<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Une obscure loi minière à l’origine des coupures de courant massives et répétées en Chine

1 octobre 2021

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Train Charbon Wikimedia
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Une obscure loi minière à l’origine des coupures de courant massives et répétées en Chine

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La Chine est victime depuis plusieurs mois de coupures massives et répétées d'électricité liées elles même à une pénurie de charbon pour alimenter les centrales. Cela a des conséquences à la fois sur la croissance chinoise et sur l'envolée des prix de nombreux produits manufacturés. L'usine du monde tourne au ralenti et n'est plus capable de répondre à la demande. Cela est notamment la conséquence inattendue d'une loi promulguée en mars qui durcit considérablement les sanctions pour les négligences à l'origine d'accidents miniers devenus de plus en plus nombreux et de plus en plus meurtriers en Chine.

La crise énergétique chinoise majeure, qui se traduit depuis des mois par des coupures de courant massives et répétées, est en partie la conséquence d’une loi minière passée totalement inaperçue quand elle est entrée en vigueur en mars dernier. L’article 134 du code pénal chinois a durci considérablement les peines infligées aux responsables d’accidents miniers, qui se sont multipliés dans le pays depuis plusieurs années. Il ne s’agit plus de simples amendes mais de peines de prison qui peuvent être lourdes.

Les groupes miniers ne veulent plus augmenter la production

Cela s’est traduit au cours des derniers mois par une réticence inconnue auparavant des groupes miniers à augmenter la production de charbon et cela a accru encore la pénurie qui affecte les centrales. D’autant plus que la Chine a mis en place depuis le début de l’année, et pour des raisons uniquement politiques, un embargo sur les importations de charbon australien qui était son premier fournisseur étranger.

Plusieurs analystes, qui ont parlé à l’agence Bloomberg sous le sceau de l’anonymat, ont confirmé que les groupes miniers ont été très réticents à répondre aux demandes du gouvernement d’augmenter leur production, d’autant plus que les inspections de sécurité se sont multipliées dans les mines tout comme les campagnes contre la corruption dans cette industrie.

Conséquence, près de 20 provinces chinoises représentant plus de 66% du Pib du pays ont imposé des coupures de courant sous une forme ou sous une autre au cours des derniers mois. Dans certaines villes, les automobilistes avancent dans l’obscurité, sans éclairage public ni feux de circulation. De nombreuses usines ont cessé partiellement ou même totalement leur activité. Cela signifie que les prix de l’acier et de l’aluminium vont continuer à augmenter dans le monde tout comme les pénuries de nombreux matériaux, l’envolée de leurs prix et les retards de livraison. L’usine du monde n’est plus capable aujourd’hui de tourner à plein régime.

Le charbon est la clé de voute du système énergétique chinois

Le charbon est la clé de voute du système énergétique chinois et cela explique pourquoi le pays est de loin le premier émetteur de gaz à effet de serre du monde. Le charbon représente près de 58% de la consommation d’énergie du pays qui est le premier producteur et premier consommateur au monde d’énergie. En dépit de la pandémie, la Chine a produit l’an dernier 3,84 milliards de tonnes de charbon, son niveau le plus important depuis 2015 en hausse de 90 millions de tonnes par rapport à 2019. La moitié de la production mondiale. Le pays a par ailleurs importé l’an dernier 304 millions de tonnes de charbon, une très légère progression de 4 millions de tonnes par rapport à 2019. Et sur ce total, 57% des importations provenaient d’Australie victime maintenant d’un embargo depuis le début de l’année.

Au total, la consommation de charbon a atteint l’an dernier en Chine 4,2 milliards de tonnes et retrouvé ainsi son niveau record de 2013. Mais la production stagne cette année. Selon la National Development and Reform Commission, l’agence de planification du gouvernement chinois, au cours des trois premiers mois de l’année, les centrales à charbon du pays ont bien augmenté leur production de 16% par rapport à la même période de 2020. Mais avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur la sécurité dans les mines, la production a régressé et n’avait plus augmenté que de 4,4% par rapport à celle de 2020 à la fin du mois d’août.

Pendant ce temps, la demande d’électricité thermique a augmenté de 14% ce qui a fait s’effondrer les stocks de charbon et s’envoler les prix. Les cours du charbon sont si élevés aujourd’hui en Chine que la plupart des centrales fonctionnent à perte. Car les prix de l’électricité pour les usagers sont fixés par l’Etat. Les opérateurs des centrales électriques encaissent donc directement la hausse des coûts du charbon sans pouvoir les répercuter. Ainsi, certaines centrales ont ralenti leur activité et même arrêté la production pour réaliser des opérations de maintenance afin de ne pas perdre trop d’argent, ce qui évidemment a contribué à accentuer les pénuries. Si l’hiver est froid cette année dans l’hémisphère nord, ce qui est une possibilité réelle d’après les météorologues, la crise risque de prendre encore une plus grande ampleur.

Addiction au charbon

Avant la modification du code pénal chinois et le durcissement des sanctions pour les négligences ayant conduit à des accidents, les groupes miniers étaient capables de répondre très rapidement à la demande. Encore à la fin de l’année dernière, quand à la fois la reprise après la pandémie et un hiver rigoureux ont conduit à des coupures de courant en décembre, les mines de charbon chinoises ont produit des quantités record. Mais cela a eu un coût humain considérable. Des accidents et des morts.

Le secteur minier a aussi été affecté par une grande enquête sur des questions de corruption qui a commencé au début de l’année 2020 dans la région de Mongolie intérieure, l’un des principaux producteurs de charbon du pays. On peut enfin ajouter à cela, la décision prise au cours des dernières années de fermer les mines les plus anciennes, les plus dangereuses et les plus polluantes.

Le problème est que la Chine reste toujours aussi dépendante du charbon en dépit d’efforts d’investissements massifs dans le nucléaire, l’hydraulique et les renouvelables. Cette dépendance au charbon est liée notamment à la spécificité de l’économie chinoise. Elle a connu depuis plusieurs décennies une croissance bien plus rapide que toutes les autres grandes économies. Et comme cette croissance est liée à des activités utilisant intensivement l’énergie, notamment la sidérurgie, la production de ciment, d’aluminium, de verre et d’autres industries liées aux BTP, la consommation d’énergie a plus que triplé au cours des deux dernières décennies. Par comparaison et au cours de la même période, la consommation d’énergie en Amérique du nord a augmenté de 4% et a baissé de 4% en Europe.

L’addiction chinoise au charbon s’explique aussi pour d’autres raisons. Il s’agit de la seule ressource fossile présente en abondance sur le territoire chinois et assurant à ce pays une souveraineté énergétique. Enfin, l’augmentation rapide des capacités de production d’électricité provenant de sources renouvelables, notamment éoliennes et solaires, se heurte à un problème récurrent. A savoir, la réalité de la production électrique des renouvelables très inférieure, du fait de leur intermittence, par rapport à leurs capacités théoriques.

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