Le moteur à combustion interne, diesel comme essence, va disparaître. C’est en quelque sorte le sens de l’histoire et celui de la transition énergétique dont l’objectif est de se passer des énergies et des carburants fossiles. De nombreux pays européens ont d’ailleurs annoncé l’interdiction entre 2025 et 2040 (pour la France) de la vente de véhicules neufs avec ce type de motorisation.
Mais les véhicules électriques à batteries affichent, aujourd’hui, des limites techniques importantes, notamment dans la facilité d’utilisation et pour les transports sur longue distance et de marchandises. Le moteur électrique à pile à combustible et à hydrogène offre une alternative plus attrayante sur la longue distance, mais la création de filières compétitives va prendre de nombreuses années.
Dans 20 ans, encore une majorité de moteurs thermiques
Du coup, même les projections les plus optimistes ne voient pas une part de marché supérieure dans le monde à 57% en 2040 pour les véhicules électriques et hybrides. Et dans ce total, 15% seront hydrides, avec donc toujours un moteur à combustion interne, ce qui signifie que la majorité des véhicules commercialisés dans 20 ans auront encore une motorisation de ce type,
Certains constructeurs, à l’image de BMW, misent encore pour de nombreuses années sur la combustion interne. Il expliquent notamment que les voitures électriques coûtent plus chères à fabriquer que leurs équivalents à moteur thermique à cause des prix des matières premières nécessaires à leurs batteries. Klaus Frölich, le Directeur de la recherche et du développement du constructeur bavarois, pense que cela ne changera pas, bien au contraire. Il explique que les prix de ces matières premières pourraient même augmenter au fur et à mesure de la progression de la demande.
L’autre problème majeur vient du temps de recharge des véhicules électriques à batterie et de leur autonomie dans la vie réelle. Il explique que les constructeurs ne sont pas prêts de proposer des voitures avec des temps de recharge approchant ceux des voitures thermiques, pour la bonne et simple raison qu’une recharge trop rapide peut user la batterie en seulement quelques années (deux ou trois ans selon lui). Il faudrait limiter les recharges rapides à une toutes les 20 recharges. Il ajoute que BMW, qui a 500.000 véhicules électriques sur la route, constate que la recharge se fait au domicile où au travail, rarement ailleurs. Voilà pourquoi BMW annonce continuer à fabriquer des moteurs à combustion interne à essence pendant encore trente ans.
Différence de densité énergétique
Après avoir totalement façonnée et transformée les sociétés industrielles et les modes de vie depuis plus d’un siècle, la combustion interne est condamnée mais fait de la résistance. Pas seulement par la force de l’habitude et par l’inertie d’un monde qui compte aujourd’hui plus d’un milliard de véhicules avec une motorisation à combustion interne. Cette motorisation présente encore des avantages certains, notamment en matière de densité énergétique et de coûts.
La différence de densité énergétique est considérable avec les batteries. En volume, l’essence est 13 fois plus dense sur le plan énergétique que les batteries lithium-ion les plus performantes. Cela signifie concrètement que pour créer la même quantité d’énergie qu’un réservoir d’essence de quelques dizaines de litres, il faut des centaines de kilos de batteries. Et il faut ensuite transporter ses batteries. Cela explique aussi pourquoi le transport de marchandises par camions électriques présente en l’état actuel de la technologie très peu d’intérêt. Les camions sont contraints de transporter des tonnes de batteries et les recharger demande du temps et une très grande puissance électrique.
Et puis le moteur à combustion interne peut encore faire des progrès non négligeables. Les principes du moteur à piston sont inchangées depuis plus d’un siècle, mais son efficacité énergétique continue à progresser. La limite théorique du cycle du moteur à combustion interne est d’environ 60%. On en est encore loin aujourd’hui dans le monde automobile: entre 42 et 43% pour un moteur diesel, 37-38% maximum pour l’essence.
La donnée la plus pertinente est celle de rendement moyen, puisque celui-ci varie selon la rapidité de rotation du moteur et l’effort qui lui est demandé. Le rendement moyen a pendant longtemps évolué autour de 20 à 25%. Aujourd’hui, on est environ à 30%, et au-delà avec les motorisations hybrides (carburant-électricité). On doit pouvoir atteindre 35% et baisser beaucoup les consommations.
«Le moteur à essence a connu des développements remarquables au cours des dix dernières années en matière de frictions internes, de calage variable des soupapes, d’injection directe et de turbocompresseurs, pour en nommer quelques uns», expliquait au Financial Times Thomas Weber, le responsable du développement de Mercedes-Benz. «Et il va faire encore d’autres progrès», ajoutait-il. Plusieurs technologies vont continuer à se généraliser comme l’injection directe et l’utilisation de turbocompresseurs qui permettent de réduire assez fortement la consommation à puissance égale. D’autres technologies semblent aussi prometteuses comme l’injection d’eau, la combustion froide et l’utilisation de bio carburants.
L’injection d’eau consiste, comme son nom l’indique, à pulvériser de l’eau avant que ne s’amorce le cycle d’admission pour refroidir l’air et faire baisser la température de la chambre de combustion. Ce faisant, le moteur consomme moins, produit plus de puissance et rejette moins d’oxydes d’azote dans l’air. Porsche applique déjà cette solution pour la plus performante de ses 911, la GT2 RS. Ce procédé permet une baisse de la consommation de l’ordre de 5%.
Limiter les nuisances avant de pouvoir passer à autre chose
La combustion froide a été développée par le très créatif constructeur japonais Mazda. Au lieu de faire appel à une bougie d’allumage, le constructeur japonais comprime très fortement l’essence et un air très chaud pour amorcer le cycle d’explosion. Une méthode difficile à gérer, le cycle d’explosion étant alors très violent et donc susceptible de fragiliser le moteur. Mazda estime avoir résolu le problème en conservant des bougies qui produisent une petite étincelle. Avec cette technique la consommation pourrait baisser d’environ 15%.
Mazda toujours, travaille aussi sur des moteurs fonctionnant avec des bio carburants provenant d’algues. Le constructeur souligne que ces carburants n’augmentent pas les émissions de CO2 puisqu’ils proviennent de plantes qui les ont capté pendant leur croissance. Il ajoute que les algues peuvent être cultivées sur des terres impropres à l’agriculture classique et sans utilisation d’eau douce. Mazda estime que 95% de ses modèles utiliseront encore, en tandem avec des moteurs électriques, des moteurs à combustion interne en 2030 et que les carburants liquides resteront dominants dans l’industrie au moins jusqu’en 2040. C’est pour cette raison que des progrès doivent être faits dans le fonctionnement des moteurs thermiques et dans les carburants utilisés.
Il s’agit en quelque sorte de mesures de transition dans la transition énergétique elle-même afin de réduire et limiter les nuisances, la consommation et les émissions des moteurs à combustion interne. L’objectif est bien à terme de s’en débarrasser. Mais il ne suffit pas de le décréter pour que cela se fasse. Il s’agit d’un processus qui prendra des décennies et les technologies de substitution, notamment pour la transport lourd à longue distance, ne sont tout simplement pas suffisamment matures aujourd’hui.