L’hydrogène vert, fabriqué par électrolyse avec de l’électricité décarbonée, est devenu en quelques mois l’une des technologies qui suscite le plus d’espoir pour réussir la transition énergétique. Elle est soutenue par des investissements massifs de milliards d’euros de nombreux pays en Asie comme en Europe. «J’ai rarement vu, voire jamais, une technologie qui bénéficie d’autant de soutiens autour du monde. Des pays qui ont des vues complétement différentes sur l’énergie et le climat se rejoignent en affirmant que l’hydrogène est la clé d’une technologie d’énergie propre», a même déclare il y a quelques semaines Fatih Birol, le Directeur exécutif de l’Agence internationale de l’énergie. «De mon point de vue, l’hydrogène est aujourd’hui ce que le solaire était il y a dix ans», a-t-il ajouté.
Il est vrai que l’hydrogène est aujourd’hui à la fois, en l’état de la technologie, l’un des meilleurs moyens de stocker de l’électricité bas carbone et le seul carburant qui puisse se substituer aux énergies fossiles dans de nombreux domaines dont le transport de marchandises, la chaleur et l’industrie. Pour autant, créer une filière compétitive d’hydrogène vert ne s’annonce pas simple. Notamment, parce qu’il faut le produire en quantité importante et à des coûts acceptables. Le point clé pour créer de toutes pièces une filière et la rendre économiquement viable consiste à utiliser de l’électricité bas carbone disponible en abondance à des tarifs réduits. L’hydrogène n’est pas une source d’énergie en tant que telle, mais un vecteur qui facilite son utilisation, son transport et son stockage.
50 tonnes par jour d’hydrogène vert
Produire de l’hydrogène vert avec de l’énergie nucléaire, qui est décarbonée, pourrait être une solution. Pour deux raisons. Tout d’abord, faire fonctionner des centrales nucléaires à pleine charge ou à une charge plus réduite quand la production d’électricité renouvelable intermittente (éolien et solaire) est importante est techniquement difficile et en terme de coûts la différence est marginale. Utiliser alors l’électricité nucléaire surabondante permettrait de produire de l’hydrogène à des prix compétitifs.
Ensuite, le fonctionnement des électrolyseurs s’adapte mal à la production intermittente solaire et éolienne. Le rendement des électrolyseurs, qui n’est déjà pas très important, baisse considérablement si leur alimentation électrique est irrégulière.
Les Etats-Unis ont lancé un programme fédéral pour tester différentes façons de produire de d’hydrogène vert dans plusieurs de leurs centrales nucléaires. Trois producteurs d’électricité ont été désignés pour adapter des centrales afin de fabriquer de l’hydrogène. Une autre expérimentation a été testée par la jeune société NuScale Power, spécialisée dans les mini réacteurs nucléaires modulaires (voir l’image ci-dessus). Elle a été évaluée par le laboratoire de l’Idaho du Département américain de l’énergie et a donné des résultats encourageants.
Un petit réacteur NuScale qui produit 250 MW de chaleur et 77 MW d’électricité a été capable de fabriquer près de 50 tonnes par jour d’hydrogène vert. Selon NuScale, cela rend compétitif sur le plan économique la production d’hydrogène à partir d’énergie nucléaire par rapport à l’électricité solaire avec l’avantage de fonctionner plus efficacement.
Utiliser la chaleur et l’électricité
La méthode de production d’hydrogène de NuScale consiste à combiner la vapeur d’eau surchauffée et l’électricité. La vapeur d’eau est portée d’abord à 300°C et ensuite à 860°C en utilisant de l’électricité produite par le réacteur pour séparer les molécules d’hydrogène et d’oxygène. Toujours selon NuScale, il est très facile de faire produire, selon les besoins, de l’électricité ou de l’hydrogène par son réacteur.
Selon une étude récente de Energy Options Network (EON), une organisation à but non lucratif qui promeut les solutions énergétiques bas carbone, «un des avantages inhérents du nucléaire par rapport à des technologies qui ne produisent que de l’électricité, comme l’éolien et le solaire photovoltaïque, est sa capacité à produire à la fois de l’électricité et de la chaleur, cela permet d’utiliser toutes les options existantes pour produire de l’hydrogène».
Pour donner une idée du potentiel de l’hydrogène, la demande en énergie du transport maritime, si elle basculait vers l’hydrogène, «nécessiterait jusqu’à 650 gigawatts de puissance électrique nucléaire», écrit EON. C’est six fois la capacité de production théorique de tous les réacteurs nucléaires en service aujourd’hui aux Etats-Unis et dix fois celle des réacteurs français.