Depuis plusieurs mois, la «relance du nucléaire» fait l’objet d’une couverture intense. Entre la prolongation des durées d’exploitation des réacteurs existants, que ce soit en Belgique comme en France, et le projet d’EDF de construire de nouveaux EPR2 dont la première paire sur le site de Penly, l’attention apportée à la production électro-nucléaire a rarement été aussi importante.
Cependant, la filière nucléaire ne se résume pas à la production. En effet, pour qu’un réacteur puisse fonctionner, il a besoin, en amont et en aval de toute une chaîne de compétences.
Une usine d’enrichissement à Tricastin
C’est notamment le cas de la fourniture de combustible, de son extraction minière à la fabrication des assemblages en passant par l’enrichissement de l’uranium. Cette chaîne amont fait l’objet d’un certain nombre d’attaques. Pour les opposants au nucléaire, cette technologie ne permet en aucun cas d’accéder à l’indépendance énergétique vantée par certains, car nous dépendons de l’étranger pour la fourniture de la matière première.
D’autres se permettent d’attaquer la dépendance de la filière électronucléaire à la Russie pour l’enrichissement et/ou le réenrichissement du combustible. C’est partiellement vrai sur le réenrichissement, c’est totalement faux sur l’enrichissement.
Mais si la France possède sur son sol Georges-Besse II (voir la photographie ci-dessus), exploitée depuis 2011 par Orano sur le site du Tricastin (à cheval entre la Drôme et le Vaucluse) et offrant au pays une capacité à enrichir sur son territoire l’uranium nécessaire au fonctionnement de ses centrales, ce n’est pas le cas de la plupart des pays utilisant l’atome pour leur production électrique.
Le poids dans le marché mondial de l’enrichissement du russe Rosatom
Et pour beaucoup d’entre eux, la dépendance à la Russie est réelle. Car si le marché mondial de l’enrichissement est dominé par 4 producteurs (un Américain, un Français, un Russe et un Chinois), Rosatom, le champion Russe, représente 43% de l’enrichissement de l’uranium dans le monde.
Ainsi, certaines centrales occidentales sont soumises à la fourniture de ce combustible par l’entreprise détenue par l’Etat russe. Qu’une entreprise publique russe fournisse 31% du combustible européen et 28% du combustible américain, dans le contexte actuel, pose un réel problème de souveraineté et de sécurité d’approvisionnement.
Orano veut investir plus de 1,3 milliard d’euros pour augmenter ses capacités
C’est pour cela qu’Orano vient d’annoncer le lancement de la concertation préalable à l’agrandissement de son usine «GB II». L’objectif ? Porter la capacité d’enrichissement de l’entreprise sur le territoire français de 7,5 millions d’UTS (Unité de Travail de Séparation) à 11 millions d’UTS à horizon 2028.
Représentant un investissement colossal de 1,3 à 1,7 milliard d’euros, ce projet au calendrier très serré vise à sevrer très rapidement l’Europe de ses besoins d’approvisionnement en Russie et replacerait Orano sur le podium mondial du domaine, dépassant le chinois CNNC.
Pour toutes ces raisons, bien que beaucoup moins médiatisée que les projets de nouveaux réacteurs, cette initiative mérite une attention particulière et représente une excellente nouvelle à la fois pour l’approvisionnement des centrales occidentales mais aussi pour la balance commerciale du pays.
Mais malgré l’opposition systématique de certains dès que l’on touche au domaine du nucléaire, il est à souhaiter que ce projet puisse voir le jour le plus rapidement possible.
Philippe Thomazo