Dans la communication de Tesla et plus encore de son génial fondateur Elon Musk, il est souvent difficile de distinguer les «vraies» révolutions des annonces prématurées, exagérées, voire farfelues. Depuis plusieurs mois, Tesla promet une avancée majeure en matière de batteries, l’élément essentiel, technologique comme économique, d’une voiture électrique. Il se pourrait bien que derrière la communication agressive, qui n’est pas pour rien dans l’envolée continue du cours de Bourse de Tesla, les nouvelles technologies, sans utilisation de cobalt et permettant à terme de tripler le nombre de cycles de recharge, apportent un changement majeur. Voilà pourquoi.
L’un des principaux freins au développement des voitures électriques, outre un usage plus compliqué et des fonctionnalités plus limitées qu’un véhicule thermique et le manque de bornes de recharge, est leur prix plus élevé. Et cela tient à un seul composant du véhicule, la batterie. Elle représente entre 30 et 40% du coût de fabrication du véhicule, que ce soit pour une capacité de 40 à 50 kWh pour un véhicule d’entrée de gamme ou de 100 kWh et plus pour un véhicule de haut de gamme. Mais cette proportion ne cesse de baisser avec le coût de fabrication des batteries comme le montre cet article de Bloomberg New Energy Finance.
Des batteries lithium iron phosphate pour la Tesla model 3 fabriquée en Chine
Et cela devrait s’accélérer avec des évolutions technologiques et pas seulement les économies d’échelle liées à une production de masse, notamment en Chine. Sans surprise, Tesla est à la pointe de l’innovation dans ce domaine. Le constructeur californien fait aujourd’hui le pari du remplacement du cobalt. Il s’agit d’un des éléments qui explique le coût élevé des batteries. Il a aussi un coût environnemental et humain élevé, notamment parce qu’il provient de zones de conflit comme la République Démocratique du Congo (RDC) (voir photographie d’une mine ci-dessus). Pas moins de 20% de la production de cobalt de la RDC dépend de mineurs «artisanaux» qui extraient le métal dans des conditions proches de l’esclavage. Le cobalt est indispensable car il permet d’obtenir la densité énergétique nécessaire pour que les batteries permettent d’alimenter les moteurs électriques pendant quelques centaines de kilomètres.
La nouvelle technologie qu’a choisi Tesla est celle dite au lithium iron phosphate (LFP). Ces batteries seront fabriquées par le groupe chinois CATL. Elles seront utilisées dans les Tesla model 3 qui seront construites dans la nouvelle usine de Shanghai du constructeur californien et ne diminueront pas leurs performances. Tesla ne cesse de réduire la quantité de Cobalt utilisée dans ces batteries. Elle serait passée de 11 kilos en 2009 à 4,5 kilos en 2018. Mais cette fois, le cobalt disparait et les conséquences sur les coûts de fabrication sont importantes.
Tripler le nombre de cycles de décharge-recharge
Ils pourraient ainsi passer à terme sous le seuil des 100 dollars par kWh. Les coûts ont déjà considérablement baissés de 1.000 dollars par kWh il y a dix ans à 380 dollars en 2015 et environ 150 dollars aujourd’hui selon Bloomberg. Les batteries LFP pourraient coûter environ 100 dollars par kWh vers 2023-2024 et 60 dollars en 2030.
L’autre avancée technologique majeure de Tesla concerne le nombre de cycles de recharge que peut supporter une batterie tout au long de sa vie. Les batteries actuelles ont une durée de vie de 1.000 à 1.500 cycles de décharge-recharge. Une nouvelle technologie brevetée par Tesla permettrait près de 4.000 cycles. Il s’agirait notamment d’un changement de nature de la cathode de la batterie faite à partir d’un cristal unique et non plus à partir d’un assemblage poly cristallin. D’autres technologies pourraient voir le jour, comme celle des batteries polymères développées au Japon.
Mais la batterie qui se recharge 4.000 fois et celle constituée de polymères ne verront peut-être jamais le jour sur le plan industriel. Les batteries sans cobalt LFP seront très bientôt une réalité. Cette technologie se trouvera sur les Tesla model 3 fabriquées à Shanghai et a même reçu l’autorisation de mise sur le marché du gouvernement chinois. Elle devrait permettre immédiatement de réduire de 15 à 20% le coût de fabrication des batteries.
Cette technologie ouvre des perspectives permettant de rendre les véhicules électriques plus compétitifs avec ceux à motorisation thermique. Elle montre également que la technologie des batteries lithium-ion, qui faisait peu de progrès depuis plusieurs années, en dépit des promesses, a encore un potentiel de développement important. Mais il vient des Etats-Unis et de l’Asie, certainement pas de l’Europe et de son «Airbus de la batterie»…