Le peak oil, le pic de la production et de la consommation dans le monde de pétrole, fait l’objet de débats et de controverses depuis près de 70 ans. Le peak beef, le pic de la production et de la consommation dans le monde de boeuf, est une notion bien plus récente. Mais elle est presque aussi importante comme signal de la transition vers un autre mode de production agricole et de consommation et donc d’utilisation de l’énergie.
L’élevage fait partie des activités économiques qui ne sont pas durables dans les conditions actuelles. Les pâturages et les cultures consacrées à l’alimentation des animaux occupent 60% des terres cultivées. Les boeufs et les buffles domestiques émettent dans l’atmosphère 5 milliards de tonnes d’équivalent CO2 chaque année, environ un septième de toutes les émissions provenant des énergies fossiles. Il faut ajouter à ce constat le fait que la population mondiale continue à grandir tout comme son niveau de vie moyen, ce qui signifie plus de consommation de boeuf. La viande qui est la plus chère et qui est considérée comme la plus prestigieuse dans de nombreuses cultures.
Mais la nouveauté mise en avant par un article récent de l’agence Bloomberg, est que voir la demande de viande de boeuf diminuer dans les prochaines années est bien plus probable que beaucoup le pense. En fait, plusieurs éléments semblent montrer que nous approchons aujourd’hui du pic de la consommation de boeuf dans le monde.
D’abord, la croissance de la production a nettement ralenti au cours des dernières années. Selon les données de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture), la production de boeuf a augmenté de seulement 0,11% par an lors de la dernière décennie. Il s’agit de la progression la plus faible depuis les dernières années du XXème siècle marquées par la maladie de la «vache folle» (encéphalopathie spongiforme bovine) qui avait eu un impact important, notamment en Europe, sur la consommation de viande de boeuf. Même aux Etats-Unis, les comportements changent. Le poulet a dépassé le boeuf dans les années 1990 et le porc est sur le point de faire de même. Tandis que la population américaine a augmenté de 40% depuis les années 1980, dans le même temps la consommation de boeuf a progressé de seulement 15%.
La demande chinoise satisfaite
Une évolution qui est souvent encore plus spectaculaire dans le reste du monde. La production de boeuf en Europe était inférieure de 26% en 2017 par rapport à son niveau record atteint en 1991. En Russie, elle a baissé de 55% par rapport à 1992. Les productions au Canada et en Argentine ont baissé de respectivement 41% et 16% par rapport aux sommets atteints il y a une quinzaine d’années.
En Chine aussi, dont la demande de boeuf est à l’origine de l’essentiel de la croissance des dernières années, la consommation devrait se stabiliser et même diminuer avec le vieillissement démographique en cours. La population chinoise devrait atteindre son maximum dans les toutes prochaines années. En tout cas, si la demande chinoise explique la croissance de la consommation des dernières décennies, ce n’est plus le cas maintenant. Le niveau moyen de consommation de boeuf par personne est aujourd’hui en Chine équivalent à celui de Singapour et de Taiwan dont le niveau de vie moyen est supérieur. Les uns et les autres ont des niveaux de consommation proches de celui du Japon qui s’est stabilisé au début des années 1990. Les capacités de production de boeuf en Chine ont en outre atteint leurs limites. Le cheptel est stable depuis une décennie entre 100 et 108 millions de têtes. L’augmentation de la consommation a été assurée par les importations.
Il reste l’Inde qui devrait être le pays où la croissance de la classe moyenne sera importante dans les prochaines années. Mais les considérations religieuses font que manger du boeuf ne devrait pas atteindre le niveau des pays occidentaux et même des autres pays d’Asie. En fait, l’augmentation de la demande de boeuf devrait surtout venir du Moyen Orient, de l’Afrique et de l’Asie centrale. Mais elle ne devrait pas contrebalancer le déclin de la consommation en Amérique du Nord, en Europe, en Océanie et dans les pays d’Asie les plus développés. L’appétit pour la viande rouge est bien sur la voie du déclin.