L’été 2022, puis l’hiver 2023 ont été marqués par des épisodes de sécheresse qui inquiètent à juste titre. L’inquiétant déficit en précipitation impacte le pays de différentes façons, que ce soit au niveau agricole, industriel, et même énergétique. Car les centrales thermiques, qu’elles soient nucléaires ou fossiles, nécessitent de l’eau pour leur refroidissement. Et après avoir accumulé récemment des défaites dans l’opinion comme à l’Assemblée nationale, les mouvements écologistes anti-nucléaires ont sauté sur l’occasion pour tenter d’ouvrir un nouveau front : le nucléaire ne serait pas viable car trop consommateur d’eau.
Les chiffres fantaisistes du ministère de la Transition écologique
Ainsi, l’opposition anti-nucléaire s’est empressée de reprendre le chiffre disponible sur le site internet du ministère de la Transition écologique : le nucléaire consommerait 31% de l’eau utilisée en France. Un chiffre énorme. Tellement énorme, qu’il n’a pas tardé à faire tiquer un certain nombre de spécialistes du secteur qui ont repéré des incohérences dans le calcul et contesté les chiffres publiés poussant le ministère à les retirer de son site internet. Il y aurait notamment eu des confusions entre eau prélevée et eau consommée, ainsi que dans les performances des tours aéroréfrigérantes. A croire que la vieille culture anti-nucléaire n’a pas totalement disparu au sein du ministère de la Transition écologique…
En tout cas, après une reprise des calculs une nouvelle estimation a été publiée dans la semaine, et la différence est considérable. La part du secteur électrique (nucléaire et fossile, mais très majoritairement nucléaire) passe ainsi de 31% à 12%.
La solution passe par les tours aéroréfrigérantes
Cependant, il ne sert à rien de nier que la question de l’eau et de la gestion du refroidissement seront un enjeu majeur dans les prochaines années. Car, quand bien même une immense majorité est rendue au milieu, les quantités d’eau nécessaires se chiffrent quand même en milliards de mètres cubes.
La Cour des comptes a ainsi rendu ces derniers jours un rapport sur le chiffrage des adaptations au changement climatique du parc nucléaire français, dressant un état des lieux relativement exhaustif de l’existant et des technologies maîtrisées afin de réduire ces besoins.
Emmanuel Macron y a fait écho lors de son déplacement consacré à l’eau en annonçant «un plan d’investissement afin de faire fonctionner l’ensemble des réacteurs en cycle fermé», sous-entendu, les équiper de tours aéroréfrigérantes (voir le schéma ci-dessus).
Cette préconisation est déjà inscrite dans la loi concernant les futurs réacteurs sur fleuve (car, bien entendu, ceux en bord de mer ne sont pas concernés par les problématiques d’eau pour leur refroidissement). Par ailleurs, les modélisations de RTE (Réseau de transport d’électricité) sur l’impact du réchauffement climatique sur la production électrique ne semblent pas rendre pertinentes l’équipement des réacteurs anciens en circuit ouvert.
Toujours est-il que la France ne manque en réalité pas d’eau et ne risque pas d’en manquer si on ne regarde que les précipitations. Elle a cependant d’énormes efforts à faire pour optimiser son usage, ainsi qu’arriver à faire coïncider besoins et offres. A quand des bassines afin de récupérer les eaux de ruissellement permettant de prévenir les inondations dans certaines régions et refroidir une centrale nucléaire ?
Philippe Thomazo