Les mauvaises nouvelles continuent à s’accumuler pour les marchés européens de l’énergie et mettent déjà à rude épreuve la solidarité annoncée entre les pays pour traverser l’hiver prochain. Depuis 2020, la Norvège a pris la place de la France en tant que principal exportateur d’électricité vers l’Europe, vendant ainsi environ un cinquième de sa production à ses voisins. Mais elle vient d’annoncer qu’il ne faudra sans doute pas compter sur elle dans les prochains mois du fait de la sécheresse qui réduit ses capacités de production hydroélectrique et qu’elle privilégie la production pour son marché domestique.
Comme le risque de pénurie d’électricité à la fin de l’année vient encore de grandir, les prix de l’électricité se sont encore envolés pour atteindre en Europe 415 euros par mégawatt heure au début de la semaine.
Des réservoirs à des niveaux très bas
Et pourtant, en matière d’énergie, la Norvège est un pays béni des Dieux. Il est le 11èmeexportateur mondial de pétrole et le 9ème de gaz naturel. Il assurait l’an dernier 25% des importations européennes de gaz naturel derrière la Russie (40%) et loin devant l’Algérie (8%). En plus, ces considérables ressources hydroélectriques lui permettent de produire 92% de l’électricité consommée et d’en exporter… Mais les barrages norvégiens sont aujourd’hui victimes eux-aussi de la sécheresse qui frappe toute l’Europe. Dans le sud du pays, certains d’entre eux sont remplis à moins de 50% à comparer à près de 75% en moyenne à la même période de l’année entre 2000 et 2019.
Le gouvernement répond aussi au mécontentement de la population devant la hausse des prix de l’électricité. Le ministre de l’Energie et du pétrole, Terje Aasland, a annoncé une augmentation du programme d’aide aux ménages et aux agriculteurs pour faire face à l’augmentation des prix de l’énergie.
Privilégier le marché domestique
Terje Aasland a aussi affirmé que le gouvernement devait s’assurer que le pays soit capable de produire suffisamment d’électricité tout au long de l’hiver en accordant la priorité à remplir les barrages plutôt que d’exporter de l’électricité vers le reste de l’Europe. «Quand le remplissage des réservoirs est à des niveaux bas par rapport à la normale pour cette période de l’année, nous donnons la priorité au remplissage… Dans la pratique, cela impliquera des mécanismes de contrôle qui limitent la possibilité d’exportation en cas de faible remplissage du réservoir», a déclaré Terje Aasland.
Cela signifie concrètement que les pays qui comptaient sur les barrages norvégiens pour compenser la perte de livraisons de gaz russe doivent changer de stratégie. «Il s’agit d’un développement important, car la Norvège est un exportateur clé d’électricité vers l’Europe et cela vient s’ajouter aux conséquences de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ainsi qu’à la vague de chaleur européenne actuelle qui a encore renforcé la demande», souligne Jim Reid, expert de la Deutsche Bank.
Les règles du marché unique européen
Mais si la Norvège n’est pas membre de l’Union Européenne, elle appartient au marché unique de l’énergie dont les règles stipulent que les pays ne sont pas autorisés à limiter les exportations vers les pays voisins pour des périodes prolongées. La réduction des exportations est seulement permise si une situation d’urgence est déclarée.
Evidemment, les exportateurs norvégiens sont mécontents. «S’il y a quelque chose dont nous n’avons pas besoin dans une période difficile, c’est de saper la coopération et la prévisibilité du commerce et du flux d’électricité dont dépend la transition énergétique européenne, ou l’engagement de la Norvège envers cette coopération et ces règles d’échange», a déclaré Toini Lovseth, directeur exécutif des marchés et des clients du groupe industriel EnergiNorge.