Le prix Nobel de chimie a été attribué la semaine dernière aux inventeurs et développeurs de la batterie lithium-ion. Selon l’Académie suédoise des sciences, cette batterie a «jeté les fondations d’une société sans fil et libérée des combustibles fossiles». Des arguments contestables. C’est ce que n’a pas manqué d’ailleurs de relever Euronews.
S’il est indéniable que les batteries lithium-ion ont changé notre société et même notre civilisation, en accélérant l’explosion numérique et notamment celle des smartphones et des réseaux sociaux, le coût environnemental de ce progrès est élevé. Et il ne permet certainement pas de se «libérer des combustibles fossiles». D’abord, le numérique représente aujourd’hui dans le monde 4% des émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit même de l’activité dont l’augmentation des émissions de CO2 est le plus rapide, presque 10% par an. Une évolution qui est intenable sur la durée. D’ores et déjà, le numérique a plus d’impact sur l’atmosphère que le transport aérien pourtant tant décrié.
Il ne s’agit pas du seul problème lié aux batteries lithium-ion. Il faut y ajouter les conséquences pour l’environnement de l’extraction des métaux et des terres rares indispensables pour les fabriquer. Et nous ne sommes qu’au début d’un processus. Remplacer les véhicules thermiques existant par des véhicules électrique à batteries lithium-ion nécessitera une explosion d’activités minières particulièrement polluantes.
L’un des trois lauréats du prix Nobel, le Japonais Akira Yoshino, est parfaitement conscient du problème. S’adressant à la presse, il a souligné que le principal problème pour la mobilité électrique dans l’avenir est celui du complet recyclage des batteries. Nous en sommes encore loin.
Aujourd’hui, l’industrie a avant tout pour préoccupation d’être capable de répondre à la demande de batteries, notamment pour les véhicules électriques, d’accroître ses capacités de production et ne pas se trouver face à des pénuries de métaux et de terres rares. Les questions environnementales passent au second plan.
Le coût du recyclage très supérieur aux bénéfices
Le recyclage des batteries lithium-ion est ainsi aujourd’hui totalement insuffisant. Le processus ne permet même pas de récupérer bon nombre de matériaux et n’est pas protecteur de l’environnement. «Même si le lithium est de plus en plus recyclé et même raffiné afin de pouvoir être réutilisé dans les batteries, les quantités sont très faibles et n’ont aucun effet sur le marché mondial du lithium», souligne la Global Battery Alliance. Elle ajoute que «la situation est identique pour des métaux comme le nickel, l’aluminium et le cuivre, à l’exception du cobalt».
Le problème est aussi identifié et dénoncé dans un rapport récent d’évaluation de la Directive européenne sur les batteries. Les coûts de collecte, de stockage, de transport et de recyclage des batteries usagées sont bien supérieurs aux bénéfices retirés de la récupération des matériaux. Il faut y ajouter le manque d’informations sur la durée effective de vie des batteries et l’absence d’une responsabilité claire du recyclage au sein de la filière. Le rapport souligne que «recycler les batteries au lithium émet de grandes quantités de gaz à effet de serre résultant du processus de pyrométallurgie. Le raffinage du cuivre, du cobalt et du nickel est aussi très consommateur d’énergie et ajoute des émissions de gaz à effet de serre». Enfin, toujours selon le rapport, seulement 46% des batteries lithium-ion sont recyclées en Europe.
Le chemin est encore très long pour que les batteries lithium-ion permettent, comme l’a déclaré trop rapidement l’Académie suédoise des sciences, de jeter les fondations d’une société libérée des émissions de carbone.