<i class='fa fa-lock' aria-hidden='true'></i> Nucléaire: plant Vogtle, le Flamanville américain

18 avril 2024

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Nucléaire: plant Vogtle, le Flamanville américain

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L’industrie nucléaire américaine a beaucoup de points communs avec son homologue française. Elle a eu les pires difficultés à terminer le chantier de ses deux réacteurs de troisième génération, l’AP1000 de Westinghouse, à plant Vogtle en Georgie tout comme EDF avec l’EPR de Flamanville ou celui d’Olkiluoto en Finlande. A chaque fois, les délais et les budgets ont explosé. Le défi maintenant pour le nucléaire américain comme son homologue français, affaiblis tous deux par des décennies d’abandon, est d’être capable de construire des réacteurs à des coûts et dans des délais acceptables. Il est loin d’être gagné.

Le chantier de l’EPR de Flamanville (Manche) a été un cauchemar pour EDF et pour toute la filière nucléaire française dont il a illustré l’affaiblissement considérable sous les coups de boutoir infligés par les gouvernements successifs depuis deux décennies. La construction du seul réacteur nucléaire de troisième génération sur le sol français a été lancée en 2007 et c’est avec douze années de retard que le réacteur devrait enfin produire de l’électricité dans quelques mois… si tout va bien. Le coût de sa construction cauchemardesque aura largement dépassé 15 milliards d’euros. Il était estimé initialement à 3,3 milliards d’euros…

La situation est la même ou presque aux Etats-Unis avec les deux seuls réacteurs construits depuis les années 1970 à plant Vogtle en Georgie, dont le chantier a été lancé en 2009. Le premier réacteur, le numéro 3 de la centrale (voir la photographie ci-dessus), est opérationnel depuis mars 2023 et l’autre, le numéro 4, devrait suivre d’ici l’été. Le coût du chantier a été faramineux, même en comparaison de celui de Flamanville, et même sans précédent pour une infrastructure de ce type, pas moins de 35 milliards de dollars, le double du budget initial ! Il n’est pas pour rien dans la mise en faillite du géant du nucléaire américain Westinghouse en 2017 qui a finalement été repris et renfloué. Comme EDF qui a dû être renationalisé à 100% l’an dernier et auparavant Areva, concepteur de l’EPR, repris par EDF pour lui éviter la faillite…

Des réacteurs de troisième génération vendus avant d’avoir terminé leur conception

La comparaison ne s’arrête pas là. Lorsque la construction des unités 3 et 4 de Vogtle a été approuvée par les régulateurs géorgiens en 2009, le réacteur de troisième génération (comme l’EPR), connu sous le nom d’AP1000, n’avait jamais été construit. Il s’agissait alors du modèle phare de Westinghouse qui y avait mis tout son savoir-faire. Il associe notamment une assez grande capacité de production (1.000 MW) à des caractéristiques uniques dites de « sûreté passive ». Cela permet en cas d’accident au réacteur de continuer à être refroidi et donc sûr sans aucune intervention humaine, sans alimentation électrique et sans générateurs de secours.

Le problème est que Westinghouse a vendu un réacteur dont il n’avait même pas terminé la conception avant d’en commencer la construction, ce qui a été à l’origine d’une grande partie de l’accumulation d’échecs coûteux du projet. C’est exactement le même problème qu’a rencontré Areva qui a lancé la construction de son premier EPR, en 2005 à Olkiluoto en Finlande, avec à peine un tiers des plans terminés. Cela n’a pas été pour rien dans les problèmes de conception de ses réacteurs qu’il a fallu rectifier au fil des années.

Se servir de l’expérience de Plant Vogtle tout comme de celle de Flamanville

Les AP1000 de Plant Vogtle sont en tout cas les premiers réacteurs à entrer en service aux Etats-Unis depuis 1993. Après l’accident de 1979 de la centrale de Three Mile Island en Pennsylvanie, tous les projets avaient été arrêtés. Face à un dérapage de l’ampleur de l’AP1000, il y a deux attitudes possibles. Soit considérer que fabriquer de nouveaux réacteurs de cette dimension n’a aucun sens économique ou considérer que cela peut se faire mais en les construisant tout autrement. C’est la décision qui a été prise en France avec le passage du réacteur EPR de Flamanville à l’EPR2 dont la construction doit être plus rapide, moins coûteuse et plus facile… C’est ce que promet EDF, mais les coûts sont déjà en train de s’envoler. En tout cas, la simplification est une nécessité. Elle devrait permettre, par exemple, de passer de 13.309 références de robinet sur un EPR à 571 pour un EPR2…, de 1.517 types de câbles à 14, de 214 modèles de portes à 91, de 836 gabarits de tuyauterie à 257, et de 800 modèles de pompes à 63.

Se servir de l’expérience du chantier de Plant Vogtle pour redémarrer la filière nucléaire sur de meilleures bases, c’est aussi ce que souhaite faire l’administration Biden… « Au cours de la construction de Vogtle, explique au magazine Grist Julie Kozeracki, conseillère principale au Bureau des programmes de prêts du Département américain de l’énergie, nous avons relevé trois grands défis : la conception incomplète, la chaîne d’approvisionnement immature et le manque de formation de la main-d’œuvre. Ces facteurs ont permis de réduire le coût de l’unité 4 de 30% par rapport à l’unité 3 ». Elle ajoute qu’une hypothétique unité 5 serait encore moins chère.

La filière nucléaire américaine est entièrement privée et ne veut pas prendre de risques

Les Etats-Unis possèdent encore le plus grand parc nucléaire au monde avec 94 réacteurs en service produisant de l’électricité dans 54 centrales et dans 28 Etats. La France possède 56 réacteurs en service depuis la fermeture des deux de Fessenheim et bientôt 57 avec Flamanville, mais elle a été dépassée par la Chine devenue le numéro deux mondial du nucléaire civil avec 57 réacteurs en activité et 26 en construction pour une puissance de plus de 30 Gigawatts…

Mais il y a une différence de taille entre le nucléaire des Etats-Unis et de la France. La filière nucléaire américaine est aux mains d’entreprises privées. Et aucune d’entre elle n’a pris le risque aujourd’hui de construire de nouveaux réacteurs et surtout trouvé des banques ou des investisseurs pour la suivre. Et cela même si les Etats-Unis ont signé le texte lors de la dernière COP à la fin de l’année dernière, la 28ème, prenant l’engagement avec 21 autres pays de tripler la production d’électricité nucléaire d’ici 2050.

Le gouvernement fédéral a mis beaucoup d’argent sur la table, notamment via la loi IRA (Inflation Reduction Act) qui porte mal son nom et finance pour des centaines de milliards la transition énergétique. Mais la question de savoir si une nouvelle centrale nucléaire sera effectivement construite dépend d’une constellation d’acteurs, dont l’industrie nucléaire, les fournisseurs d’électricité et les Etats. Aucun d’entre eux ne semble prêt à prendre le risque de faire le premier pas et lancer un projet. D’autant plus que les partisans du nucléaire aux Etats-Unis semblent plus favorables aux petits réacteurs modulaires, les fameux SMR, considérés comme une solution économiquement plus viable que l’AP1000.

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