Cent mille bornes de recharge d’ici fin 2021, le gouvernement et les effets d’annonce

14 octobre 2020

Temps de lecture : 4 minutes
Photo : Tesla superchargeur
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Cent mille bornes de recharge d’ici fin 2021, le gouvernement et les effets d’annonce

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Il n'y a pas de développement durable des voitures électriques sans infrastructures, c'est-à-dire sans bornes de recharge nombreuses, puissantes, faciles à utiliser et installées sur les grands axes. La France est très en retard et le gouvernement vient de lancer un grand plan pour avoir au moins 100.000 bornes au bord des routes d'ici la fin de l'année 2021 contre 35.000 aujourd'hui. Que vaut cette promesse?

En matière d’automobile électrique, les gouvernements sont coutumiers des promesses et des engagements au mieux irréalistes, au pire démagogiques. Il suffit de se souvenir des déclarations faites lors Mondial de l’automobile de Paris de 2010… Il y a dix ans, on nous promettait alors pour 2020 en France deux millions de voitures électriques et 400.000 bornes de recharge sur la voie publique.

Parmi les obstacles au développement du véhicule électrique à batteries, il y a bien sûr le coût d’achat, l’autonomie réelle, le changement profond d’usage et l’absence d’infrastructures, c’est-à-dire de bornes de recharge. Ce qui importe avec les bornes est bien évidemment leur nombre mais aussi leur puissance, qui détermine la rapidité de la recharge, leur répartition sur le territoire, leur facilité d’utilisation et leur disponibilité, le fait qu’elles ne soient pas en panne trop souvent. Il faut enfin que le temps d’attente pour y accéder ne soit pas rédhibitoire. En Norvège, le pays où les voitures électriques à batteries sont les plus nombreuses en pourcentage des véhicules circulant sur les routes, le facteur essentiel pour en posséder une et l’utiliser est la possibilité d’accéder à une borne libre.

Une situation assez catastrophique

Subventionner l’achat de véhicules électriques rencontre rapidement ses limites s’il est impossible de faire des parcours de moyenne et longue distance, faute de bornes de recharge. Ou alors cela revient à limiter l’accès aux véhicules propres aux ménages aisés pour qui la voiture électrique est une deuxième véhicule à usage uniquement urbain, et aux flottes d’entreprises.

Le problème est qu’en matière de réseau de bornes de recharge, la situation en France est assez catastrophique. Non seulement, elles sont en nombre très insuffisant, mais elles sont mal réparties sur le territoire et très peu permettent la recharge rapide indispensable aux longs trajets. La situation s’est même dégradée au cours des derniers mois pour ce qui est des bornes à forte puissance sur les axes autoroutiers puisque leur nombre a diminué avec la fermeture, pour des raisons de sécurité, de la plupart des installations du réseau Corri-Door d’EDF. Tout cela sans parler du fait que recharger un véhicule électrique tient souvent du parcours du combattant faute de norme commune permettant à tous les conducteurs et véhicules d’utiliser les bornes existantes.

Le gouvernement a donc décidé de prendre les choses en main et l’a fait savoir le 12 octobre lors d’une grande opération de communication en appelant les entreprises privées à la rescousse. L’objectif annoncé est de rendre accessible sur le territoire plus de 100.000 bornes de recharge d’ici la fin de l’année 2021, contre environ 35.000 aujourd’hui, quand elles fonctionnent. Il va falloir en un an, faire ce qui n’a pas été fait depuis dix ans…

Les groupes d’énergie et la grande distribution à la rescousse

«C’est un changement de société, toutes les planètes sont alignées. On va pouvoir aider les gens à avoir une voiture plus propre. Aujourd’hui, cette peur de la panne est en train de se résoudre», a déclaré avec emphase Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique. Elle a présentée une charte intitulée «Objectif 100.000 bornes«. Outre l’investissement par l’État de 100 millions d’euros dans l’installation de stations de charge rapide «dans la quasi-totalité des aires de service du réseau d’autoroute et des routes nationales», plusieurs groupes énergétiques et de la grande distribution se sont engagés à installer des bornes, à l’instar de Edouard Leclerc (5.000 bornes d’ici fin 2022), Lidl, Casino et Système U. Les énergéticiens Total, Engie et la filiale d’EDF Izivia se sont également donnés des objectifs chiffrés. EDF, a promis 1.000 points de charge… en y intégrant son projet de Lyon Métropole qui représente 641 bornes. Le président de la métropole du Grand Paris, Patrick Ollier, a annoncé pour sa part le déploiement de 5.000 bornes, avec 5000 euros donnés à chaque commune par borne installée. Au total, on reste tout de même assez loin du chiffre de 100.000.

Voilà pour les promesses. Elle sont les bienvenues, mais de nombreuses questions clés sur ce programme et cette charte restent sans réponses. Quel est le modèle économique des entreprises et des collectivités qui investissent pour installer des bornes? Quelles charges permettront les 65.000 nouvelles bornes installées en un an?  Ce n’est pas la même chose de recharger les batteries à 80% en cinq heures et en 50 minutes. Quel est le maillage prévu? Quid de la maintenance de ces bornes? Celles qui existent aujourd’hui sont souvent en panne. Y aura-t-il une norme permettant enfin à tout le monde d’y avoir accès?

Des dizaines de systèmes incompatibles

Parce qu’en l’état actuel des choses, les bornes publiques n’intègrent aucun terminal de carte bancaire ni système de paiement de type Google Pay ou Apple Pay. Pour charger sa batterie, l’automobiliste doit avoir une carte à puce spécifique qui diffère d’un gestionnaire de réseau à l’autre. Il existe des dizaines de systèmes de paiement à la prestation, au forfait ou à l’abonnement qui sont évidemment incompatibles entre eux. Aucune mesure d’interopérabilité n’existe entre les sociétés qui exploitent les bornes. Enfin, ces bornes sont souvent techniquement très différentes les unes des autres.

L’Association nationale pour le développement de la mobilité électrique (Avere-France) a beau se féliciter que près de 70% des charges de voitures électriques se font lentement, la nuit, au domicile des propriétaires avec des puissances modérées, de l’ordre de 7,3 kW en moyenne quand les bornes rapides sur autoroute peuvent atteindre 50 kW. Mais la forte proportion de charges à domicile tient certes à la commodité d’usage et aussi au fait qu’il est très difficile de recharger ailleurs son véhicule.

Pour finir, avoir 100.000 bornes sur le territoire, qui sera un objectif difficile à atteindre en un an, sera un progrès certain surtout si elles sont puissantes et faciles d’utilisation, Ce qui est loin d’être acquis. Mai la France sera alors tout juste au niveau des normes fixées par l’Union Européenne. Surtout si le pays ne fait qu’approcher l’objectif fixé par les pouvoirs publics d’avoir sur les routes 2,4 millions de véhicules utilisant d’une façon ou d’une autre des moteurs électrique d’ici 2023 (100% électriques et hybrides).

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