l’esprit qu’il est un des trois associés de Carbone 4, le plus gros cabinet conseil sur les stratégies bas-carbone de la place de Paris. L’alarmisme climatique sied à ses affaires. Comme les médecins, et avant chaque représentation, son devoir serait de rappeler ce conflit d’intérêt. Avec Alain Grandjean, autre associé de Carbone 4, il devrait aussi se retirer du Haut Conseil pour le Climat chargé d’apporter un éclairage « indépendant » sur la politique du gouvernement… Car, pas plus que de vendeurs de vaccins dans le Conseil scientifique Covid, il ne doit y avoir de vendeur de bilan carbone dans cette instance. Un procès d’intention ? Non, une simple précaution.