La capacité des décideurs politiques nationaux comme internationaux à s’absoudre de leurs errements et à ne pas en assumer les conséquences est l’une des raisons majeures de la remise en cause grandissante des systèmes démocratiques. Cela est particulièrement vrai dans le domaine de l’énergie et de la transition énergétique en France comme en Europe.
Le dernier exemple en date est celui du fameux nouveau pacte vert lancé en fanfare par la Commission européenne en juillet 2021 et notamment sa présidente Ursula von der Leyen dont c’était l’heure de gloire et qui a été reconduite sans coup férir dans ses fonctions le 18 juillet. Il faut dire que parmi les 720 députés européens qui ont voté un grand nombre d’entre eux ont une part de responsabilité dans ce délire technocratique. On peut aussi y associer Frans Timmermans, l’ancien vice-président néerlandais de la Commission, un pur « idéologue « de l’écologie climatique qui vit dans un monde de fantaisies. Mais quand il s’agit de prendre ses responsabilités, il est plus réaliste. Il a démissionné pour se présenter aux élections européennes.
« Une techno structure en mal de légitimité »
Déjà en juillet 2021, nous nous demandions : « si la volonté de mener la transition à marches forcées se fait dans l’intérêt des populations ou d’une techno structure en mal de légitimité. Il faudra voir aussi ce qu’il restera dans quelques années des milliers de pages de normes, de réglementations et de recommandations après de difficiles négociations à venir avec les Etats-membres ».
Nous avons la réponse par l’intermédiaire de la Cour des comptes européenne qu’on ne peut soupçonner « d’anti européeanisme » primaire. Elle multiplie les rapports qui sont de véritables réquisitoires contre le nouveau pacte vert dont les objectifs sont non seulement inatteignables mais qui est devenu un danger pour l’économie et la prospérité de l’Union Européenne et de ses citoyens. Croyez-vous que quelqu’un va être sanctionné pour conduire l’Europe dans une impasse et en faire payer l’addition aux populations et aux entreprises…
Aucun objectif n’est en passe d’être atteint
Pour en revenir aux rapports de la Cour des comptes européenne, tout y passe. Aucun des objectifs fixés que ce soit dans le domaine des véhicules électriques et des batteries, des biocarburants, des énergies marines renouvelables, du gaz et de l’hydrogène vert ne sont en passe d’être atteints ni même approchés. Dans chaque domaine, la Cour souligne que la Commission a fixé des objectifs « ambitieux », mais que l’impulsion tarde à venir, la bureaucratie et les réglementations sont étouffantes, les projets trop peu nombreux et longs à se déployer, leur rentabilité incertaine et les investissements réalisés par trop peu de pays.
Le dernier document des sages concerne l’hydrogène vert et il est sans appel même dans le langage d’une institution européenne. « Les auditeurs demandent qu’une vérification à l’épreuve de la réalité soit effectuée pour s’assurer que les objectifs de l’UE sont réalistes et que ses choix stratégiques sur la voie à suivre ne porteront pas atteinte à la compétitivité des industries clés ou ne créeront pas de nouvelles dépendances… La Commission a fixé des objectifs trop ambitieux concernant la production et l’importation d’hydrogène renouvelable, censées atteindre chacune 10 millions de tonnes d’ici à 2030. Ces objectifs étaient dictés par une volonté politique, sans reposer sur une analyse rigoureuse ».
Il y avait seulement 228 MW de capacités d’électrolyseurs opérationnelles en septembre 2023. Pour atteindre les objectifs, un taux de croissance annuel de 150% est indispensable à comparer à celui de 25% aujourd’hui.
Des financements éparpillés, des méandres bureaucratiques et réglementaires
Même en étant très optimiste, les projets d’hydrogène renouvelable considérés comme étant à un stade suffisamment avancé en Europe (y compris les pays hors UE) devraient permettre dans le meilleur des cas de produire environ 2,7 millions de tonnes d’ici 2030… pour un objectif de 10 millions de tonnes.
Les financements de l’UE, tout de même 18,8 milliards d’euros pour la période 2021-2027 selon les estimations des auditeurs, sont éparpillés sur de nombreux programmes, et les entreprises éprouvent les pires difficultés à déterminer le type de financement le mieux adapté à leurs projets. Et du fait de l’omnipotence bureaucratique, plusieurs directions générales de la Commission sont responsables de différents aspects du financement de la chaîne de valeur de l’hydrogène, ce qui complique encore les choses. Cela explique pourquoi la Cour constate que le délai moyen entre la décision finale d’investissement et l’entrée en service d’un projet d’hydrogène vert est de 3 à 5 ans. Enfin, la majeure partie de ces financements sont absorbés par un petit nombre d’États membres à savoir l’Allemagne, l’Espagne, la France, les Pays-Bas et l’Italie.
« La politique industrielle de l’UE en matière d’hydrogène renouvelable doit faire l’objet d’une vérification à l’épreuve de la réalité », répète Stef Blok, le Membre de la Cour responsable de l’audit.